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23 octobre 2005

Rapport Mehlis, procès Saddam : un magnifique éditorial d’Issa Goraieb dans le journal libanais « L’Orient - Le Jour »

Introduction :
L’actualité s’emballe au Proche-Orient : après le référendum en Irak et le début du procès de Saddam Hussein (voir article précédent, cliquer ici), les commentateurs s’interrogent sur l’avenir d’une vraie démocratie à Bagdad - tout en s’accordant sur le fait que tout retour en arrière est impossible ; après le rapport Mehlis sur l’assassinat de l’ex-Premier Ministre Hariri, les mêmes commentateurs débattent sur l’avenir proche du régime de Damas - tout en s’accordant sur le fait que les beaux jours de « la maison Assad » sont terminés. Mais qui propose, dans les médias, une vue globale sur la faillite de la plupart des régimes arabes de la région, et sur le fait que leurs peuples, enfin, s’interrogent ? En premier, la presse libanaise, directement concernée, et à laquelle j’avais déjà rendu hommage (cliquer ici).
 Je reproduis ci-dessous la fin du très bel éditorial d’Issa Goraieb, directeur de la rédaction du quotidien « L’Orient - Le Jour » en date du 21 octobre.
J.C

Pas plus que la chaotique démocratie qui y a été instaurée, la justice d’Irak ne saurait, en somme, se poser en modèle. Mais pour regrettables qu’elles soient, ces failles n’altèrent en rien le puissant message ainsi lancé à l’ensemble de la région. Pour la toute première fois, un dirigeant arabe déchu échappe à une exécution sommaire ; à des décennies de détention infligée sans autre forme de procès, c’est bien le cas de le dire ; ou alors, pour les plus chanceux, à un exil généralement doré car ils ont abondamment puisé dans la caisse. Pour la première fois, un tel dirigeant comparaît devant des juges, même si l’hirsute Nabuchodonosor d’hier n’a rien perdu de sa superbe et qu’il défie insolemment ceux-ci. Pour la première fois surtout, plus d’un despote doit réexaminer de près, en ce moment, son assurance - impunité et se dire que tout, absolument tout, peut désormais arriver. Cela, le Libyen Kadhafi, bien que fantasque jusqu’à la caricature, aura été le premier à l’avoir compris. Et à l’avoir compris à temps.Que la justice se livre à ses premiers balbutiements en Irak au moment où l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri entre dans une phase cruciale n’est sans doute pas fortuit. Ici et là, c’est la même notion, longtemps foulée aux pieds, qui est réinstituée avec éclat par la communauté internationale : celle de la responsabilité politique - et éventuellement criminelle - des dirigeants indignes qui, tôt ou tard en effet, devraient avoir à rendre compte de leurs actions. C’est en cela même que le rapport du juge Mehlis, remis hier à Kofi Annan et rendu public tard dans la nuit, est capital non seulement pour les Libanais et les Syriens, mais également pour les centaines de millions de citoyens arabes.
Car davantage que les mensongers appels à l’unité, que les dérives et délires des fanatiques, et que les ardeurs guerrières face à l’ennemi israélien, c’est la médiocrité - et trop souvent, hélas, l’ignominie - de leurs gouvernements que les Arabes ont réellement en partage. La justice pointe le bout du nez, le glaive des tyrans n’est plus seul dans la place.

Issa Goraieb