Nous allons rester dans le monde arabe pour l'émission de dimanche prochain, en parlant d'un pays qui a fait la "une" de l'actualité pendant une grande partie de l'année dernière, avant de la quitter en même temps que la révolution s'achevait, après une longue et sanglante guerre civile : ce pays, c'est la Libye, et pour en parler j'aurai le plaisir de recevoir le journaliste Antoine Vitkine. Antoine Vitkine est un jeune et brillant journaliste de 35 ans, diplômé de Sciences Po et en Relations Internationales, et il a prouvé son talent dans un domaine particulier, puisqu'il a déjà réalisé une quinzaine de films documentaires pour les chaînes Arte, Canal Plus, France 5, sur les sujets les plus divers. Parmi eux, "Mein Kampf, c'était écrit", et il a d'ailleurs écrit aussi sur le même sinistre sujet un ouvrage en 2009 : "Mein Kampf, histoire d'un livre", où il s'est attaqué à un tabou de nos médias en dénonçant son fantastique succès de librairie dans le monde arabe. Alors "politiquement correct", il ne l'est pas, car il a aussi dénoncé les "Nouveaux imposteurs" sur les théories du complot sur le 11 septembre, il a aussi écrit un ouvrage de politique fiction en 2006, "La tentation de la défaite" sur l'islamisme radical. J'ai choisi de l'inviter pour parler de la Libye parce qu'il avait réalisé un documentaire remarquable, tourné juste avant le soulèvement en Libye , "Kadhafi, notre meilleur ennemi" : très rares étaient ceux qui avaient fait œuvre d'historien à propos de ce dictateur fantasque, paria redevenu fréquentable, et pourtant, en voyant son film de 90 minutes on peut voir défiler plus de quarante années d'Histoire, de Pompidou à Sarkozy en passant par Mitterrand, et pourtant, il s'est passé tellement de choses en coulisses entre les Occidentaux et ce bouffon sanguinaire - et il lève un peu le voile sur ces négociations secrètes avec des interviews de Tony Blair, Condoleeza Rice, Martin Indick et plusieurs autres. Alors nous allons évoquer en première partie d'émission ce long règne de Kadhafi pour essayer de comprendre, après coup, comment il a fait pour durer si longtemps ; et puis en deuxième partie, nous parlerons de la Libye après la révolution, et de ce qu'elle peut devenir.
Parmi les questions que je poserai à Antoine Vitkine :
- Pourquoi cet intérêt pour le dictateur libyen ?
- N'avez-vous pas été surpris par la fin, somme toute rapide, de cette dictature alors que dans une interview au journal "Le Monde", le 19 février 2011, vous disiez que Kadhafi était "une machine à survivre politiquement" ?
- Ce qui est frappant pour la première moitié du règne de Kadhafi, en gros les années 70 et 80, c'est sa radicalité qui était à la fois transparente, sans complexe et finalement assez bien tolérée par les Occidentaux, alors qu'il a hébergé tous les mouvements terroristes palestiniens, y compris Abou Nidal qui faisait des attentats en Europe. Et pourtant, il va falloir attendre 1986 et le raid aérien ordonné par Ronald Reagan contre sa résidence pour que les Américains réagissent ; et pourtant, il a fallu attendre les 270 morts de l'attentat de Lockerbie contre un Boeing de la PANAM et les 170 victimes de l'attentat contre le DC 10 d'UTA pour que la communauté internationale réagisse, et pour que la Libye subisse un embargo sévère de l'ONU, de 1992 à 1999 : comment l'expliquez-vous ?
- Votre film documentaire apporte une révélation assez étonnante, le fait que finalement plusieurs années avant le 11 septembre et avant la création de l'A.Q.M.I il y a quelques années, Al-Qaïda était déjà présente en Libye, et affrontait durement les troupes de Kadhafi : cela apporte un éclairage intéressant, d'abord sur ses contacts avec la CIA dès les années 90, et puis sur ses propos que l'on a pris pour de la pure propagande au début de la révolution, quand il disait que les rebelles étaient de terroristes. Est-ce qu'on sait quel a été rôle des rebelles jihadistes dans les combats ?
- Christophe Ayad dans le journal "le Monde" en date du 26 janvier, se demande si la Libye sera un nouvel Irak au bord de la Méditerranée, et il énumère les analogies : des milices qui refusent de rendre leurs armes ; la montée du fondamentalisme religieux, le président du C.N.T, Moustapha Abdeljalil, ayant annoncé que la charia sera à la base de la législation libyenne et cela au lendemain de la mort du tyran ; le risque d'éclatement du pays, entre la Cyrénaïque qui s'est tout de suite révoltée, et la Tripolitaine restée plus longtemps fidèle. Mais il dit : non, la différence c'est qu'en Irak il y avait un état, omniprésent et totalitaire, alors qu'en Libye, Kadhafi avait créé une instabilité institutionnelle permanente ; les Libyens auraient donc soif maintenant d'un vrai état moderne : qu'en pensez-vous ?
Un sujet passionnant, sur un pays passé maintenant en dehors de la "une" des journaux !
J.C
J.C