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26 février 2009

Robert Ménard, une nouvelle carrière au Qatar … et de la suite dans les idées



Robert Ménard
(photo tirée du site rmc.fr)

Revenons un peu sur le traitement médiatique de l’opération « plomb fondu », en évoquant une personnalité journalistique célèbre - et qui doit avoir de très solides relations parmi ses confrères, car il est quasi impossible de le voir critiqué, même sur des prises de position discutables : Robert Ménard, l’ancien président de l’ONG « Reporters sans Frontières » (RSF).

Robert Ménard a eu droit à une publicité exceptionnelle à l’occasion des manifestations à Paris, l’été dernier, lors du passage de la flamme olympique des Jeux de Pékin : « opération commando » médiatiquement très réussie - et cause d’une grave crise avec la Chine -, je ne l’ai pas trouvée personnellement critiquable, hormis deux réserves illustrant la compromission de son responsable vis-à-vis du « politiquement correct » toujours ambiant ...
1. Personne ne rappelle son passé trotskiste, qui n’a pourtant rien de secret (lire sa biographie sur Wikipedia). A l’époque (il y a une trentaine d’années), personne ne critiquait la Chine, qui n’était pas encore devenue un « ogre capitaliste » et un concurrent dangereux ; pas Robert Ménard, et surtout pas en ce qui concerne la répression au Tibet, dont les victimes étaient bien plus nombreuses qu’aujourd’hui !
2. Jamais l’ex-président de RSF n’a mené la moindre manifestation pour attirer l’attention sur des conflits ayant fait des centaines de milliers (le Darfour) ou des millions (le Congo) de victimes : lui était-il tellement difficile de proposer une « grille de lecture » sur ces guerres, oubliées par tous ses confrères ?

Robert Ménard fut l’invité le 24 septembre 2008 d’une commission du CRIF, celle des « Relations avec les ONG, les syndicats et le monde associatif » à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir. Hélas, je ne peux que me rapporter au compte-rendu officiel (et non public) de son audition, n’ayant pas moi-même assisté à cette intéressante audition ! Disons simplement que le président de RSF a défendu sa propre conception de la liberté de la presse, qui devrait être totale à son avis : d’où son opposition il y a quelques années à l’interdiction en France de la chaîne antisémite du Hezbollah, « Al-Manar », mais aussi à la Loi Gayssot contre le négationnisme, ou aux « lois mémorielles ». Pour être tout à fait juste, il faut préciser que Robert Ménard a bien sûr dit qu’il ne partageait pas du tout l’opinion de ces différents « groupes de fous furieux », mais qu’il trouvait inefficace toute législation. Ce qu’il n’a pas, par contre, révélé à son auditoire, fut sa démission de « Reporters sans Frontières » ... quatre jours après, soit le 30 septembre !

Extrait, toujours de Wikipedia :
« Depuis novembre 2008, il occupe les fonctions de directeur d'un centre d'accueil pour les journalistes à Doha au Qatar, doté d'une subvention annuelle de 3 millions de dollars par l'émir. Son conseil d’administration compte notamment Patrick Poivre d’Arvor et Dominique de Villepin. Les détracteurs de l'ancien secrétaire général de RSF s'étonnent de cette reconversion dans un pays qui n'a rien d'une démocratie : le pouvoir y est transmis par hérédité et la presse n'a pas le droit d'émettre des critiques contre la famille régnante et le gouvernement. En outre, des organisations humanitaires (Amnesty International et la Commission des droits des femmes de l'ONU) y déplorent la pratique de la polygamie, de la misogynie, de la flagellation, de traitements proches de l'esclavagisme pour les travailleurs immigrés, de la torture, de la peine de mort. »

Le site portail « Desinfos », en lien permanent, a publié un long article intitulé « Audit sur le sérieux et l’objectivité de l’information en France pendant le récent conflit entre l’état d’Israël et le Hamas à Gaza ». On pourra le lire ici. Je reproduis ci-après l’extrait consacré aux prises de position de Robert Ménard, extrait qui me parait bien éclairé par ma longue introduction ...
Une place à part doit être réservée aux interventions multiples de Robert Ménard sur les antennes du Service public (France 3, France Inter). Ancien président de Reporters sans Frontières (RSF) R. Ménard est aujourd'hui responsable du Centre de Doha pour la liberté de l'information ( !!!) décrit ci-après. La nature de cette institution, son financement et la teneur des déclarations publiques de son directeur général permettent de poser la question de savoir si Robert Ménard n'assume pas désormais les fonctions rémunérées de propagandiste des régimes arabes extrémistes favorables au Hamas.

France Inter, dimanche 25 janvier, Journal 8H 9H
Intervention de Robert Ménard

Ancien secrétaire général de RSF, aujourd'hui directeur général du « Centre de Doha pour la Liberté de l'information » accuse l'armée israélienne d'avoir « commis des massacres » à Gaza et d'avoir empêché la presse de s'y rendre pour dissimuler les preuves de ses crimes de guerre.
« Et pourquoi ils cachent. Eh bien on le comprend aujourd'hui. Vous avez vu combien il y a de plaintes en ce moment devant la CPI ? Des centaines de gens qui vont porter plainte contre Israël devant la CPI. Or quel est le problème devant la CPI ? Ce sont les preuves. Prenez l'exemple un article « merveilleux » (sic) dans la presse de la famille Smouni : plus de trente personnes tuées par les Israéliens. Mais il faut amener des preuves. Il faut apporter des images ».
Dans sa très longue intervention à l'antenne, Robert Ménard s'est également fait le porte-parole des opinions publiques arabes qui reprochent à l'Occident de soutenir Israël de manière injustifiée et déséquilibrée.
« Vous n'imaginez pas le gouffre entre les opinions arabes et les opinions occidentales. Il y a l'idée, étayée par un certain nombre de réalités, qu'il y a un deux poids deux mesures fantastique, qu'on pardonne tout à Israël et qu'on accepte rien du monde arabe ou si peu, que dix tués du côté israélien cela vaut 1000 tués pour nous du côté palestinien, et ça ils ne l'acceptent pas ».
Il a ensuite pris position pour prendre la défense du Hamas et rejeter in fine la responsabilité du conflit sur Israël en accusant la presse française de taire les véritables raisons du conflit.
« Est-ce que au fond, d'un côté il y a les roquettes du Hamas et de l'autre il y a la réponse d'Israël qu'un certain nombre de gens, n'en déplaise à M. Glucksman, ont jugé disproportionnée. Mais le problème il n'est pas là (...) Le problème il est comment on en est arrivé là ? Pourquoi les gens envoient des roquettes. Pourquoi le Hamas est malgré tout populaire dans sa zone ? Pourquoi il gagne les élections. C'est peut-être parce que au départ il y a une injustice sur laquelle vous ne vous prononcez pas parce qu'elle est celle d'une mauvaise conscience des Occidentaux par rapport à Israël qui fait que l'on se tait sur l'origine de cette guerre ».
Poursuivant son idée, il a accusé les partisans d'Israël d'utiliser le thème de la Shoah pour interdire toute critique à l'encontre d'Israël dans le présent conflit.
Je vais dire quelque chose qui ne va pas faire plaisir à un certain nombre de gens et c'est dommage que Ivan Levaï ne soit plus là, parce que j'aurais aimé le dire devant lui. Il y a une spécificité du conflit israélo-palestinien pour les occidentaux. (...) Comment se fait-il qu'ici, il n'y ait pas par rapport à ça, la révolte qu'il y eut par rapport à la guerre du Vietnam. Parce que ici - et c'est pour ça que je regrette de ne pas le dire devant Ivan Levaï - parce qu'ici, on a sur la lecture quelque chose qui oblitère tout. Chaque fois que l'on montre ça, il y a un certain nombre de gens pour nous rappeler : « Oui, mais il y a eu la Shoah ! Oui, mais il y a eu les camps de concentration, donc Israël et l'armée israélienne, on doit lui pardonner, on doit l'excuser, on doit regarder sa violence qu'avec d'autres yeux qu'on le ferait avec d'autres armées ».

La famille Smouni, 33 morts de la même famille ! La seule maison qui reste debout est celle qui est occupée par l'armée israélienne. Y'a sur les murs, écrit en hébreu « Mort aux Arabes ! ». Imaginez à l'inverse qu'il y ait écrit dans un endroit « Mort aux Juifs », cela ferait un tollé ici que le « Mort aux Arabes ne fait pas ». Je suis bouleversé, dans l'opinion publique, dans les médias, chez les intellectuels, il y a une lecture de ce conflit que nous faisons avec notre mauvaise conscience ».
 

Pour faire bonne mesure

A la fin de l'émission, essentiellement consacrée à la mise en cause d'Israël, Robert Ménard a eu quelques mots de condamnation du Hamas, manifestement destinés à donner à son intervention l'apparence de l'équilibre et de l'objectivité : « Tout ce que je dis là ne justifie en rien la monstruosité d'un certain nombre d'attitudes du Hamas. Mais je n'ai même pas envie de le dire parce que c'est comme si chaque fois il fallait rappeler que le Hamas « c'est ça, et ça Oui, on le sait ! ».
Durée de cette mention destinée à faire bonne mesure : 12 secondes (sur cinquante minutes d'émission).


J.C