Suite de la diffusion de ce
pré enregistré, réalisé rappelons le 5 novembre, donc avant les terribles
attentats du vendredi 13. Nous allons poursuivre notre discussion autour d'un livre passionnant dont je redonne le
titre : "Les Arabes, leur destin et le nôtre - Histoire d'une
libération", c'est publié aux Éditions de la Découverte, et j'aurai le plaisir
d'en parler à nouveau avec son auteur, Jean-Pierre Filiu. Pour rappel, mon
invité est professeur en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po
Paris et auteur d'une douzaine d'ouvrages sur le monde arabo-musulman. Son
livre, en moins de 250 pages, retrace la traversée de deux siècles dans le
monde arabe ; cet univers nous a surtout renvoyé une image de violence, et il continue
de le faire d'ailleurs à travers tous les conflits qui le traversent. Dans la
première moitié de cet entretien, nous nous étions arrêtés à 1970, suite donc
du livre jusqu'à l'époque que nous vivons aujourd'hui : il s'est passé
tellement de choses en 45 ans qu'il m'a fallu faire des choix sur les sujets.
D'abord, on évoquera bien sûr les révolutions des printemps arabes de 2011,
mais on n'aura pas le temps de traiter en détails la situation actuelle en
Syrie et en Egypte, dont on a parlé dernièrement dans cette série. On évoquera
rapidement le conflit israélo-palestinien, qui n'est pas le sujet central de ce
livre. Mais j'ai tenu à ce qu'on passe en revue plusieurs pays qu'on n'avait
pas évoqués lors de notre entretien précédent.
Parmi les questions que je
poserai à Jean-Pierre Filiu :
-
A propos de l'Algérie, d'abord est-ce qu'on
ne peut pas dire que dès le départ on a eu, depuis la guerre menée par le FLN
jusqu'au pouvoir d'aujourd'hui, une sorte de Janus, nationaliste d'un côté et
islamiste de l'autre ? Deuxième point, vous écrivez page 150 à propos de
l'accord gazier sur 20 ans signé avec l'Algérie : "la France croit traiter
avec un Etat animé par la recherche de l'intérêt national, alors même qu'elle s'adresse à un régime
obsédé par l'accaparement es ressources nationales à son profit", est-ce
que vous pensez vraiment à un régime de type mafieux ?
-
Autre pays, plus lointain et quasi oublié par
les médias et pourtant il s'y déroule ces dernières années une guerre civile
effroyable, le Yémen. Déjà dans les années 60, il y avait eu une première
guerre civile où s'opposaient d'un côté les tribus royalistes soutiens d'un
Monarque - lui-même soutenu par l'Arabie Saoudite -, et de l'autre les
Républicains soutenus par un corps expéditionnaire égyptien envoyé par Nasser. Aujourd'hui,
il y a une nouvelle guerre civile, cette fois l'Arabie Saoudite et ses alliés
interviennent directement contre les protégés de l'Iran, mais il y a aussi des
territoires contrôlés par Al-Qaïda : alors quelle grille de lecture prendre,
chiites contre sunnites ? Jihadistes contre pro Occidentaux ?
-
A propos de Irak : vous avez raison de
critiquer Georges Bush père pour avoir laissé massacrer les Chiites trop tôt révoltés en 1991, juste
après la guerre du Golfe. L'invasion par Bush fils de 2003 a été, d'abord une
manipulation avec les armes de destruction massives qui n'existaient pas, mais
surtout une erreur stratégique effroyable qui a permis l'implantation
d'Al-Qaïda puis maintenant de l'Etat islamique. D'un autre côté, on a pour la
première fois entendu théoriser à ce moment là la nécessité d'un Moyen-Orient
débarrassé de ses dictateurs, ce à quoi s'est opposée la France, tous
présidents confondus - et votre livre rappelle ainsi les déclarations
complaisantes de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy pour ces régimes
détestables : qu'en pensez-vous ?
-
A propos du conflit israélo-palestinien, votre
récit tend à présenter, une OLP utilisant certes la violence pour exister
politiquement, mais en même temps réaliste et prête dès les années 1970 à des compromis
qu'Israël aurait toujours refusés. Or votre présentation du discours d'Arafat à
l'ONU en novembre 1974 est tronquée, il y a défendu l'idée d'un Etat unique
remplaçant Israël ; d'une manière générale, pourquoi attribuer toute la
tragédie du conflit uniquement à charge contre un des acteurs ?
-
Dans votre chapitre intitulé "Révolutions
et contre révolutions", vous avez synthétisé en quelques pages très fortes
les facteurs sociologiques qui expliquent pourquoi, enfin, la jeunesse s'est
soulevée contre les dictatures à partir de 2011 : pourriez-vous les résumer à
notre antenne, et nous dire si à votre avis ces facteurs vont rester le moteur
d'une évolution démocratique pour les décennies à venir, et quels que soient
les développement tragiques, en Syrie ou ailleurs ?
Des sujets tous brûlants les uns que les
autres, maintenant que le Moyen-Orient donne l'impression d'une poudrière qui
n'en finit pas d'exploser ... j'espère donc que vous serez, à nouveau, très
nombreux au rendez-vous !
J.C