J’écris ce petit article sous le choc d’une nouvelle, apprise seulement ce matin : Charlie Benyahya, homme d’une grande bonté, est décédé prématurément. Sincèrement engagé dans les actions de dialogue entre Juifs et Musulmans, il avait été évoqué sur ce blog, au travers de photos inédites qu’il m’avait envoyées (voir ici et là), et on peut aussi voir son visage à mes côtés, lors d’une cérémonie à la Grande Mosquée de Paris (reportage sur ce lien).
D’origine algérienne, il avait vécu comme toute sa Communauté un exil à la fois brutal et douloureux, qui a laissé à la majorité des Juifs d’Algérie - plus qu’à leurs frères de la Tunisie ou du Maroc voisins - une grande amertume, et beaucoup de méfiance vis-à-vis d’une réconciliation possible. J’y pense particulièrement, ces jours ci, ayant tout juste fini (première étrange coïncidence) le dernier livre de Benjamin Stora « Les trois exils, Juifs d’Algérie » (Editions Stock). Ce sera bien sûr, le thème d’une prochaine émission. Mais en pensant aux blessures de cette génération dont faisait partie Charlie Benyahya, je n’en suis que plus admiratif pour lui comme pour d’autres originaires d’Algérie, un peu plus vieux comme mon ami Emile Moatti, ou plus jeunes comme Stora, justement, qui ont cherché à renouer les fils du dialogue de l’autre côté de la Méditerranée.
Je le rencontrais donc régulièrement à la Commission du CRIF pour le dialogue avec les Musulmans, présidée par Bernard Kanovitch. En novembre 2004, il a fait partie tout naturellement des pionniers fondateurs de « l’Amitié Judéo-Musulmane de France », où il travaillait dans le bureau, apportant (aux dires de tous) beaucoup de diplomatie et d’humanité aux côtés des deux co-présidents, le Rabbin Michel Serfaty et Djelloul Seddiki.
Contrairement à quelques autres - hélas outrageusement valorisés par de grands médias - pour qui la main tendue aux Musulmans doit s’accompagner, comme un impôt obligatoire, d’un reniement envers les siens (et Israël en particulier), Charlie Benyahya s’est beaucoup dévoué pour les œuvres communautaires : c’est ainsi qu’il était le délégué français des « Rendez-vous du cœur » qui s’occupent, à Jérusalem, des enfants nés dans des familles défavorisée ou éclatées (voir informations sur ce site). Homme d’une grande modestie, il ne venait sur les ondes de la fréquence juive (dont notre radio) que pour lancer des appels aux dons pour ces enfants nécessiteux.
Enfin, deuxième et dernière coïncidence, j’aurais appris sa disparition (survenue en décembre), au lendemain d’une autre, celle-là d’une personnalité particulièrement sinistre et associée à l’exact contraire de Charlie: Maurice Papon, criminel contre l’humanité, est mort tranquillement à 96 ans, après avoir si peu payé pour sa participation à la Shoah. Ainsi va notre monde, qui voit des Justes partir tellement vite, et des salauds vivre si longtemps ... En ce dimanche, me reviennent aussi les paroles du Rabbin Gabriel Farhi entendues ce matin sur Judaïques FM, dans son billet consacré justement à la mort de Papon. On pourra lire toute sa chronique sur le site TOP J en lien. J’en reproduis juste un extrait, qui traduit, si fortement, ma tristesse en pensant à la disparition de Charlie Benyahya, un homme de bien.
« Tout cela paraît si injuste. Les Psaumes bibliques s’interrogent sur le bien-être des méchants et la souffrance des justes sans bien entendu y apporter la moindre réponse si ce n’est dans le fait de poser cette question. Ce n’est pas normal et cela ne s’inscrit donc pas dans le dessein divin tout comme la mort de 6 millions de nos frères et sœurs. Oui il y a des êtres infâmes qui vivent longtemps et dans le confort alors que des hommes justes sont frappés par la pauvreté et la souffrance. »
J.C