du soldat Guilad Shalit (photo AP)
Le discours qui entoure le conflit israélo-palestinien tend à renvoyer dos à dos les protagonistes et leurs actions. Et cela par la seule vertu des mots. Comme si les actes des uns étaient justifiés par ceux des autres qui se placeraient exactement au même niveau. De cette manière, le discours entretient la confusion mettant des équivalences là où il faudrait tout au contraire opérer des distinctions. Nous entendons aujourd’hui cet argument : Israël détient aussi des prisonniers palestiniens - le rapt du Caporal Guilad Shalit relève donc de la même chose. C’est pourquoi, en toute logique, sa libération est convertissable en monnaie d’échange : prisonnier contre prisonnier, combattant contre combattant. L’argument n’est qu’une variante du message général qui tend à laisser croire que nous sommes en face de deux peuples ayant un droit égal sur une même terre ou chacun est le colon et le terroriste de l’autre. La schizophrénie se définissant précisément par un usage élastique et fantaisiste des symboles et des mots, il est impératif de rétablir les limites, les concepts, les distinctions (1).
On peut contester la légitimité des actions policières ou militaires d’Israël. On peut ne pas reconnaître les verdicts des cours de Justice israéliennes. Il existe même en Israël des institutions qui permettent de le faire et auxquelles le particulier peut faire appel. En Israël, un prisonnier, comme dans n’importe quelle démocratie, jouit de certains droits. Il est «couvert» par des conventions nationales et internationales. Le Caporal Guilad Shalit n’est pas un prisonnier : il a été capturé, sans que sa capture ait été contrôlée par des procédures légales, et sa vie est à la discrétion totale de ceux qui le détiennent. Dit autrement : il dépend de la bonne volonté du Hamas. Quand on sait que le dernier kidnapping du Hamas s’est terminé par une décapitation à la manière irakienne, il y a de quoi se méfier ...
Les prisonniers palestiniens sont en prison parce qu’ils ont commis des crimes ou des délits. Ils ne sont pas des innocents, des symboles qui payeraient une faute collective commise par d’autres. Le Caporal Shalit n’a commis aucun crime ou aucun délit : entre les mains du Hamas, il est devenu un symbole. Certes, on pourra dire qu’il est un soldat. Et l’Europe, dont l’armée est devenue professionnelle, s’est faite une image déformée du soldat. L’armée israélienne est une armée de conscription comme il n’y a pas si longtemps en France : tous les jeunes de 18 ans sont appelés sous les drapeaux. Le Caporal Shalit est donc un jeune citoyen qui remplit son devoir civique comme n’importe quel autre. Telle est sa faute.
Les mères palestiniennes, qui savent à merveille défiler elles aussi sous leurs drapeaux, brandissent les photos de leurs enfants (2). L’image a été récupérée des femmes d’Amérique du Sud qui réclamaient la libération de leurs maris ou de leurs fils, « confisqués » par des régimes fascistes. Brouillage des symboles et des images ... on voit où les mères palestiniennes veulent en venir (3). Mais les jeunes hommes dont la photo défile sont des activistes. Des «combattants». Des personnes impliquées de manières diverses dans les activités violentes d'organisations dont la «Feuille de Route» ordonne le démantèlement. Le Caporal Shalit n’appartient à aucune organisation illégale vouée à la destruction de l’autre. Il n’est pas un barbare, dit autrement
Avec ce rapt, le Hamas aura enfin trouvé une tribune internationale. Qui éjecte au bon moment Abou Mazen (4). La paix aussi est au point mort et elle le restera aussi longtemps que l’idéologie du Hamas - pour laquelle les Palestiniens ont voté - continuera à mener la danse. Car en vérité, une seule chose est vivante au milieu de toutes ces morts : Israël. Alors que chacun retient son souffle dans l’espoir prudent d’une libération, la police israélienne continue l’évacuation des implantations. A contre-courant de l’opinion. Ce matin encore, dix activistes d’extrême-droite se sont vus signifier une mesure juridique d’éloignement des « Territoires ». Un terroriste Juif américain, qui tentait d’infiltrer des armes en Israël pour conduire des actions meurtrières contre les Arabes, a été arrêté. On peut ne pas être d’accord avec la politique d’Ehud Olmert. On peut regretter ce que certains qualifient de faiblesse. Car tel est le grand paradoxe de l’opinion publique israélienne : reprocher au gouvernement d’Israël les impérities d’Abou Mazen. Le sang du Caporal Shalit, comme de tous les autres, est sur sa tête ...
Jérusalem, le 27 Juin 2006.
Isabelle - Yaël Rose
Notes de Jean Corcos :
(1) A propos de la schizophrénie comme dérive de la « psyché » collective du Monde arabe contemporain, je mettrai en ligne prochainement un article acerbe d’un auteur irakien.
(2) Voir illustration.
(3) Le mouvement palestinien, dans ses phases nationaliste (l’OLP des années Arafat) ou islamiste (le Hamas) a toujours eu le génie de l’image « qui fait mouche ». Tout le monde a oublié, aujourd’hui, les prises d’otages, détournements d’avion ou autres dans les années 70 pour obtenir la libération de leurs « camarades prisonniers » - au lendemain de mai 68, cela sonnait comme un écho du fameux « libérez nos camarades » scandés face aux CRS après chaque manifestation !
(4) Certains articles de la presse considèrent que l’annonce de la signature du « document des prisonniers » par le Hamas constitue un tournant historique ; je peux me tromper, mais mon analyse rejoint celle de Yaël : ce sont les islamistes qui ont eu le dessus contre Abou Mazen.
On peut contester la légitimité des actions policières ou militaires d’Israël. On peut ne pas reconnaître les verdicts des cours de Justice israéliennes. Il existe même en Israël des institutions qui permettent de le faire et auxquelles le particulier peut faire appel. En Israël, un prisonnier, comme dans n’importe quelle démocratie, jouit de certains droits. Il est «couvert» par des conventions nationales et internationales. Le Caporal Guilad Shalit n’est pas un prisonnier : il a été capturé, sans que sa capture ait été contrôlée par des procédures légales, et sa vie est à la discrétion totale de ceux qui le détiennent. Dit autrement : il dépend de la bonne volonté du Hamas. Quand on sait que le dernier kidnapping du Hamas s’est terminé par une décapitation à la manière irakienne, il y a de quoi se méfier ...
Les prisonniers palestiniens sont en prison parce qu’ils ont commis des crimes ou des délits. Ils ne sont pas des innocents, des symboles qui payeraient une faute collective commise par d’autres. Le Caporal Shalit n’a commis aucun crime ou aucun délit : entre les mains du Hamas, il est devenu un symbole. Certes, on pourra dire qu’il est un soldat. Et l’Europe, dont l’armée est devenue professionnelle, s’est faite une image déformée du soldat. L’armée israélienne est une armée de conscription comme il n’y a pas si longtemps en France : tous les jeunes de 18 ans sont appelés sous les drapeaux. Le Caporal Shalit est donc un jeune citoyen qui remplit son devoir civique comme n’importe quel autre. Telle est sa faute.
Les mères palestiniennes, qui savent à merveille défiler elles aussi sous leurs drapeaux, brandissent les photos de leurs enfants (2). L’image a été récupérée des femmes d’Amérique du Sud qui réclamaient la libération de leurs maris ou de leurs fils, « confisqués » par des régimes fascistes. Brouillage des symboles et des images ... on voit où les mères palestiniennes veulent en venir (3). Mais les jeunes hommes dont la photo défile sont des activistes. Des «combattants». Des personnes impliquées de manières diverses dans les activités violentes d'organisations dont la «Feuille de Route» ordonne le démantèlement. Le Caporal Shalit n’appartient à aucune organisation illégale vouée à la destruction de l’autre. Il n’est pas un barbare, dit autrement
Avec ce rapt, le Hamas aura enfin trouvé une tribune internationale. Qui éjecte au bon moment Abou Mazen (4). La paix aussi est au point mort et elle le restera aussi longtemps que l’idéologie du Hamas - pour laquelle les Palestiniens ont voté - continuera à mener la danse. Car en vérité, une seule chose est vivante au milieu de toutes ces morts : Israël. Alors que chacun retient son souffle dans l’espoir prudent d’une libération, la police israélienne continue l’évacuation des implantations. A contre-courant de l’opinion. Ce matin encore, dix activistes d’extrême-droite se sont vus signifier une mesure juridique d’éloignement des « Territoires ». Un terroriste Juif américain, qui tentait d’infiltrer des armes en Israël pour conduire des actions meurtrières contre les Arabes, a été arrêté. On peut ne pas être d’accord avec la politique d’Ehud Olmert. On peut regretter ce que certains qualifient de faiblesse. Car tel est le grand paradoxe de l’opinion publique israélienne : reprocher au gouvernement d’Israël les impérities d’Abou Mazen. Le sang du Caporal Shalit, comme de tous les autres, est sur sa tête ...
Jérusalem, le 27 Juin 2006.
Isabelle - Yaël Rose
Notes de Jean Corcos :
(1) A propos de la schizophrénie comme dérive de la « psyché » collective du Monde arabe contemporain, je mettrai en ligne prochainement un article acerbe d’un auteur irakien.
(2) Voir illustration.
(3) Le mouvement palestinien, dans ses phases nationaliste (l’OLP des années Arafat) ou islamiste (le Hamas) a toujours eu le génie de l’image « qui fait mouche ». Tout le monde a oublié, aujourd’hui, les prises d’otages, détournements d’avion ou autres dans les années 70 pour obtenir la libération de leurs « camarades prisonniers » - au lendemain de mai 68, cela sonnait comme un écho du fameux « libérez nos camarades » scandés face aux CRS après chaque manifestation !
(4) Certains articles de la presse considèrent que l’annonce de la signature du « document des prisonniers » par le Hamas constitue un tournant historique ; je peux me tromper, mais mon analyse rejoint celle de Yaël : ce sont les islamistes qui ont eu le dessus contre Abou Mazen.