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L'affaire dite "de la flottille de Gaza" est déjà vieille de plusieurs mois, mais elle a laissé des traces profondes ... La communauté juive de France reste encore meurtrie par l'acharnement médiatique qui a suivi et les innombrables manifestations qui ont rempli les avenues de notre pays, alors même qu'aucun autre conflit ne recueille le dixième d'échos. Une semaine après le carnage de la cathédrale syriaque de Bagdad - dont les victimes, contrairement aux islamistes turcs du Mavi Marmara, étaient en majorité des femmes et des enfants n'ayant agressé personne -, une semaine aussi après la découverte des nouveaux colis piégés d'Al-Qaïda, force est de constater à nouveau l'indignation à géométrie variable de nos médias et de nos "humanitaires borgnes", si bien dénoncés par le Président du CRIF dans un texte un peu ancien, mais hélas toujours d'actualité !
______________________________________________________________________Ces commentaires inexcusables oblitèrent le lien entre Gilad Shalit et la politique israélienne à Gaza. L’affaire de la flottille lui a donné un relief particulier. Ce lien porte un nom : le Hamas. Le refus par le Hamas de donner à Gilad les droits d’un prisonnier (qui n’est pas, rappelons-le, un prisonnier de guerre, mais la victime d’un kidnapping sanglant effectué en territoire israélien) a motivé la fermeture par Israël de l’entrée maritime de Gaza. En outre, c’est le refus méprisant des responsables de la flottille de véhiculer au Hamas les demandes de respect des droits de l’homme élémentaires envers Gilad Shalit qui a montré que ces humanitaires-là étaient au mieux des humanitaires borgnes dont la compassion était unilatérale.
Quoi qu’on pense de la façon dont les israéliens ont mené leur opération sur le Mavi Marmara, qui peut nier qu’ils ont rencontré sur le pont supérieur de ce bateau, non pas des pacifistes désarmés, mais des fanatiques prêts à tuer et/ou à être tués dans l’esprit du djihad ? Ces informations étant devenues disponibles, elles auraient logiquement dû effacer la représentation des premières heures, celle d’un massacre de pacifistes par l’armée israélienne. Il n’en a rien été. Tout s’est passé comme si les premières perceptions s’étaient cristallisées, et que leur correction était venue trop tard. La première image se fige, aussi fausse qu’elle se révèle ultérieurement. On pense évidemment à l’affaire Al Dura.
On souhaiterait que la presse procède à une analyse différée de tels événements pour les apprécier dans leur vérité et non pas uniquement dans une immédiateté trompeuse. Pourquoi est-ce si difficile ?
Ce n’est pas de l’antisémitisme. C’est, facilité par la sidération de la raison, l’effet de la tyrannie de l’immédiat, qui imprègne l’esprit d’autant mieux que l’événement peut s’insérer dans une grille de lecture préétablie, qu’il vient conforter. Ces grilles sont volontiers binaires, disant le bien et le mal sous le mode « oppresseurs/opprimés ». Celles qui reflètent « l’air du temps » transfèrent sur Israël le poids de la culpabilisation de l’Occident pour son passé colonialiste et son présent consumériste. Elles proposent l’innocence et la simplicité au prix de la stigmatisation d’un seul pays, celui du peuple qui a communément joué le rôle du bouc émissaire dans l’histoire.
Cette grille interprétative s’étend dans la société, et risque de toucher des milieux exempts d’hostilité à l’égard des Juifs et se prétendant amis d’Israël. A nous tous d’expliquer, d’expliquer sans relâche, le véritable visage du Hamas, du Hezbollah, du régime iranien ou de l’islamisme radical. La véhémence et les invectives ne servent à rien. Il faut faire le choix du débat, le choix de la vérité et être convaincu que la défense d’Israël ne se sépare pas de la défense du monde où nous vivons et qui ne veut pas voir qu’il est lui-même en danger.
Richard Prasquier,
Président du CRIF
(Actualité juive, 14 juillet 2010)