Victimes de la secte des Boko Haram (Nigeria)
C'est l'un des pires cauchemars des services de renseignement. Et il est en train de se matérialiser. Au Nigeria, la secte islamiste Boko Haram (ce qui signifie "l'éducation occidentale est un péché" en haoussa) est en train non seulement de monter en puissance et de se radicaliser, mais surtout de devenir un centre puissant de l'arc du terrorisme qui va de la Mauritanie à la Somalie.
Ainsi Abdelkader Messahel, le vice-ministre algérien des Affaires maghrébines et africaines, vient de révéler ce que beaucoup d'experts craignaient : ce mouvement armé, né dans le nord-est (musulman) du pays le plus peuplé d'Afrique (160 millions d'habitants), a tissé des liens avec les milices islamistes somaliennes shebab, adeptes de feu Ben Laden, mais aussi avec le groupe salafiste Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), dominé par les anciens du GIA algérien et actif en Algérie et dans le Sahel. ""Nous avons acquis la certitude qu'il y a coordination entre Boko Haram et Al-Qaida", a déclaré mi-novembre le vice-ministre.
Des liens avérés avec Al-Qaïda
Les preuves ? Les enquêteurs ont fait "parler" les téléphones portables trouvés sur les dépouilles des tués lors de l'affrontement armé du 8 janvier dernier après la prise en otage de deux jeunes Français au Niger (qui s'était soldée par la mort des deux hommes). Ils ont retrouvé la trace d'un intermédiaire entre Boko Haram et Aqmi, déjà répertorié par les services de renseignement.
L'enquête a aussi révélé qu'un Nigérien, déjà soupçonné de connivence avec les ravisseurs, avait fait ses études à Maiduguri, une ville du nord-est du Nigeria réputée être une des bases stratégiques de la secte Boko Haram. Ces liens avérés expliqueraient, selon les experts, la radicalisation de la secte nigériane qui recourt désormais à des attaques suicides alors qu'elle se contentait jusqu'à récemment d'attentats à l'explosif. Ainsi, le 26 août dernier, visant pour la première fois la communauté internationale, un kamikaze de Boko Haram au volant d'une voiture piégée percutait le bureau des Nations unies à Abuja, la capitale du Nigeria, faisant plus de 20 morts.
Les morts se comptent par centaines
Lors des attaques régulièrement lancées par la secte contre des commissariats, des églises ou des prisons dans le nord, les morts se comptent par centaines. Outre la montée de la violence, le développement de la nébuleuse terroriste d'Al-Qaida hors du Sahel inquiète car il correspond au retour des combattants subsahariens (pro-Kadhaf) de Libye, ainsi qu'à l'arrivée d'armes lourdes en provenance des arsenaux pillés de ce pays.
En visite en novembre au Nigeria, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a fait une offre de coopération aux autorités nigérianes dans le cadre de la lutte antiterroriste. Donnée pour mourante par certains experts, la nébuleuse Al-Qaïda n'a peut-être pas dit son dernier mot.
Jean-Baptiste Naudet
Le Nouvel Observateur, 24 novembre 2011