Exit 'Les Frères Karamazov', de Fiodor Dostoïevski,
'Cent ans de solitude', de Gabriel Garcia Márquez, ou encore 'Notre-Dame de Paris', de Victor
Hugo. Les autorités koweïtiennes ont interdit 948 ouvrages lors du festival
international de littérature, qui se tient du 14 au 24 novembre à Koweït City.
Pour dénoncer cette mesure, un artiste koweïtien, Mohammad Sharaf, a construit
un cimetière où il a symboliquement enterré des dizaines de livres censurés.
Tous les ouvrages exposés à la 43e édition du festival
ont été préalablement examinés par une commission de censure, qui relève du
ministère de l'Information. Cette commission examine les ouvrages à la lumière
de la loi de 2006 sur "la presse et les publications" qui bannit
toute publication portant atteinte à l'islam, à la justice et à la sécurité
nationale.
Mohammad Sharaf est
designer graphique. Il a réalisé cette installation jeudi 22 novembre pour
dénoncer l’absurdité de la censure.
"Il n’y a pas de mécanisme clair concernant cette
censure"
Je voulais concevoir une œuvre qui soit accessible à
tous et non un objet destiné à être enfermé dans une galerie d’art. C’est pour
cela que j’ai opté pour une installation en extérieur. J’ai donc fabriqué 200
stèles en bois, et j’ai inscrit dessus les titres de certains livres interdits.
Je les ai placées dans un terrain vague non loin du parc des expositions où se
tenait le salon du livre.
Les stèles ont été enlevées par des agents de sécurité
environ trois heures plus tard, au motif que je n’avais demandé aucune
autorisation aux autorités pour utiliser cet espace. Reste que l’initiative a
produit ses effets, puisque les images de l’installation ont été relayées sur
les réseaux sociaux et ont été reprises par plusieurs médias. Donc, les gens
ont beaucoup parlé de l’interdiction des livres au Koweït.
Personne ne
sait vraiment pourquoi ces livres sont interdits. Il n’y a pas de mécanisme
clair concernant cette censure. Dans le lot des ouvrages bannis, vous trouvez
des œuvres littéraires de renommée mondiale de Gabriel Garcia Márquez ou de
Victor Hugo, des romans koweïtiens comme 'Les Souris', de Mama Hessa de
Saoud Al-Sanoussi [NDLR : roman d’anticipation décrivant le Koweït de 2020
comme un pays déchiré par les conflits confessionnels], mais également des
dictionnaires et des livres pour enfants [NDLR : La Petite Sirène
notamment, dont le haut de bikini a été considéré comme provocateur].
En cinq ans, plus de 4 000 ouvrages bannis
Depuis 2013, la liste des ouvrages interdits par les
autorités koweïtiennes ne cesse de s’allonger. En cinq ans, plus de 4 000 livres ont été bannis
par le ministère de l’Information. Un mouvement qui s’explique par une
influence grandissante des députés conservateurs au sein du Parlement.
Pour autant, les militants et écrivains ne baissent
pas les bras. En septembre dernier, trois manifestations ont été organisées
pour protester contre la censure.
Les Observateurs, France 24
23 novembre 2018