Soixante ans après sa disparition, le 1 septembre 1948, Moncef Bey mérite la qualification de Roi Juste parmi les nations. De son accession au trône, en juin 1942, à son abdication en juillet 1943, le souverain de la Régence de Tunis, malgré la courte période de son règne, a constitué un exemple de courage et de dévouement (1).
Ce Roi éclairé a régné dans une période exceptionnel de l’histoire de la Tunisie. Après la reddition de la France aux nazis, le protectorat fut gouverné par le régime de Vichy. Les Allemands, succédant aux troupes italiennes, prirent le pouvoir en novembre 1942, et furent beaucoup plus durs. Les Juifs tunisiens ne furent sauvés de l’extermination que lorsque les Alliés entrèrent dans la capitale, Tunis, le 7 mai 1943 et vainquirent les Allemands. Mais avant la libération de Tunis, et pendant que le maréchal Pétain et son administration favorisaient la chasse aux juifs, un Roi musulman témoigna son courage envers ses sujets juifs : il s’agit de Moncef Bey.
Les Juifs tunisiens représentent dans cette période environ 7 % de la population. En 1941, sur le million d’habitants que compte la Tunisie, on dénombre quelque 90 000 Juifs, dont 68 000 de nationalité tunisienne, 16 500 naturalisés français et environ 5 000 immigrés originaires de Livourne, dont la protection relève du gouvernement italien qui fait partie de l’Axe. Le souverain tunisien, Moncef Bey, monté depuis peu sur le trône, avait assuré que les Juifs étaient des citoyens tunisiens comme les autres. Il n'avait certes aucune possibilité d'empêcher les Allemands de commettre des exactions contre cette population fragile : réquisitions, racket, punitions collectives. Des milliers de jeunes juifs furent astreints au travail obligatoire dans des « Juden Arbeitslager » au nord du pays.
Alors que le gouvernement collaborateur de Vichy a promulgué en France une législation anti juive, celle-ci devait être étendue aux dépendances françaises, dont la Tunisie. Mais l’histoire a fait que Moncef Bey fut un Roi extrêmement courageux par rapport à son prédécesseur, le falot Ahmed Pacha Bey II (1941-1942) qui a mollement résisté puis a fini par apposer son sceau sur la législation vichyste relative au statut des juifs et à la limitation de leurs pouvoirs économiques en Tunisie. Lui succédant, Moncef Bey ne plie pas.
Tout d’abord il a fait en sorte que cette législation devienne inopérante en Tunisie, mais aussi, et malgré les pressions, il a refusé d’apposer son sceau sur de nouveaux décrets raciaux qui lui ont été présentés par l’administration coloniale. « Vous êtes mes fils, au même titre que les musulmans », déclare-t-il aux dirigeants de la communauté juive invités au palais beylical à la cérémonie de son intronisation. Le premier projet de décret vichyste auquel Moncef Bey refusa son sceau est celui imposant aux juifs le port de l’étoile jaune. Passant outre l’accord du Bey, l’amiral Jean-Pierre Esteva, résident général de France en Tunisie, impose en février 1943 le port de l’étoile par un arrêté qu’il signe lui-même, malgré les réserves du conseiller juridique français du gouvernement. Les Juifs en Tunisie ne porteront finalement pas l’étoile jaune, sauf à Sousse, ville où le Parti populaire français (PPF, pétainiste), très actif, l’imposa pendant une brève période.
Le second projet de décret instituant les camps de travail et le travail obligatoire pour la construction d’ouvrages destinés à la protection des positions des forces de l’Axe et de Vichy fut également refusé par Moncef Bey. Les pressions sur lui et son gouvernement ayant encore échoué, le résident général français Esteva utilise la même procédure des arrêtés, qu’il signe lui-même le 10 avril 1943.
Le troisième texte auquel le gouvernement de Moncef Bey s’opposa a pour but de chasser les commerçants juifs des organismes économiques afin de faire place nette aux Français « aryens ». Là aussi, en l’absence du sceau du Bey, c’est par un arrêté du Résident Général que la mesure est prise.
Moncef Bey est intervenu d'une façon remarquablement courageuse en faveur de la communauté. C’était un Roi Juste qui n'a pas favorisé la moindre propagande anti juive comme le firent les autorités de Vichy. En fait, bien avant l’arrivée des forces allemandes, Moncef Bey a, durant l’été 1942, donné à son gouvernement un mot d’ordre consistant à veiller à la protection des Juifs tunisiens. Et dès le début de l’occupation de la Tunisie en novembre 1942, le Bey est intervenu pour protéger la population, en particulier les Juifs, des exactions germano-italiennes.
Lorsque, quelques jours après leur débarquement en Tunisie, les Allemands arrêtent cinq dirigeants du Conseil de la communauté juive, ils les relâchent le lendemain. Au moment de l’invasion des troupes de l'Axe le 19 novembre 1942, Moncef Bey refusa l'offre italienne d'indépendance contre sa participation aux côtés des forces de l'Axe. Moncef Bey refusa aussi tout contact avec les représentants de l’Axe et demanda que les communications lui soient faites, conformément au protocole, à travers son Ministre des Affaires étrangères, qui n’est alors autre que le Résident Général de France, l’amiral Esteva.
Les Juifs tunisiens représentent dans cette période environ 7 % de la population. En 1941, sur le million d’habitants que compte la Tunisie, on dénombre quelque 90 000 Juifs, dont 68 000 de nationalité tunisienne, 16 500 naturalisés français et environ 5 000 immigrés originaires de Livourne, dont la protection relève du gouvernement italien qui fait partie de l’Axe. Le souverain tunisien, Moncef Bey, monté depuis peu sur le trône, avait assuré que les Juifs étaient des citoyens tunisiens comme les autres. Il n'avait certes aucune possibilité d'empêcher les Allemands de commettre des exactions contre cette population fragile : réquisitions, racket, punitions collectives. Des milliers de jeunes juifs furent astreints au travail obligatoire dans des « Juden Arbeitslager » au nord du pays.
Alors que le gouvernement collaborateur de Vichy a promulgué en France une législation anti juive, celle-ci devait être étendue aux dépendances françaises, dont la Tunisie. Mais l’histoire a fait que Moncef Bey fut un Roi extrêmement courageux par rapport à son prédécesseur, le falot Ahmed Pacha Bey II (1941-1942) qui a mollement résisté puis a fini par apposer son sceau sur la législation vichyste relative au statut des juifs et à la limitation de leurs pouvoirs économiques en Tunisie. Lui succédant, Moncef Bey ne plie pas.
Tout d’abord il a fait en sorte que cette législation devienne inopérante en Tunisie, mais aussi, et malgré les pressions, il a refusé d’apposer son sceau sur de nouveaux décrets raciaux qui lui ont été présentés par l’administration coloniale. « Vous êtes mes fils, au même titre que les musulmans », déclare-t-il aux dirigeants de la communauté juive invités au palais beylical à la cérémonie de son intronisation. Le premier projet de décret vichyste auquel Moncef Bey refusa son sceau est celui imposant aux juifs le port de l’étoile jaune. Passant outre l’accord du Bey, l’amiral Jean-Pierre Esteva, résident général de France en Tunisie, impose en février 1943 le port de l’étoile par un arrêté qu’il signe lui-même, malgré les réserves du conseiller juridique français du gouvernement. Les Juifs en Tunisie ne porteront finalement pas l’étoile jaune, sauf à Sousse, ville où le Parti populaire français (PPF, pétainiste), très actif, l’imposa pendant une brève période.
Le second projet de décret instituant les camps de travail et le travail obligatoire pour la construction d’ouvrages destinés à la protection des positions des forces de l’Axe et de Vichy fut également refusé par Moncef Bey. Les pressions sur lui et son gouvernement ayant encore échoué, le résident général français Esteva utilise la même procédure des arrêtés, qu’il signe lui-même le 10 avril 1943.
Le troisième texte auquel le gouvernement de Moncef Bey s’opposa a pour but de chasser les commerçants juifs des organismes économiques afin de faire place nette aux Français « aryens ». Là aussi, en l’absence du sceau du Bey, c’est par un arrêté du Résident Général que la mesure est prise.
Moncef Bey est intervenu d'une façon remarquablement courageuse en faveur de la communauté. C’était un Roi Juste qui n'a pas favorisé la moindre propagande anti juive comme le firent les autorités de Vichy. En fait, bien avant l’arrivée des forces allemandes, Moncef Bey a, durant l’été 1942, donné à son gouvernement un mot d’ordre consistant à veiller à la protection des Juifs tunisiens. Et dès le début de l’occupation de la Tunisie en novembre 1942, le Bey est intervenu pour protéger la population, en particulier les Juifs, des exactions germano-italiennes.
Lorsque, quelques jours après leur débarquement en Tunisie, les Allemands arrêtent cinq dirigeants du Conseil de la communauté juive, ils les relâchent le lendemain. Au moment de l’invasion des troupes de l'Axe le 19 novembre 1942, Moncef Bey refusa l'offre italienne d'indépendance contre sa participation aux côtés des forces de l'Axe. Moncef Bey refusa aussi tout contact avec les représentants de l’Axe et demanda que les communications lui soient faites, conformément au protocole, à travers son Ministre des Affaires étrangères, qui n’est alors autre que le Résident Général de France, l’amiral Esteva.
Malgré l'antisémitisme latent de ses sujets, il n'eut jamais une attitude hostile à l’égard des Juifs tunisiens et, très habilement, il refusa de collaborer d'une façon étroite avec l'occupant. Il fut un homme juste et loyal, qui souhaitait certainement l'indépendance de son pays, mais, comme Bourguiba, ne voulait pas le devoir aux Allemands. Malgré cela, le général de Gaulle décida de le détrôner au lendemain de la libération de Tunis et l'envoya en exil en Algérie d'abord puis en France. Son épouse Lalla Arbiya (décédée en 1974) le suivra en exil. (2)
Moncef Bey, mort en exil à Pau il y a tous juste soixante ans (le 1er septembre 1948), a fait preuve d’un courage rarement connu dans le monde arabe. Ses funérailles donnent lieu à un formidable élan populaire, sincère et émouvant, qui restera sans égale. Il était alors rapatrié et inhumé, avec les honneurs dignes d'un martyr, sur les hauteurs du cimetière du Djellaz à Tunis, contrairement à la majorité des souverains qui sont enterrés au mausolée du Tourbet El Bey situé dans la médina de Tunis. Moncef Bey est aujourd'hui reconnu comme l'un des principaux soutiens au mouvement ayant conduit à l'indépendance de la Tunisie. De plus, son court règne est marqué aussi par la lutte pour la modernisation de la Tunisie et la défense des Juifs tunisiens persécutés.
Moncef Bey qui n'a pourtant régné que quelques mois et dont le souvenir est celui d'un monarque proche du peuple, est un modèle de courage et d’abnégation pour tous les Tunisiens, même s’il n’a pas régné une trentaine d’année comme le Président Bourguiba, qui a fondé la première République. Le Bey que les Tunisiens ont toujours appelé « Sid el Moncef » est devenu l'une des figures emblématiques de la tolérance tunisienne.
Moncef Bey, mort en exil à Pau il y a tous juste soixante ans (le 1er septembre 1948), a fait preuve d’un courage rarement connu dans le monde arabe. Ses funérailles donnent lieu à un formidable élan populaire, sincère et émouvant, qui restera sans égale. Il était alors rapatrié et inhumé, avec les honneurs dignes d'un martyr, sur les hauteurs du cimetière du Djellaz à Tunis, contrairement à la majorité des souverains qui sont enterrés au mausolée du Tourbet El Bey situé dans la médina de Tunis. Moncef Bey est aujourd'hui reconnu comme l'un des principaux soutiens au mouvement ayant conduit à l'indépendance de la Tunisie. De plus, son court règne est marqué aussi par la lutte pour la modernisation de la Tunisie et la défense des Juifs tunisiens persécutés.
Moncef Bey qui n'a pourtant régné que quelques mois et dont le souvenir est celui d'un monarque proche du peuple, est un modèle de courage et d’abnégation pour tous les Tunisiens, même s’il n’a pas régné une trentaine d’année comme le Président Bourguiba, qui a fondé la première République. Le Bey que les Tunisiens ont toujours appelé « Sid el Moncef » est devenu l'une des figures emblématiques de la tolérance tunisienne.
On comprend donc que les Tunisiens soient fiers de ce grand patriote de la Régence de Tunisie, mais malheureusement ce que nous constatons c’est que chaque année la date de disparition de Moncef Bey passe inaperçue. Les médias locaux préfèrent plutôt célébrer l’épouvantable révolution du Colonel Kadhafi qui tombe à la même date (3). Perte d’identité peut être ou soumission à vouloir s’identifier à quelque chose qui ne concerne pas les Tunisiens ?
Triste est de constater que soixante ans après sa disparition, le Roi des Justes demeure oublié auprès de ses compatriotes (4). Tout comme les 66 Juifs tunisiens massacrés par les nazis puis tombés dans l’oubli dans leur propre pays. Aujourd’hui pour rendre hommage à ces martyrs tunisiens, il faut aller jusqu’à Jérusalem ou une stèle à Yad Vachem mémorise les noms de ceux et celles qui sont morts pour la liberté de la Tunisie.
Triste est de constater que soixante ans après sa disparition, le Roi des Justes demeure oublié auprès de ses compatriotes (4). Tout comme les 66 Juifs tunisiens massacrés par les nazis puis tombés dans l’oubli dans leur propre pays. Aujourd’hui pour rendre hommage à ces martyrs tunisiens, il faut aller jusqu’à Jérusalem ou une stèle à Yad Vachem mémorise les noms de ceux et celles qui sont morts pour la liberté de la Tunisie.
Ftouh Souhail,
Tunis
Tunis
1) Moncef Bey né le 4 mars 1881 et décédé le 1er septembre 1948 à Pau (France). Il est l'avant-dernier représentant de la dynastie husseinite. Investi prince héritier le 30 avril 1942, il succède à son défunt cousin Ahmed II Bey le 19 juin de la même année.
2) Après la libération de Tunis, la France l'accuse de collaboration avec le régime de Vichy et les forces de l'Axe. Le 13 mai 1943, sur ordre des généraux Henri Giraud et Alphonse Juin, représentant des Forces Françaises Libres, il lui est demandé d'abdiquer. Le lendemain, on vient l'informer de la décision de le destituer. Il abdique officiellement le 6 juillet et est exilé à Ténès, petite ville côtière de l'Algérie, dans des conditions difficiles, puis à Pau où il réside jusqu'à sa mort.
3) Le 1er septembre 1969, à 27 ans, Kadhafi mène avec un groupe d'officiers un coup d'État contre le Roi Idris al-Mahdi, alors que celui-ci est en Turquie pour un traitement médical.
4) Au soixantième anniversaire de la disparition de Moncef Bey, le 1er septembre 2008, une modeste cérémonie était organisée au cimetière du Djellaz à Tunis, qui n’a point reflété la grandeur de ce souverain. Aucune place publique, avenue ou école ne porte son nom. Certains Tunisiens n’ont jamais connu son nom et encore plus vu une photo de lui.