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15 mars 2006

Ce matin sur Judaïques FM, André Nahum a évoqué les incidents antisémites à l'Université de Tunis du vendredi 10 mars

Introduction :
André Nahum a choisi comme thème de son billet hebdomadaire les incidents antisémites lamentables qui se sont déroulés à l'Université de Tunis, vendredi dernier 10 mars. Le CRIF, qui entretient les relations les plus cordiales avec l'ambassade de Tunisie, vient aussi de lui écrire une lettre pour demander que des sanctions soient prises contre les perturbateurs d'un colloque auquel participait la Société d'Histoire des Juifs de Tunisie. J'ai évoqué, à trois reprises sur "Rencontre", les travaux de la SHJT et le cadre remarquable d'échanges universitaires et interconfessionnels qu'elle permet. Deux émissions conjointes avec Beur FM avaient été diffusées l'année dernière à propos d'un de ses colloques à la Sorbonne (voir article sur le blog). Je sais également les fortes pressions auxquelles sont soumis les professeurs tunisiens qui ont été mes invités ... Quelle tristesse ! Et combien est peu sympathique cette opposition, tellement noyautée par les islamistes !
J.C
" Bonjour.

Lundi prochain, la Tunisie fêtera le cinquantième anniversaire de son indépendance acquise le 20 Mars 1956, qui se soldera par l'exil de la quasi-totalité des 150.000 Juifs du pays. Pourtant la majorité d'entre eux avait accepté le risque de vivre dans un pays dont la constitution proclamait que "l'islam est le religion et l'arabe la langue". Ils collaborèrent avec confiance et pour certains avec enthousiasme à la Tunisie nouvelle et lui apportèrent leur savoir, leur compétence et leur dynamisme. Ce fut le cas des membres des professions libérales, des commerçants, des fonctionnaires des intellectuels qui eurent la naïveté de ne pas comprendre que l'on se servait d'eux pour assurer l'intérim entre les cadres français qui partaient et les cadres tunisiens qui n'étaient pas encore prêts. Il faut tout de même rappeler qu'un certain nombre de Juifs avaient lutté pour l'indépendance aux côtés des musulmans et furent arrêtés et emprisonnés par les autorités coloniales françaises.

L'historien Paul Sebag, décédé en France en 2004 était de ceux-là. Toute sa vie et son œuvre furent consacrés à son pays natal auquel il était profondément attaché. C'est pourquoi il légua une partie de son importante bibliothèque à la faculté des lettres de la Manouba, Université de Tunis. Le vendredi 10 mars 2006, la remise officielle de ce legs fut l'occasion d'un colloque scientifique dans cette faculté sur l’œuvre de ce grand historien avec le concours de l'Ambassade de France et de nombreux officiels. Certains étudiants cependant manifestèrent avec violence leur refus d'accepter ce don d'un Juif, communiste de surcroit, en malmenant la fille de Paul Sebag ainsi que Claude Nataf, président de la Société d'Histoire des Juifs de Tunisie et en hurlant de slogans haineux contre les Juifs comme "Les Juifs à la mer, Vive la Palestine, Vive le Hamas, destruction d'Israël, nous ne voulons pas de la bibliothèque de Paul Sebag un communiste stalinien, pas de Juifs à l'Université, nous tuerons tous les Juifs".

Certes, les autorités universitaires ont exprimé leurs regrets et leur excuses, nous apprend un communiqué du CRIF, ce qui est la moindre des choses, mais cela n'atténue pas le sentiment de stupéfaction, de colère et de douleur qu'une telle explosion de haine anti juive a entrainé chez les Juifs originaires de Tunisie qui ont toujours voulu entretenir avec leur pays natal les liens les plus harmonieux voire les plus cordiaux. Partis pour la plupart avec cinq dinars par personne en poche, ils n'ont gardé en mémoire que le meilleur de leur antique passé là-bas et se sont comportés dans leurs pays d'accueil, France ou Israël, comme les meilleurs ambassadeurs de la Tunisie. Alors tant de hargne au sein des éléments les plus cultivés de la société tunisienne, pays réputé tolérant et ouvert, laisse pantois et fait planer les plus grands doutes sur l'évolution des sentiments des sociétés arabo-islamiques envers les Juifs. C'est très préoccupant."

André Nahum