Bashar al-Assad utilise la manière forte pour venir à bout de la rébellion qui menace son pouvoir. Après avoir fait quelques promesses de réformes et supprimé l’état de siège qui perdurait depuis près de cinquante ans, il fait donner les tanks et tirer à l’arme lourde sur la population civile, qui continue à manifester à mains nues pour plus de démocratie. On compte plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés, mais la condamnation ou - l’indignation - reste très mesurée. On hausse le ton, « la situation est devenue inacceptable, on n’envoie pas, face à des manifestants, des chars » a déclaré mardi dernier Nicolas Sarkozy, mais il n’a pas mis directement en cause Bashar al-Assad comme l’a fait Obama qui a accusé le président syrien de placer « ses intérêts personnels au dessus du peuple syrien » et d’avoir demandé l’aide de l’Iran pour mener la répression ». Difficile, en effet, de critiquer trop durement Bashar al-Assad, après lui avoir déroulé le tapis rouge, en le recevant à Paris et lui avoir offert la place d’honneur dans la tribune officielle au défilé du 14 juillet 2008. Nicolas Sarkozy rompait ainsi avec la politique d’ostracisme que Jacques Chirac exerçait à l’encontre de son homologue syrien, qu’il soupçonnait, sans doute avec raison, d’être responsable de l’assassinat de Rafic Hariri le Premier ministre libanais. Cette réception s’inscrivait dans l’ambitieux projet d’Union pour la Méditerranée dont Nicolas Sarkozy se voulait l’architecte, en s’appuyant sur Moubarak, Ben Ali, Kadhafi, Bashar al-Assad et quelques autres autocrates ou dictateurs. On sait ce qu’il en est advenu. Aujourd’hui, avec Alain Juppé se met en place une nouvelle politique étrangère, la France n’est plus aux côtés des dictatures, « la France est aux côtés des peuples arabes ». Mais si la France est en pointe dans le soutien aux rebelles libyens et participe à l’éviction de Kadhafi, elle est plus prudente quand il s’agit de condamner le Président syrien qui n’a, pourtant, rien à envier au Président libyen : il massacre sa population avec autant de sauvagerie ; mais voilà la Syrie, constituée d’une mosaïque de minorités ethnique ou religieuses, se trouve au cœur du Proche Orient, et ses voisins pour des raisons diverses craignent que la chute de Bashar al-Assad ne déstabilise la région.
Israël perdrait son meilleur ennemi, il n’y a eu aucun incident de frontière avec la Syrie depuis 1973, le Golan est tranquille ; il y a quand même un hic, elle arme le Hezbollah et le Hamas, mais un nouveau régime n’en ferait il pas autant ? Après tout, Moubarak était le meilleur allié d’Israël, et les dirigeants israéliens auraient bien aimé qu’il restât au pouvoir, alors qu’il laissait se développer en Égypte un antisémitisme officiel et odieux, sans que cela ne les offusque!
L’Irak craint que la minorité alaouite au pouvoir ne soit remplacée par des sunnites, qui pourraient remettre en cause le pouvoir des Chiites en Irak et encourager les Kurdes à prendre leur indépendance, des Kurdes qu’on retrouve aussi en Syrie.
Les Occidentaux, les Américains craignent les effets dévastateurs de l’instabilité syrienne sur le Liban, même s’il considèrent que cela entraînerait un affaiblissement de l’Iran et un renforcement de l’Arabie Saoudite.
L’Autorité palestinienne pourrait y trouver un avantage, le Hamas serait affaibli, mais en vérité, personne ne souhaite le départ de Bashar El-Assad. Il le sait et il joue là dessus.
Il y a donc très peu de chances pour qu’une intervention, sous les auspices de l’ONU ou de la Ligue Arabe puisse avoir lieu en Syrie, d’autant que la Russie et la Chine y mettraient leur veto.
Morale et Politique ne font pas bon ménage, on s’en doutait, que des gouvernements réagissent de cette manière n’a rien d’étonnant ; par contre, je suis frappé par le silence des diverses associations ou personnalités promptes à exprimer leur colère, leur condamnation, leur indignation, à aller manifester quand des Palestiniens sont victimes d’exactions provoquées par les Israéliens !!! On cherche vainement le moindre communiqué, c’est le mutisme complet, alors que ces associations et ces personnalités ne sont soumises à aucune obligation de réserve, qu’elles ne sont pas astreintes à des contraintes de gestion gouvernementale. Combien leur faudra t-il de morts de blessés, pour qu’elles manifestent leur indignation ? Sans vouloir faire de comptabilité macabre, un seul mort et son auteur est déjà condamnable, il y a eu bien plus de victimes civiles en Libye, et le chiffre ne cesse de s’élever en Syrie, qu’à Gaza lors de l’opération « plomb durci ».
L’indignation ne peut pas être sélective, n’est ce pas Monsieur Hessel ?
Gérard Akoun
Judaïques FM, le 28 avril 2011