Détail de mosaïque, Synagogue de Naro-Hammam Lif
J’ai intitulé ma
prochaine émission : « Tunisie, un passé juif à reconnaitre ».
Et c’est presque un jeu de mots, car le verbe « reconnaitre » peut se
comprendre dans deux sens. D’abord, littéralement, il s’agit d’une connaissance
à se réapproprier au niveau collectif, comme si le peuple tunisien ayant vécu
avec sa millénaire communauté juive, qui en était une composante, redécouvrait
son passé. Mais « reconnaitre » peut aussi se comprendre dans un sens
moral, car les Juifs tunisiens ont été longtemps gommé de la mémoire nationale,
et leur contribution à l’Histoire du pays mérite d’être connue par les
nouvelles générations, qui ont pratiquement grandi sans jamais en rencontrer.
Pour en parler, je recevrai l’intellectuel tunisien sans qui, vraiment, cette
reconnaissance n’aurait pas été possible, il s’agit du professeur Habib
Kazdaghli. Nous nous connaissons depuis longtemps, puisqu’il a fait partie de
mes premiers invités, c’était en 2001. Docteur en Histoire, il est professeur
des Universités depuis 2004, et il a été le Doyen de l’Université de Tunis La
Manouba de 2011 à 2017. Il a acquis, à son corps défendant, une célébrité
nationale quand des étudiants islamistes ont voulu le contraindre à accepter
des élèves en niqab, et cela lui a valu et un procès et des menaces. Mais,
surtout, il a formé depuis une vingtaine d’années des générations d’étudiants
travaillant sur le passé pluriel de la Tunisie.
Parmi les questions que
je poserai à Habib Kazdaghli :
-
Qu’est
ce qui a conduit un universitaire né au tournant de l’indépendance, certes
spécialiste de l’Histoire contemporaine, par ailleurs clairement engagé à
Gauche, à s’intéresser à ce passé particulier ?
-
Pourriez-vous
donner des exemples de sujets de ces recherches, pour ce qui concerne d’autres
minorités jadis présentes en Tunisie ? Même question pour les thèses
récentes concernant les Juifs ? Et pourriez-vous rappeler le travail fait
en coopération avec des historiens juifs ?
-
La
mémoire d’une communauté qui ne vit quasiment plus dans le pays, on peut
l’enregistrer dans des travaux universitaires, on peut en tirer des livres mais
très peu de gens iront les chercher dans des Bibliothèques. D’où l’idée d’un
musée du patrimoine judéo-tunisien, qui comprendrait à la fois des objets
matériels et des supports divers pour les présenter, vidéos, enregistrements,
etc. Une de vos étudiantes a compilé ce qui existait déjà dans le pays,
pourriez-vous en dire plus à nos auditeurs ?
-
Il
y a déjà de la matière pour remplir une surface très importante, avec des dizaines
de pièces archéologiques, des centaines d’objets rituels ou non, des documents,
des manuscrits, des films et cela sans parler de ce qui pourra venir de France
ou d’ailleurs. Il y a eu un débat sur l’emplacement de ce Musée, certains
souhaitent un bâtiment spécifique, d’autres préfèrent que soit une aile d’un
Musée National comme celui du Bardo : qu’en pensez-vous ?
-
Il
y a malheureusement la « pollution »de cette mémoire judéo-tunisienne
par le conflit israélo-palestinien, conflit qui malheureusement n’en finit pas
mais qui provoque beaucoup d’hystérie en Tunisie. Il a été présenté à
l’Assemblée il y a quelques mois un projet de criminalisation de toute relation
avec Israël : dans le cadre de ce Musée, et vu qu’environ la moitié des juifs
tunisiens sont allés vivre là-bas, si un objet ou un document venant d’Israël
était proposé, est-ce que cela serait refusé ? Si vous organisez un
colloque à Tunis, est-ce que des historiens israéliens seraient interdits de
participation ?
-
Vous
avez pris l’initiative de faire venir à Tunis une exposition réalisée par le « Holocaust
Memorial » de Washington, et il y a eu des incidents : est-ce que
vous pourriez raconter cela ?
Un sujet capital pour la mémoire
judéo-tunisienne, et qui n’intéresse pas que le « Tunes » :
soyez nombreux à l’écoute !
J.C