Jean-François Daguzan
Nous allons poursuivre dimanche prochain notre tour des révolutions qui agitent le monde arabe depuis le début de l'année, en traitant enfin deux pays qui ont connu des violences extrêmes, la Libye et la Syrie. Pour en parler, j'aurai comme invité Jean-François Daguzan, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique. Jean-François Daguzan a écrit un nombre impressionnant d'ouvrages, articles et communications depuis près de trente ans, mais j'ai surtout noté sa spécialisation dans les équilibres géostratégiques en Méditerranée, et plus particulièrement sur le Maghreb. Il s'est intéressé aux problèmes de prolifération, de terrorisme, mais - tout étant lié - également aux échanges Nord-Sud et à l'économie. Il est également le rédacteur de la revue "Maghreb-Machrek" depuis 2003. Quelques mots pour expliquer pourquoi j'ai choisi de l'interroger d'abord en première partie sur la Libye, puis en deuxième partie sur la Syrie. Pourquoi avoir rapproché ces deux pays, qui ne sont même pas voisins ? Et bien d'abord parce que leurs régimes, en première approche, ont des points communs : dans les deux cas une famille qui met en coupe réglée un pays depuis plus de 40 ans, et qui se maintient par des répressions féroces, répressions qui, étrangement, ont peu mobilisé les consciences jusqu'à ces dernières semaines ; des régimes qui ont été, toujours en paroles mais souvent en actes, en opposition frontale aux intérêts occidentaux, et ont été aussi parfois des bases arrières de mouvements terroristes. Et puis, par contre et depuis qu'une vraie révolution s'est déclenchée cette année, deux pays qui ont eu deux traitements radicalement différents : la Libye, où l'aviation de l'OTAN bombarde les troupes de Kadhafi depuis environ 3 mois ; et la Syrie, où le régime Assad a massacré plus de 1000 manifestants sans réaction forte de la communauté internationale.
Parmi les questions que je poserai à Jean-François Daguzan :
- Pourquoi cette longue complaisance des Occidentaux vis à vis du colonel Kadhafi ? A cause des intérêts pétroliers ? D'une corruption de nos politiques ? Des intérêts géostratégiques ?
- Comment expliquez-vous le "lâchage" assez rapide du régime Kadhafi par les pays arabes "frères", était-il vraiment détesté et pourquoi ?
- Comment se fait-il que Kadhafi conserve pour le moment, malgré trois mois de bombardements de l'OTAN, un soutien au moins d'une partie de son armée et de sa population ? Et quelle porte de sortie imaginer, dans la mesure où sa personnalité lui interdit toute vision réaliste de la situation et des rapports de force ?
- N'avez-vous pas été surpris par la vague de fond de la contestation populaire en Syrie, qu'une répression féroce n'arrive pas à mater ? D'abord le régime pensait bénéficier d'un prestige du à ses postures nationalistes arabes, anti-américaines et anti-israéliennes, or cela n'a pas du tout joué en sa faveur ; ensuite, on sait le pays quadrillé par plusieurs appareils répressifs, l'armée dominée par les officiers alaouites, les multiples services secrets ou "moukhabarates", le parti Baath, et malgré cela on a vu des foules manifester dans presque tout le pays.
- Il y a en gros deux écoles en Israël face à ce qui se passe en Syrie. Les pessimistes qui disent qu'il n'y a pas d'autres forces organisées d'opposition que les Frères Musulmans, et que tout détestable qu'il était, ce régime a pu dans le passé imposer sa volonté aux éléments incontrôlées dans le pays, et maintenir calme la frontière depuis la guerre du Kippour en 1973 ; et les optimistes, qui pensent d'abord qu'à terme les démocraties engendrées par le "Printemps arabe" sont une bonne chose pour l'acceptation d'un état juif dans la région, et ensuite que la chute de la famille Assad porterait un coup, à la fois au Hamas et au Hezbollah : d'après vous, qui a raison ?
Des sujets passionnants et le regard d'un expert du monde arabe ... j'espère donc que vous serez très nombreux à l'écoute !
J.C
J.C