Lundi dernier furent annulées les manœuvres aériennes qui devaient impliquer l’OTAN, l’Italie , la Turquie et Israël, après que le gouvernement d’Ankara fit savoir qu’il n’acceptait pas la présence d’avions israéliens au prétexte que ceux-ci avaient bombardé les Palestiniens à Gaza. Le même jour, dix ministres turcs se sont rendus en Syrie pour siéger au sein de la toute nouvelle commission stratégique entre les deux pays qui a vu le jour il y a un mois, et l’on vient d’apprendre que la semaine passée se sont déroulées des manœuvres communes turco-syriennes du côté d’Ankara.
Par ailleurs, selon le journal « Sabah », Monsieur Erdogan a dit ce même lundi devant un public de chefs religieux : « (...) quand les bombes au phosphore pleuvaient sur les enfants innocents de Gaza, l’ensemble du monde, l’ensemble de l’humanité, observaient dans leurs fauteuils confortables et leur havres de paix.... de temps en temps dans des forums de discussion internationaux, le mot de « terreur islamique » commença à être utilisé et on s’efforça de rejeter la faute sur les Musulmans et l’islam ».
Ceci, joint à l’évidente progression des sentiments antisémites, anti-minoritaires et anti-occidentaux ne laisse pas d‘inquiéter. En effet, le journal turc « Millyet » cité par le « Courrier international » note « une hausse perceptible de l’antisémitisme, confirmée par un sondage financé par l’Union européenne, ainsi que la baisse de tolérance de la population turque à l’égard de « l’autre ». Il ressort de cette enquête qu’un tiers des Turcs ne souhaitent pas vivre aux cotés d’individus appartenant à des minorités. Seulement 15% des sondés pensent que les juifs se sentent liés à la république turque et 48% ne le croient pas. Pour la sociologue Nilufer Narli, ces préjugés suscitent et surtout dans le cas de l’antisémitisme « une hostilité qui confine de plus en plus à la diabolisation d’un groupe précis ... qui endosse tous les défauts et se trouve alors complètement déshumanisé ».
La Turquie qui vient pourtant de se rapprocher spectaculairement de ses ennemis héréditaires, les Arméniens, qui est membre de l’OTAN, qui souhaite entrer dans l’Union Européenne, semble vouloir s’éloigner d’Israël et de l’Occident pour se rapprocher de l’Iran et d’autres pays musulmans : jusqu’où ira le gouvernement d’Ankara dans sa lancée ? Qu’est donc devenu l’héritage de Mustafa Kemal ? Voilà une jolie victoire pour Ahmed Ahmadinejad, dont on commence à se demander sérieusement si sa haine obsessionnelle d’Israël et des Juifs ne serait pas dictée par des origines juives soigneusement cachées, que vient de révéler le « Daily Telegraph ».
En Israël, on fait le dos rond, on ne souhaite pas envenimer la situation et on fera tout pour préserver ce que l’on peut préserver de l’alliance turque, parce que comme le dit Ehoud Barak, la Turquie est une grande puissance jouant un rôle clé au Moyen-Orient, et parce que son virage à 180 degrés - comme ce fut le cas de l’Iran il y a trente ans - serait extrêmement grave pour l’État hébreu ...Tout en gardant le profil bas, on fait remarquer cependant à Jérusalem que les deux parties ont autant intérêt à préserver ces relations, en rappelant notamment l’importance des ventes d’armes israéliennes sophistiquées à la Turquie, et du tourisme israélien dans ce pays, sans parler du soutien constant d’Israël devant le Congrès américain. Et si l’on veut être optimiste, on peut espérer que les « islamistes modérés » qui gouvernent la Turquie , tout en multipliant les manifestations ostentatoires comme on pouvait malheureusement s’y attendre, n’ont pas, ou pas encore, l’intention de faire de leur pays une république intégriste à l’iranienne ...
André Nahum,
Judaïques FM, le 14 octobre 2009