Dimanche prochain, nous
allons laisser de côté l'actualité brûlante pour revenir à un passé vieux de
plus de 70 ans, puisqu'on va évoquer la période sombre de la Seconde Guerre
Mondiale et de la Shoah. Nous le ferons autour du dernier livre de Jean-Pierre
Allali "Les Juifs de Tunisie sous la botte allemande", préface d'Elie
Wiesel, il est publié aux éditions Glyphe Je ne compte plus les occasions que
j'ai eu de recevoir mon ami Jean-Pierre, et ce fut à chaque fois avec plaisir
parce que non seulement nous nous connaissons depuis plus de 30 ans, mais en
plus à chaque fois, par la variété des ouvrages dont on parlait, nos entretiens
ont toujours été riches d'informations. Une quinzaine de livres, des centaines
d'articles, une activité infatigable au sein du CRIF et ailleurs, toute sa vie
a été un témoignage d'amour et de fidélité au peuple juif, qui l'a intéressé
dans toutes ses composantes. Mais c'est à notre communauté d'origine à tous les
deux, celle de Tunisie, qu'il consacré le plus d'ouvrages, et celui dont on
parlera aujourd'hui est vraiment important. Au delà des rappels historiques et
de la compilation de travaux d'historiens sur l'occupation allemande dans ce
pays, il a en effet réalisé quelque chose d'inédit : recueillir les témoignages
des derniers survivants, et ceux qui étaient adultes à l'époque ont dépassé les
90 ans. Il était donc temps de le faire, et son livre donne 56 témoignages, de
Juifs tunisiens nés entre 1919 et 1939. Il me fallait rester dans l'approche de
mon émission qui est centrée sur le monde musulman. Alors des Arabes tunisiens
bien sûr il en est peu question dans ce livre racontant la souffrance des Juifs de Tunisie, parce que
les Musulmans ne furent pas les acteurs principaux : les oppresseurs étaient
les Allemands et leurs collaborateurs, principalement français ; mais ce livre
évoque aussi, dans un chapitre spécifique et à différents niveaux ce sujet de
l'attitude musulmane en ces jours tragiques, et nous allons donc consacrer la
plus grande partie de l'émission à en parler.
Parmi les questions que je poserai
à Jean-Pierre Allali :
-
Quand a commencé l'Occupation allemande de la
Tunisie, quand a-t-elle fini ? En quoi ont consisté les persécutions
anti-juives ? Et en quoi et peut-être aussi pourquoi le bilan humain a-t-il été
beaucoup moins tragique que dans d'autres pays ?
-
Le Bey Moncef avait signé lui-même le décret
d'application de ce statut des Juifs, pouvait-il s'y opposer ? Et d'une manière
générale, quelle est la part de la vérité et de la légende sur les trois
souverains que la mémoire juive a retenus comme "protecteurs" pendant
la Shoah, le Roi du Danemark, le Sultan du Maroc et le Bey de Tunisie ?
-
André Nahum avait 21 ans lorsque les
Allemands ont envahi la Tunisie, il s'est porté volontaire quand il y a eu la
réquisition des jeunes au camp de Bizerte, et il a une mémoire très précise de
l'état d'esprit des populations à l'époque face au malheur des juifs. Page 101
il dit "d'une manière générale, la population locale nous était dans
l'ensemble pas favorable, pas franchement hostile mais elle n'était pas fâchée
de nous voir confrontés à nos problèmes". Quelle était pour chaque
communauté vivant dans la Tunisie de l'époque - les colons français, les
Italiens, les Tunisiens musulmans -, leur opinion dominante à cette époque ?
-
Quelles furent les positions des
"officiels" tunisiens pendant ces six mois tragiques, à la fois ceux
qui étaient intégrés dans le système colonial et ceux qui au contraire,
militaient de façon plus ou moins clandestine pour l'indépendance au sein du
Néo-Destour ? Quelle fut l'attitude de Habib Bourguiba, emprisonné en France pendant l'Occupation,
libéré par les Allemands , puis ensuite invité de Mussolini puis de retour à
Tunis ?
-
Il y eut très peu de "Justes" qui
ont caché des Juifs dans la clandestinité pour fuir le travail obligatoire ou
les pillages des Allemands : pourquoi n'avoir pas mis dans ce livre le
témoignage de Odette Boukris, de Mahdia, cachée avec 20 personnes dans la ferme
de Khaled Abdelwahab, qui lui est cité par l'historien américain Robert Satloff
et qui a été proposé comme "juste" au Yad Vashem ?
Une mémoire douloureuse pour les Juifs, totalement
occultée dans la Tunisie d'aujourd'hui.
Et un passé qu'il ne faut peindre, comme toujours, ni complètement en rose, ni
totalement en noir ... Soyez nombreux au rendez-vous dimanche prochain !
J.C