Gérard Fellous
Nous nous retrouverons dimanche
prochain pour la deuxième partie de mon entretien avec Gérard Fellous. Nous
parlerons du deuxième tome de son livre, "A la recherche d'un islam de
France", sous-titré "Relations instables de l'Etat laïc avec les
institutions musulmanes", c'est publié aux Editions L'Harmattan. Un rapide
rappel pour le présenter. Il a été très longtemps journaliste dans différents médias,
mais surtout pendant plus de vingt ans le Secrétaire général de la Commission
nationale consultative des droits de l'homme ; à ce titre, il a suivi de très
près les problèmes sociétaux posés à la République, et parmi eux, il y avait
tout ce qui touche à la symbiose entre les religions et la société civile, avec
les enjeux et menaces pour la laïcité. Il était tout à fait naturel que l'émergence
de la religion musulmane, devenue en quelques décennies la deuxième de
France, et ses relations avec la République
attirent toute son attention. Son livre le fait, longuement puisqu'il
représente près de 450 pages pour les deux tomes réunis. Lors de notre
précédent entretien, nous avons été à la rencontre de l'islam de France dans sa
diversité et sa complexité. Et dimanche prochain, nous allons parler des
rapports entre les institutions musulmanes et l'Etat, pour la période sur
laquelle il a réuni une impressionnante documentation, et qui va en gros de la
constitution du CFCM au début des années 2000 jusqu'en 2015, son livre étant
sorti quelques semaines avant les attentats du 13 novembre.
Parmi les questions que je
poserai à Gérard Fellous :
-
A propos de la création du CFCM, en 1997
Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l'Intérieur et des Cultes lance une
consultation, en arabe "Al Istichara". En 2000, 13 associations
cultuelles sont consultées, l'Etat propose une sorte de contrat, et déjà
dites-vous, il y a une forme de recul des Autorités, bien que les représentants
de l'islam aient accepté l'article 1er de la Constitution sur le caractère laïc
de l'Etat et la Loi de 1905 : pourriez-vous expliquer à nos auditeurs pourquoi
?
-
En 2002, la Droite revient aux affaires, et
le nouveau Ministre de l'Intérieur chargé des cultes, Nicolas Sarkozy, veut que
l'affaire soit conclue rapidement, en faisant le calcul de placer l'UOIF comme
interlocuteur privilégié avec les deux autres grandes fédérations, la FNMF
(sous obédience marocaine) et la Fédération de la Grande Mosquée de Paris. Le
CFCM nait en avril 2003, Quatre missions lui sont attribuées selon ses statuts,
défendre les intérêts du culte musulman, organiser les relations entre les différents
lieux de culte, dialoguer avec les pouvoirs publics et dialoguer avec les
autres religions. Mais aucun dossier de fond comme la formation des Imams, le
financement des Mosquées ou la gestion de la viande Hallal n'a avancé. Quelles
sont les raisons de cet échec ?
-
En ce qui concerne les propos et orientations
de Nicolas Sarkozy, on redécouvre une inconstance totale entre 2002 et 2011, avec
au début une sorte de soutien à une société multiculturelle, l'intronisation de
l'UOIF comme interlocuteur respectable, et même l'appel au Cheikh d'Al Ahzar,
pour émettre depuis l'Etranger une "fatwa". Et puis après, changement
de cap complet, c'est le débat imposé sur "l'identité nationale" qui
a braqué les Musulmans, et un discours assez agressif qu'il continue d'ailleurs
maintenant, en semblant s'adresser aux mêmes électeurs que Marine Le Pen : que
faut-il en penser ?
-
A propos de la formation des imams : c'est un
dossier pour lequel l'inaction du CFCM a été total. Pour ce qui concerne les
différentes grandes fédérations musulmanes, elles se contentent surtout d'importer
des imams du Maroc, d'Algérie, ou de Turquie. Malheureusement, en France même
la formation la plus importante est donnée à des centaines d'étudiants dans un
Institut d'Etudes coraniques proche de l'UOIF, à Château Chinon. Les Autorités
de l'Etat ont tapé du poing sur la table pour exiger des Imams la maîtrise de
la langue française, et la connaissance du cadre de la Laïcité : mais on est
très loin du compte, parce que d'une part, et malgré les déclarations de bonne
intention du CFCM, celui-ci n'est élu que par 40 % des lieux de culte environ ;
et d'autre part, parce que l'Etat - en raison de la Loi de 1905 - ne peut ni
subventionner la formation des imams, ni a fortiori les rémunérer : quelles
sont les pistes pour sortir de cette impasse ?
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Comment a réagi le CFCM après la création par
l'Etat de "l'instance nationale de dialogue" après les attentats de
janvier 2015 ? Par rapport à une crispation naturelle de la société française
suite à l'état de guerre où nous vivons, vous faites état de plusieurs sondages
au chapitre 9 : quelles leçons en tirez-vous ?
Des sujets qui ont déchiré
l'opinion, et que pourtant l'auteur a cherché à présenter avec calme et recul :
soyez nombreux à l'écoute !
J.C