Le Premier Ministre Hamas Ismaël Haniyeh
(photo : Associated Press)
Les dernières élections palestiniennes ont consacré, comme chacun sait, la victoire du Hamas. La corruption, la frustration, l’effet conjugué d’une éducation à la violence et d’un sentiment d’impuissance, expliquent en partie le résultat de ces élections. Le Hamas, en jouant la « carte caritative », en appuyant sur le bouton de « l’humiliation palestinienne », en tirant sur le ressort de « l’identité musulmane », a su s’attirer les faveurs de l’électorat. Y compris des femmes. Aujourd’hui, comme prévu, le pays s’achemine vers un désastre politique et social. Quelque chose qui risque fort de ressembler à ce que l’Algérie a connu.
Bref rappel : l’idée motrice de la « révolution indépendantiste » algérienne était de nature trotskiste (1). Elle conduisit l’Algérie vers un pouvoir fortement centralisé et se définissant comme laïc (2). Si les futures complicités françaises ont souvent été dénoncées, lesquelles prenaient la forme de doubles jeux - parfois même quadruples - qui impliquaient le pouvoir tout puissant des « réseaux militaires » engagés dans des « coups financiers » avec l'ancienne métropole, l’Algérie, brinquebalée par l’histoire, jouait aussi une autre carte que le joker français ... Dans ces circonstances, le pouvoir civil était quasiment ligoté. Mais, à côté de ces deux pôles, le militaire et le trotskiste, qui s’entendaient à l’occasion, se développa une influence concurrente qui se solda par la victoire du F.I.S ("Front Islamique du Salut"). Nous passerons sous silence les rivalités sanglantes du pôle islamiste - dont le G.I.A ne fut que la partie la plus visible. Rappelons-nous juste qu’avec l’élection du F.I.S, l’Algérie fut plongée dans la guerre civile qui répercuta ses ondes jusqu’en Europe. C’est que l’Algérie n’était pas préparée à cette étrange victoire : résistance des militaires, d’une part ; résistance des apparatchiks trotskistes, d’autre part ; et évidemment, même si ce n’est pas eux qui firent la différence, résistance des démocrates algériens. On assista alors à toutes sortes de massacres, tandis que la France, enfoncée dans ce second bourbier algérien, devint la cible d’attentats. Tout le monde s’en souvient.
On retrouve dans le parcours palestinien, qui ressemble de plus en plus à une « voie sans issues », beaucoup de points communs. D’abord, la doctrine originelle, tout droit importée d’Union Soviétique, qui se convertit trente ans plus tard à l’islamisme. Ensuite, on reconnaît la même technique de prise du pouvoir des éléments islamistes : avant les élections parlementaires, une main basse sur les municipalités et les grands centres urbains par la voie d’élections démocratiques. Enfin - et en cela, la Palestine fonctionne comme les pays du Tiers-Monde - une confusion entre le pouvoir civil et militaire, où le pouvoir civil appartient de facto à celui et ceux qui ont les armes et l’argent. D’une certaine manière, nous assistons aussi à une « africanisation » de la Palestine : un éclatement de la carte politique en des groupes armés rivaux où celui qui aura le plus d’argent prendra le pouvoir en sauvant plus ou moins les apparences.
C’est précisément de cela qu’Abou Mazen est en train de nous prévenir : il vient d’annoncer - le 19 Mai - que le nouveau Premier Ministre, Ismaël Haniyé, menait le pays tout droit à la guerre. Il vient d’annoncer également un effondrement du nouveau gouvernement islamiste qui devrait conduire à la tenue de nouvelles élections d’ici trois mois. En clair, il vient de nous annoncer une catastrophe programmée. Car quelle est l’alternative ? Soit un Hamas au pouvoir, qui refuse de reconnaître l’État d’Israël, qui se délie de tous les accords précédents signés sous le patronage de la Communauté Internationale ; c’est à dire un Hamas qui sabote le principe même du Droit, ce qui est finalement logique quand on sait que le Hamas reste une organisation terroriste malgré sa victoire. Et il se trouve de nombreux Palestiniens irréductibles qui ne cèderont jamais au Hamas, l’obligeant, comme cela sera de plus en plus souvent observable, à utiliser les « avertissements », les menaces, la force - dont les assassinats - pour faire taire les opposants. Soit la tenue de nouvelles élections qui, si elles devaient se conclure par la défaite du Hamas, ne seraient jamais reconnues par lui. Donc, la guerre civile de toutes façons.
Pour éviter cette guerre civile, la France, que l’on retrouve de nouveau aux côtés de l’Iran et de la Russie, défend sa position qu’elle qualifie de « légaliste » : il faut reconnaître la légitimité du Hamas, issue d’élections démocratiques. Mais c’est vite oublier une chose : quand une démocratie reconnaît la légitimité d’un pouvoir non démocratique dans ses valeurs, dans ses principes, dans son fonctionnement, elle ouvre la boîte de Pandore. C’est précisément ce que le monde est en train de voir avec l’Iran - et nous n’avons certainement pas tout vu encore ...
Alors : que faire ? Éjecter le Hamas du jeu politique, comme le F.I.S fut éjecté en Algérie, au risque de provoquer une guerre civile ? La comparaison s’arrête précisément ici, car la Palestine n’est pas tout à fait l’Algérie : si le Hamas bénéficie d’un très fort pouvoir de nuisance - aussi bien pour l’avenir de la région que du monde en son ensemble - le Hamas a deux faiblesses qui ne sont pas sans importance : d’abord, Abou Mazen, malgré tout, est resté populaire - il est le Président auquel les Palestiniens ne veulent pas renoncer. En un sens, il est le Bouteflika probable et souhaitable pour la stabilité, sinon la paix. Ensuite, le Hamas n’a pas encore suffisamment d’hommes, d’argent (pour « acheter » les hommes et les complicités), d’armes, de poids diplomatique, d’amis internationaux pour faire taire définitivement la population en l’étranglant dans ses « réseaux ». C’est pourquoi, plus que jamais, les démocraties occidentales doivent s’opposer de toutes leurs forces à Ismaël Haniyé et à son Ministre de l’Intérieur : leur abandonner les ressorts de la société palestinienne conduirait nécessairement à une guerre - dans le genre même de celle que nous avons pu voir en Algérie. Et il est à parier que celle-là aussi irait répercuter ses ondes jusque dans le cœur de l’Europe que le Hamas, comme le Hezbollah, ont déjà investi ... Voir la méthodologie du G.I.A et du F.I.S. Une chose est certaine : l’Iran et la Russie, de par leurs choix politiques, ont choisi de financer une guerre civile au profit des islamistes. Quid de la France ? De l’Europe ? La Suède, quant à elle, a déjà choisi.
Isabelle-Yaël Rose.
Bref rappel : l’idée motrice de la « révolution indépendantiste » algérienne était de nature trotskiste (1). Elle conduisit l’Algérie vers un pouvoir fortement centralisé et se définissant comme laïc (2). Si les futures complicités françaises ont souvent été dénoncées, lesquelles prenaient la forme de doubles jeux - parfois même quadruples - qui impliquaient le pouvoir tout puissant des « réseaux militaires » engagés dans des « coups financiers » avec l'ancienne métropole, l’Algérie, brinquebalée par l’histoire, jouait aussi une autre carte que le joker français ... Dans ces circonstances, le pouvoir civil était quasiment ligoté. Mais, à côté de ces deux pôles, le militaire et le trotskiste, qui s’entendaient à l’occasion, se développa une influence concurrente qui se solda par la victoire du F.I.S ("Front Islamique du Salut"). Nous passerons sous silence les rivalités sanglantes du pôle islamiste - dont le G.I.A ne fut que la partie la plus visible. Rappelons-nous juste qu’avec l’élection du F.I.S, l’Algérie fut plongée dans la guerre civile qui répercuta ses ondes jusqu’en Europe. C’est que l’Algérie n’était pas préparée à cette étrange victoire : résistance des militaires, d’une part ; résistance des apparatchiks trotskistes, d’autre part ; et évidemment, même si ce n’est pas eux qui firent la différence, résistance des démocrates algériens. On assista alors à toutes sortes de massacres, tandis que la France, enfoncée dans ce second bourbier algérien, devint la cible d’attentats. Tout le monde s’en souvient.
On retrouve dans le parcours palestinien, qui ressemble de plus en plus à une « voie sans issues », beaucoup de points communs. D’abord, la doctrine originelle, tout droit importée d’Union Soviétique, qui se convertit trente ans plus tard à l’islamisme. Ensuite, on reconnaît la même technique de prise du pouvoir des éléments islamistes : avant les élections parlementaires, une main basse sur les municipalités et les grands centres urbains par la voie d’élections démocratiques. Enfin - et en cela, la Palestine fonctionne comme les pays du Tiers-Monde - une confusion entre le pouvoir civil et militaire, où le pouvoir civil appartient de facto à celui et ceux qui ont les armes et l’argent. D’une certaine manière, nous assistons aussi à une « africanisation » de la Palestine : un éclatement de la carte politique en des groupes armés rivaux où celui qui aura le plus d’argent prendra le pouvoir en sauvant plus ou moins les apparences.
C’est précisément de cela qu’Abou Mazen est en train de nous prévenir : il vient d’annoncer - le 19 Mai - que le nouveau Premier Ministre, Ismaël Haniyé, menait le pays tout droit à la guerre. Il vient d’annoncer également un effondrement du nouveau gouvernement islamiste qui devrait conduire à la tenue de nouvelles élections d’ici trois mois. En clair, il vient de nous annoncer une catastrophe programmée. Car quelle est l’alternative ? Soit un Hamas au pouvoir, qui refuse de reconnaître l’État d’Israël, qui se délie de tous les accords précédents signés sous le patronage de la Communauté Internationale ; c’est à dire un Hamas qui sabote le principe même du Droit, ce qui est finalement logique quand on sait que le Hamas reste une organisation terroriste malgré sa victoire. Et il se trouve de nombreux Palestiniens irréductibles qui ne cèderont jamais au Hamas, l’obligeant, comme cela sera de plus en plus souvent observable, à utiliser les « avertissements », les menaces, la force - dont les assassinats - pour faire taire les opposants. Soit la tenue de nouvelles élections qui, si elles devaient se conclure par la défaite du Hamas, ne seraient jamais reconnues par lui. Donc, la guerre civile de toutes façons.
Pour éviter cette guerre civile, la France, que l’on retrouve de nouveau aux côtés de l’Iran et de la Russie, défend sa position qu’elle qualifie de « légaliste » : il faut reconnaître la légitimité du Hamas, issue d’élections démocratiques. Mais c’est vite oublier une chose : quand une démocratie reconnaît la légitimité d’un pouvoir non démocratique dans ses valeurs, dans ses principes, dans son fonctionnement, elle ouvre la boîte de Pandore. C’est précisément ce que le monde est en train de voir avec l’Iran - et nous n’avons certainement pas tout vu encore ...
Alors : que faire ? Éjecter le Hamas du jeu politique, comme le F.I.S fut éjecté en Algérie, au risque de provoquer une guerre civile ? La comparaison s’arrête précisément ici, car la Palestine n’est pas tout à fait l’Algérie : si le Hamas bénéficie d’un très fort pouvoir de nuisance - aussi bien pour l’avenir de la région que du monde en son ensemble - le Hamas a deux faiblesses qui ne sont pas sans importance : d’abord, Abou Mazen, malgré tout, est resté populaire - il est le Président auquel les Palestiniens ne veulent pas renoncer. En un sens, il est le Bouteflika probable et souhaitable pour la stabilité, sinon la paix. Ensuite, le Hamas n’a pas encore suffisamment d’hommes, d’argent (pour « acheter » les hommes et les complicités), d’armes, de poids diplomatique, d’amis internationaux pour faire taire définitivement la population en l’étranglant dans ses « réseaux ». C’est pourquoi, plus que jamais, les démocraties occidentales doivent s’opposer de toutes leurs forces à Ismaël Haniyé et à son Ministre de l’Intérieur : leur abandonner les ressorts de la société palestinienne conduirait nécessairement à une guerre - dans le genre même de celle que nous avons pu voir en Algérie. Et il est à parier que celle-là aussi irait répercuter ses ondes jusque dans le cœur de l’Europe que le Hamas, comme le Hezbollah, ont déjà investi ... Voir la méthodologie du G.I.A et du F.I.S. Une chose est certaine : l’Iran et la Russie, de par leurs choix politiques, ont choisi de financer une guerre civile au profit des islamistes. Quid de la France ? De l’Europe ? La Suède, quant à elle, a déjà choisi.
Isabelle-Yaël Rose.
Notes de Jean Corcos :
(1) Benjamin Stora (voir article sur le blog) dit que la révolution algérienne fut de nature « millénariste et totalitaire », ce qui est caractéristique du trotskisme. Ceci étant, deux tendances semblent s’être affrontées au sein du parti unique (F.L.N) après l’indépendance : les trotskistes et les « islamo-baasistes », l’islamisme n’étant pas né de nulle part à partir de la fin des années 80.
(2) Cependant et dès l'indépendance, la nationalité algérienne ne fut accordée automatiquement qu'aux habitants nés de père musulman