Intérieur de la prison de Fresnes
Est-il besoin de le rappeler
ici ? J'ai été comme tous mes auditeurs à la fois choqué et horrifié par cette
semaine de tueries au mois de janvier, qui a fait 17 victimes innocentes, y
compris bien sûr les 4 juifs assassinés dans l'Hypercasher ; et j'ai décidé,
naturellement, de me centrer sur la situation en France pour plusieurs
émissions à venir. Dimanche prochain, nous allons parler d'un sujet qui a été
très souvent évoqué dans les médias, c'est celui de la radicalisation dans les
prisons : Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche, Cherif Kouachi et Amedy Coulibaly
avaient ceci en commun d'avoir tous été incarcérés pour des délits graves ; on
a donc dit que la prison avait été le lieu d'un basculement, d'abord dans
l'intégrisme islamiste puis vers le djihadisme ; ce n'est peut-être pas aussi
simple, par exemple le deuxième frère Kouachi n'avait pas été condamné. Il y
beaucoup de témoignages de personnels pénitentiaires, qui avaient avant ces
derniers attentats dénoncé ce qui se passait dans les prisons, et c'est
pourquoi j'ai jugé urgent de faire parler un témoin. Notre invité sera Foudil
Benabadji. Il est le président de l'Union des Familles de Culture musulmane, mais
il fait surtout partie du Comité Directeur de la Fraternité d'Abraham, où nous
nous sommes connus ; cela témoigne, d'abord, de son idéal de dialogue et de
paix entre les religions. Il est aussi aumônier, visiteur des prisons, le plus
ancien aumônier musulman de France et c'est à ce titre principalement qu'il va
témoigner ; disons-le aussi, son diagnostic sur ce phénomène de radicalisation
est différent, et il pourra l'exposer lors de cette interview.
Parmi les questions que je
poserai à Foudil Benabadji :
- On sait que les statistiques
ethniques ou religieuses n'existent pas en France, en même temps ne donner
aucun chiffre c'est alimenter des fantasmes. Est-ce qu'une population carcérale
musulmane comprise entre 50 et 60 % des détenus vous semble proche de la
réalité ? Est-ce qu'on a, aussi, un fort courant de conversion à l'islam en
prison ?
- Quand
on lit les interviews d'aumôniers des prisons, on est choqué par le caractère
précaire et non reconnu de leur fonction. Contrairement aux aumôniers des
armées, ils ne sont pas payés par l'Etat, ils ne touchent que des indemnités : pourquoi
êtes-vous devenu aumônier ? Sur quels critères sont-ils recrutés ? Comment
améliorer leur formation et leur statut ?
- Il y
a 67.000 détenus actuellement. Le budget de la justice est l'un des plus
faibles du monde développé, il représente 0,2% des dépenses publiques : d'où
une surpopulation carcérale et des conditions de détention souvent lamentables.
De cette promiscuité résulte bien sûr des fortes pressions par les groupes
dominants, si on se réfère à des témoignages publiés dans la presse : brimades
infligées à ceux qui fument ou écoutent de la musique ; vives incitations à
lire le Coran ; prières dirigées par des Imams auto proclamés ; prosélytisme
auprès des détenus les plus isolés ; dissimulation ou "takya" pour
les plus radicaux, difficiles à détecter. Est-ce que vous confirmez ces constats
?
- Quand
on voit le parcours de Mehdi Nemmouche, Mohamed Merah, Amedy Coulibaly, les
délits graves pour lesquels ils avaient fait de la prison, est-ce que ce
n'était pas d'abord des assassins en puissance, des êtres dénués de tout
scrupule et qui ont trouvé le prétexte bien commode du Djihad pour assumer un
fantasme de toute puissance ? Et est-ce que, dans le fond, plutôt que faire des
contre-discours d'aumôniers musulmans contre des recruteurs radicaux en prison,
on n'a pas plutôt besoin de psychologues pour détecter les profils dangereux ?
- Votre
analyse personnelle va à contre-courant finalement du discours qui localise en
prison le basculement dans l'islamisme radical : vous vous dites que les
garçons qui basculent l'ont déjà fait avant d'aller en prison. Vous observez,
depuis des décennies, comment ont évolué certains quartiers et cela vous
révolte. Vous l'expliquez comment ?
- Quels
sont les outils pédagogiques originaux que vous conçus pour combattre la
radicalisation, et en particulier expliquer un peu ce que sont les autres
religions ?
Une actualité brûlante, un sujet passionnant ... soyez
nombreux à l'écoute !
J.C