Introduction :
Le site américain "memri" ("Middle East Media Research Institute"), est comme je l'ai souvent signalé une mine d'informations pour qui veut suivre les débats politiques au Moyen-Orient, dans le monde arabe comme en Iran. Malheureusement, les articles en anglais constituent la base documentaire et les versions en d'autres langues sont beaucoup moins riches ... Raison de plus pour vous proposer un article en français à découvrir d'urgence, car il est au cœur des préoccupations des communautés juives vivant en Europe : celui de l'antisémitisme arabe, véhiculé par la mouvances islamiste et par la propagande de certains gouvernements dictatoriaux. Le professeur Menahem Milson, professeur émérite de l'Université Hébraïque de Jérusalem et conseiller auprès du memri, a publié une excellente synthèse sous le titre : "Qu'est ce que l'antisémitisme arabe ?".
Je me sens directement concerné par ce sujet, pour deux raisons : en tant que citoyen français, je suis outré par le manque d'indignation que suscite cet antisémitisme là, importé de l'étranger et que ne veulent pas dénoncer nos "belles âmes", formatées pour dénoncer uniquement le racisme d'extrême droite et ses menaces - heureusement plus fantasmatiques que réelles ; en tant que juif engagé dans le dialogue judéo-musulman avec mon émission, je sais que trop de membres de ma communauté ont déjà basculé dans l'hystérie, considérant tout Arabe comme déjà gangréné par cette maladie. Il faut donc analyser cette dérive, froidement et sans passion, et le professeur Milson que l'on ne saurait taxer d'extrémisme (il est partisan d'une paix de compromis avec les Palestiniens) me semble être une bonne référence.
Voici deux extraits importants de son article : celui où il s'interroge sur le trop long silence des Juifs vis à vis de cet antisémitisme ; et celui où il dit - et je le soutiens tout à fait - que ne rien dire ou faire n'aidera pas à la réconciliation, au contraire !
J.C
J.C
Pourquoi ce refus de reconnaître l'existence d'un antisémitisme proprement arabe ?
" Au vu de la quantité de références antisémites contenues dans les publications arabes de toutes sortes du siècle dernier, on ne peut que constater, avec une certaine perplexité, que les universitaires juifs et israéliens les ont tout bonnement ignorées.
Il existe toutefois quelques exceptions (en Israël et ailleurs) : "La position arabe dans le conflit israélo-arabe" (paru en hébreu en 1968), de Yeoshafat Harkabi, demeure, jusqu'à ce jour, un ouvrage de référence sur le sujet. Harkabi n'a pas hésité à qualifier le phénomène d'antisémitisme. A suivi, en 1971, un article de Bernard Lewis intitulé "Sémites et antisémites" suivi de travaux supplémentaires du même auteur. Rivka Yadlin, Norman Stillman, Bat Yeor et Ron Nettler ont aussi abordé le sujet. Mais ils sont restés des exceptions: l'écrasante majorité des spécialistes du Moyen-Orient, en Israël et ailleurs, ont évité le sujet.
J'ai tenté de donner une explication à ce surprenant phénomène : des facteurs psychologiques se mêlent ici aux facteurs politiques et idéologiques. Nous devons garder en mémoire le fait que toute l'entreprise sioniste avait pour but de résoudre le problème de l'antisémitisme. Ainsi, la découverte que la haine à laquelle nous croyions avoir échappé en quittant l'Europe était endémique au Moyen-Orient est un fait que beaucoup ont préféré ignorer ou nier.
Il existe peut-être une autre motivation, plus politique, derrière le refus d'admettre l'existence d'un antisémitisme arabe : la crainte que la révélation de ce sentiment antisémite chez les Arabes ne renforce l'intransigeance politique en Israël et fasse le jeu des groupes politiques opposés à tout compromis territorial. Il faut reconnaître que cette crainte n'est pas sans fondement.
Toutefois, ceux qui, comme moi, sont favorables à une politique israélienne allant dans le sens de deux Etats, doivent bien admettre que fermer les yeux sur l'antisémitisme arabe n'est pas seulement une faute intellectuelle ; c'est aussi contre-productif sur le plan politique. Nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer l'antisémitisme arabe ; nous nous devons même de l'examiner de près. Il est désolant de constater que l'antisémitisme arabe est devenu, depuis la fin des années 1930, la plus dangereuse forme de haine des Juifs, où que ces derniers se trouvent. Cela est notamment dû à la coopération qui existe entre Arabes antisémites et leurs homologues occidentaux."
Il existe toutefois quelques exceptions (en Israël et ailleurs) : "La position arabe dans le conflit israélo-arabe" (paru en hébreu en 1968), de Yeoshafat Harkabi, demeure, jusqu'à ce jour, un ouvrage de référence sur le sujet. Harkabi n'a pas hésité à qualifier le phénomène d'antisémitisme. A suivi, en 1971, un article de Bernard Lewis intitulé "Sémites et antisémites" suivi de travaux supplémentaires du même auteur. Rivka Yadlin, Norman Stillman, Bat Yeor et Ron Nettler ont aussi abordé le sujet. Mais ils sont restés des exceptions: l'écrasante majorité des spécialistes du Moyen-Orient, en Israël et ailleurs, ont évité le sujet.
J'ai tenté de donner une explication à ce surprenant phénomène : des facteurs psychologiques se mêlent ici aux facteurs politiques et idéologiques. Nous devons garder en mémoire le fait que toute l'entreprise sioniste avait pour but de résoudre le problème de l'antisémitisme. Ainsi, la découverte que la haine à laquelle nous croyions avoir échappé en quittant l'Europe était endémique au Moyen-Orient est un fait que beaucoup ont préféré ignorer ou nier.
Il existe peut-être une autre motivation, plus politique, derrière le refus d'admettre l'existence d'un antisémitisme arabe : la crainte que la révélation de ce sentiment antisémite chez les Arabes ne renforce l'intransigeance politique en Israël et fasse le jeu des groupes politiques opposés à tout compromis territorial. Il faut reconnaître que cette crainte n'est pas sans fondement.
Toutefois, ceux qui, comme moi, sont favorables à une politique israélienne allant dans le sens de deux Etats, doivent bien admettre que fermer les yeux sur l'antisémitisme arabe n'est pas seulement une faute intellectuelle ; c'est aussi contre-productif sur le plan politique. Nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer l'antisémitisme arabe ; nous nous devons même de l'examiner de près. Il est désolant de constater que l'antisémitisme arabe est devenu, depuis la fin des années 1930, la plus dangereuse forme de haine des Juifs, où que ces derniers se trouvent. Cela est notamment dû à la coopération qui existe entre Arabes antisémites et leurs homologues occidentaux."
Que faire ?
"La question que l'on se pose finalement est : que faut-il faire ? La première étape consiste à comprendre le danger représenté par l'antisémitisme arabe. Il a infiltré les esprits de part et d'autre du monde arabe et créé une atmosphère dans laquelle les Juifs, individuellement ou collectivement, ne sont pas considérés comme tout à fait humains. Cela représente en soi un obstacle à la paix : les accords de paix avec Israël signés par l'Egypte et la Jordanie n'ont toujours pas conduit à la normalisation des relations avec Israël.
C'est pourquoi lutter contre l'antisémitisme arabe n'est pas seulement lutter contre le mensonge et les préjugés ; c'est essentiellement lutter pour l'amélioration des relations entre Juifs et Arabes.
En pratique, il faudrait opérer une veille médiatique des manifestations de l'antisémitisme arabe et permettre aux médias occidentaux, ainsi qu'aux façonneurs d'opinion, d'en connaître le résultat. Les publications antisémites devraient être traduites dans les langues européennes, dans l'espoir que la révélation publique de ces propos suscite des protestations au niveau international, des pressions diplomatiques à l'égard des institutions et des gouvernements arabes coupables d'antisémitisme."
C'est pourquoi lutter contre l'antisémitisme arabe n'est pas seulement lutter contre le mensonge et les préjugés ; c'est essentiellement lutter pour l'amélioration des relations entre Juifs et Arabes.
En pratique, il faudrait opérer une veille médiatique des manifestations de l'antisémitisme arabe et permettre aux médias occidentaux, ainsi qu'aux façonneurs d'opinion, d'en connaître le résultat. Les publications antisémites devraient être traduites dans les langues européennes, dans l'espoir que la révélation publique de ces propos suscite des protestations au niveau international, des pressions diplomatiques à l'égard des institutions et des gouvernements arabes coupables d'antisémitisme."
Professeur Menahem Milson