Le Farhoud désigne en arabe le pogrom sanglant commis
contre les Juifs de Bagdad les 1er et 2 juin 1941 après la fuite de
l’auteur du coup d’Etat pronazi, Rachid Ali al-Gillani, et juste au moment de
l’arrivée des forces britanniques dans la capitale irakienne.
« Dans
l’histoire des Juifs d’Irak, le Farhoud est unique », insiste
l’historien Georges Bensoussan, spécialiste de l’antisémitisme en pays arabes.
« Non qu’il n’y ait eu auparavant émeutes et incidents plus ou moins
graves, mais jamais de cette ampleur. Apparemment spontané, ce pogrom fut
organisé, et probablement conçu de longue date par les nationalistes arabes
admirateurs d’Hitler au pouvoir entre le 1er avril et le 1er
juin 1941 ». De nombreux historiens ont d’ailleurs établi la
responsabilité des autorités irakiennes, la participation d’une grande partie
de la population de Bagdad et la passivité des soldats britanniques encerclant
la capitale irakienne.
Le pogrom commence le 1er juin 1941,
lorsque les Juifs de Bagdad célèbrent la fête de Shavouot au cours de laquelle
ils ont coutume de porter des vêtements blancs et de se rendre en pèlerinage
sur les tombes des Sages. Cette année, ils en profitent aussi pour fêter la
chute des auteurs du coup d’Etat pronazi et le retour du Régent Abdelilah. Les
premières violences éclatent lorsque des soldats irakiens s’attaquent à des
Juifs près d’un pont de la ville. Ensuite, dans le quartier chiite, une foule
déchaînée arrête des voitures et des bus pour s’en prendre aux Juifs. Une
vingtaine d’entre eux sont tués. Les troubles se poursuivent dans le vieux
quartier juif. Les manifestants ont fait irruption dans des maisons juives pour
massacrer et piller. Les violences ont duré jusqu’à la fin de la nuit.
Le lendemain matin, le 2 juin, les émeutiers sont
rejoints par une foule d’individus, dont un nombre considérable de Bédouins. Le
pogrom s’étend à l’extérieur du vieux quartier juif, dans les quartiers
d’affaires et résidentiels de Bagdad. Après le pillage et le saccage de
nombreux commerces juifs, les émeutes prennent fin dans le courant de
l’après-midi du 2 juin, lorsque l’armée irakienne se décide à neutraliser les
émeutiers.
Le bilan de ces deux jours de violences antijuives est
lourd : environ 180 Juifs sont assassinés, 600 sont blessés et quelque
1.500 maisons, synagogues, fabriques et commerces pillés et saccagés. Les
violences ont été particulièrement sauvages : viols, mutilations, femmes
enceintes éventrées et crânes d’enfants fracassés au sol ont été commis par les
émeutiers.
Dès l’été 1941, des milliers de Juifs tentent de
quitter l’Irak, même si l’écrasante majorité des 120.000 Juifs d’Irak (dont
80.000 à Bagdad) choisit d’y rester en adoptant « l’humilité
traditionnelle » à laquelle les sociétés arabo-musulmanes les assignent.
« La question n’est plus de savoir s’il faut partir, mais quand »,
conclut Georges Bensoussan. L’exode de masse se produira en 1951 et un an plus
tard, il ne restera plus que quelques milliers de Juifs dans tout le pays.
Source : site du CCJLB, 1er
juin 2017
Publié dans Regards n°863
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