Le titre de l'émission de
dimanche prochain est assez surprenant : "Triple assassinat au 147 rue
Lafayette", en fait j'ai repris celui du livre dont nous allons parler, et
qui est publié au Editions Solin / Actes Sud. J'aurai le plaisir de recevoir
son auteur, Madame Laure Marchand. Laure Marchand est journaliste, et elle a
été correspondante du Figaro et du Nouvel Observateur en Turquie, un pays
qu'elle connait très bien pour y avoir fait des reportages de terrain, en
particulier dans les régions kurdes, et même en Irak dans les bases arrières de
la guérilla. Or il est question des Kurdes dans son ouvrage, parce qu'elle a
fait toute une enquête sur l'assassinat en plein Paris, le 9 janvier 2013, de
trois militantes du PKK, le "Parti des Travailleurs du Kurdistan".
Plus de quatre ans après ces meurtres, on est arrivé à identifier le présumé
coupable, il a été emprisonné mais il n'a jamais été jugé, étant décédé de
maladie en décembre 2016. Beaucoup de zones d'ombre demeurent dans ce qui est
certainement un assassinat politique, mais dont on n'a jamais pu prouver de
façon formelle qui étaient les commanditaires. Son livre est incroyablement
dense et bien renseigné, on le dévore comme un roman policier, et nous allons
essayer de le résumer ensemble.
Parmi les questions que je
poserai à Laure Marchand :
-
Pourriez-vous rappeler à nos auditeurs ce
qu'est le PKK, son histoire et sa lutte engagée contre l'Etat turc depuis 30
ans, une guerre très meurtrière mais absolument pas médiatisée ? Le PKK est
enregistré comme une organisation terroriste par l'Union Européenne et les USA,
or vous donnez de l'organisation une image plutôt positive, pourquoi ? On a
l'impression en lisant votre récit que les responsables du PKK bénéficient
d'une grande liberté d'action en France et en Europe, n'est-ce pas curieux ?
-
Qui étaient les trois victimes, quel âge
avaient-elles, et depuis quand vivaient-elles en Europe ? Quelles étaient leurs
responsabilités au sein du PKK ? Pourquoi ces femmes auraient été choisies
comme cibles, plutôt que des responsables plus importants ?
-
Très vite un suspect va être placé en garde à
vue et considéré comme le probable assassin : un homme jeune, Ömer Güney, qui
connaissait parfaitement les victimes puisqu'il travaillait pour le PKK, en
accomplissant des tâches de soutien logistique, comme les conduire en voiture.
Quels sont les éléments qui ont conduit la police à tout de suite le soupçonner
?
-
Qui était donc Ömer Güney ? Pages 42 à 69,
vous décrivez en fait deux étapes de sa vie, qui font penser à un agent double.
Dans le chapitre intitulé "Mister kurde", c'est l'homme qui à partir
de 2011 s'introduit dans les milieux kurdes de la région parisienne, en gagnant
leur confiance. Mais dans le chapitre intitulé "Mister turc" vous
évoquez sa vie en Allemagne pendant les huit années précédentes, où il ne s'est
jamais revendiqué comme kurde : alors, kurde ou turc ?
-
Vous racontez qu'il y a eu deux tentatives
directes d'orienter la police vers les services secrets turcs. Dès le 20
janvier, un courriel anonyme les met en cause. Mais surtout, en janvier
2014, est diffusé sur Internet un enregistrement audio, où trois personnes
parlent dont l'une a une voix très semblable à celle du suspect, et où il est
question de dirigeants du PKK à abattre : est-ce une révélation, une
manipulation ?
-
ll y a quand même dans votre livre des éléments
à décharge qui mettent en doute la théorie de l'agent secret manipulé par les
services turcs : d'abord cet assassinat extrêmement efficace - dix balles
tirés dans les têtes des victimes en quelques secondes - a été le fait d'un
professionnel, or rien n'a prouvé que le suspect savait se servir d'une arme à
feu. Mais surtout, le Président Erdogan venait d'entrer dans une phase de
négociations avec le PKK fin 2012 ; quel était l'intérêt de commettre ces
assassinats ?
-
Votre livre révèle des éléments troublants
concernant l'attitude des autorités françaises : retard à organiser le procès, alors
qu'on savait le suspect condamné par une tumeur au cerveau - il est mort un
mois avant la date prévue pour son procès ; mollesse de la diplomatie vis à vis
des autorités judiciaires turques ; mais surtout, lorsque la Juge chargée du
dossier a réclamé des documents classifiés de la DCRI et et la DGSE et portant sur
la surveillance du PKK et du principal suspect, on lui a communiqué des documents "caviardés" et inexploitables : comment l'expliquez vous ?
Une émission vraiment originale, un livre qui m'a
passionné : j'espère vraiment que vous serez très nombreux à nous suivre
dimanche prochain !
J.C