Chaimae Bouazzaoui sur un bâtiment de la flotte turque
Introduction :
Mon amie
marocaine Chaïmae Bouazzaoui, qui achève à Tunis une formation de journaliste,
m'a envoyé ce reportage tout à fait original sur un sujet dont vous n'aurez
sûrement pas entendu parler dans la presse ... la tournée méditerranéenne et africaine
de trois bâtiments de la flotte turque. Projection de la puissance du pays loin
de ses frontières ? Désir pour cette grande nation du Moyen-Orient, d'être
présente dans de nouvelles régions ? L'auteur de l'article s'est en tout cas
parfaitement documentée, et elle a même pu s'entretenir à bord d'un bateau
militaire avec des officiers !
J.C
La Turquie effectue un voyage "militaire",
dans 27 pays d’Afrique, qui dure 102 jours. 10 jours avant la tenue des
élections locales en Turquie, 3 navires de guerre ont amarré au port de la
Goulette, dans le nord de la capitale tunisienne. Objectif annoncé : diffuser
la paix en Afrique. Eclairages.
"Nous sommes ravis d’entamer notre voyage en
Tunisie. Nous souhaitons, à travers notre départ, réaffirmer notre amitié
historique et renforcer la coopération bilatérale entre le pays et la Turquie
dans divers domaines notamment sur le plan militaire", nous a affirmé l’amiral
Tufan Uslu, chef de quartier du groupe opérationnel naval turc Barbaros 2014
(TDGG-2014). La visite effectuée en Tunisie a duré trois jours. Conférence,
cérémonie, exécution de manœuvres et exercices bilatéraux entre les deux
parties, turque et tunisienne, ont été organisées.
Originalité
Pour la première fois, la Turquie
"militaire" se propose d’effectuer une visite africaine, dans le sens
global du terme. La visite est effectuée sous le slogan : "Au-delà de
l’horizon". En 2013, la Turquie avait effectué un voyage en Afrique. Mais cinq
points de différence se prêtent à la vue. D’abord si la Tunisie a été choisie,
en mars 2014, comme un point de départ pour le voyage turc, en juillet 2013, le
"départ du Printemps arabe" (la Tunisie) était le point d’arrivée.
Il s’agit également du nombre de navires. Cette année,
trois grands navires de guerre ont amarré au port de La Goulette. Tandis que
l’an dernier, un seul navire militaire ("TCG Heybeliada") a accosté au port.
A souligner qu’en 2013, la Turquie a effectué une
tournée en Afrique du Nord. Cette année, le voyage englobe toute l’Afrique. Les
trois navires parcourront toute la "bande" du Continent noir, avec
une distance de 15000 Nm. 29 ports seront visités.
Le contexte spatial a agi sur le contexte temporel.
Alors que le voyage de 2013 a duré un mois, entamé le 10 juin, celui de 2014
dure 102 jours (du 21 mars au 27 juin).
Le voyage de l’an dernier s’est étalé sur une seule
saison : l’été, alors que le nouveau s’étalera sur deux, y compris le printemps
"africain".
Du guerrier pour la paix
Trois grands navires de guerre dont TCG Heybeliada et
TCG Gediz "œuvreront pour la paix" dans l’Afrique, notamment dans la
région du grand port de Centrafrique qui a connu récemment de violents
affrontements éclatés par des groupes armés.
Les navires se proposent d’apporter un soutien
militaire aux Forces africaines mais également de mener une action humanitaire
dans plusieurs régions de l’Afrique. "Nous avons deux objectifs
humanitaires : une assistance alimentaire et une assistance médicale",
nous a fait savoir Celal Ulimaz, officier du centre de l’information pour le
combat. Les navires offriront une assistance en aliments de base, papeterie et
équipement médical ainsi qu’une éducation sanitaire et examens médicaux.
Une série d’opérations sera également menée en Afrique
pour la paix, rapporte-t-il. Il s’agit notamment d’entrainer des équipes
militaires de la marine dans certains pays et contribuer à la sécurité des
lignes de communication maritime et du commerce des pays africains.
Les trois grands navires soutiendront également les
efforts des pays contre la piraterie.
Le groupe naval Barbaros exécutera des opérations de
présence dans les océans en vue de renforcer la communication de ces pays "en
relation avec notre politique étrangère" a rapporté l’amiral Uslu, sans
toutefois donner plus de détails. L’objectif majeur étant de développer les
liens bilatéraux entre la Turquie et les pays de l’Afrique et exposer la
capacité d’industrie turque de défense, souligne-t-il.
Pour la première fois le groupe naval se rendra dans
des régions situées au sud de l’Afrique et au Cap de bonne espérance. "Nous
allons nous rendre dans des régions que nous avons jamais visitées notamment
l’Afrique du Sud", nous précise Celal Ulimaz.
Aux alentours du port de Denel Overberg, le groupe
naval conduira à titre d’essai et du 5 au 9 mai, des tirs de missiles et de
canon suivant des scénarios proches de la réalité.
Parmi les navires de guerre, le navire "TCG Gediz"
dispose de systèmes électroniques et d'armement évolués, ainsi que d'une
plateforme d'atterrissage pour hélicoptère. Il dispose du missiles Harpoon, de
canons de76 mm et à torpilles MK46.
«CV» de Barbaros
Le groupe opérationnel a été initialement activé en
2010 entre mai et juin. Au cours de la première activation des visites
portuaires ont été effectuées dans 9 pays dans la Méditerranée.
La deuxième activation était en mai et aout 2011, dans
le Golfe persique et l’Océan indien avec 8 escales. Cette action était co-menée
avec l’OTAN pour la lutte contre la piraterie dans la région.
Mais en 2013, le groupe a navigué en Méditerranée,
entre mai et juin, pour se rendre dans 6 pays. La visite de 2014 est effectuée
sous l’égide de la direction des Ministères des Affaires étrangères et de la
Santé publique, par l’Agence turque de coopération et de coordination relevant
du secrétariat du ministère de la Défense.
La diplomatie navale sera mise en valeur par le
déploiement du pavillon national turc dans les mers internationales. Cette
action de communication externe renforcera la coopération entre
le pays et l’Afrique. Trois journalistes internationaux feront le suivi du
voyage.
A rappeler que la première navigation circulaire
turque a été effectuée en 1866. Il s’agit du plus célèbre et grand amiral de la
flotte ottomane qui a offert la mer méditerranéenne à la souveraineté turque au
16e siècle. Et de se conformer au dicton historique envahi par la relation
information-pouvoir : "Celui qui domine les mers domine le monde".
Chaïmae BOUAZZAOUI,
Tunis