La rencontre a eu lieu ce mardi, en
présence d’une dizaine de membres du Conseil arabe pour l’intégration
régionale, qui demande une normalisation des relations avec Israël
Une dizaine de membres du Conseil arabe pour
l’intégration régionale, qui rassemble des intellectuels, des professeurs, des
artistes, des scientifiques, des avocats ou encore des activistes de quinze
pays, s’est rassemblé ce mardi à Paris, à l’Assemblée nationale.
L’initiative, née en novembre dernier, vise à
normaliser les relations avec Israël, à condamner le boycott dont fait l’objet
le pays et à proposer une alternative arabe à celles que proposent le Fatah,
qui dirige l’Autorité palestinienne (AP), et le groupe terroriste palestinien
du Hamas, à la tête de Gaza.
En arabe, accompagnés d’un traducteur et malgré les
risques personnels que peut représenter leur Conseil, ils ont ainsi tenté de
convaincre les parlementaires français présents de la nécessité de la fin du
boycott, qui représente selon eux un énorme manque à gagner à la fois pour les
Palestiniens que pour les pays arabes voisins, et de leur nécessaire
condamnation du mouvement BDS.
Eglal Gheita, avocat égypto-britannique et membre du
Conseil, explique que ce boycott, devenu « un modèle répandu dans le monde
arabe » cause un « affaiblissement et une fracture de la région,
accélérant la désintégration de la Syrie, de l’Irak, de la Libye et du
Yémen ».
Mohammed Dajani al-Daoudi, professeur palestinien,
appelle lui à « des collaborations entre universités pour étudier la
possibilité d’une issue pacifique au conflit israélo-palestinien ».
« Il ne faut plus penser uniquement en termes de haine entre les
peuples », ajoute-t-il.
Mohamed Anouar Al Sadate, neveu de l’ancien président
égyptien Anouar el-Sadate, à l’origine des accords de Camp David qui ont scellé
la paix entre Israël et l’Egypte, explique lui être « fortement opposé au
plan proposé par Donald Trump, bien sûr, car il n’est pas équitable ».
Mais, soutenant une nouvelle approche avec Israël, il ajoute « ne pas approuver
non plus la réaction de Mahmoud Abbas. Nous aurions dû prendre ce qu’ils nous
proposaient déjà, et négocier pour obtenir jusqu’à deux fois plus ! Et si nous
n’avions pas trouvé un meilleur accord, nous aurions pu le rejeter
ensuite ». Il dit également vouloir une « paix chaude » avec
Israël, et non une « paix froide » comme celle signée il y a 40 ans
entre les deux pays.
Le scientifique Oussema Selmi a lui regretté que «
[ses] recherches ne puissent aboutir que [s’il] les met en corrélation avec
celles de spécialistes israéliens. Mais le gouvernement tunisien veut rétablir
une loi qui qualifie de traître toute personne rencontrant un Israélien. Une
loi assortie d’une peine de prison. »
Sami Al-Nesef, ancien ministre koweïtien de
l’Information, a déploré que des « lois interdisent les contacts humains
entre les Arabes et les citoyens israéliens. Ceux qui les violent sont
passibles de peines extrêmes pouvant aller jusqu’à l’exécution dans certains
pays. Nous pensons que ces lois devraient être abrogées, car elles bloquent les
perspectives de paix au Moyen-Orient ». Il a également appelé la France, «
allié vital et respecté de tant de pays arabes », à soutenir une loi visant à
permettre la pénalisation de propos refusant la paix avec Israël.
Une quinzaine d’élus français étaient présents, et
parmi eux le Sénateur et ancien ministre Roger Karoutchi et les députés Claude
Goasguen, Meyer Habib, François Pupponi, Constance Le Grip, Rodrigue Kokouendo
ou encore Jean-Michel Mis. La conférence a été suivie d’un débat.
En novembre, lors de la naissance du Conseil, ses
membres avaient déjà argumenté que les efforts visant à empêcher la
normalisation entre leurs nations respectives et Israël avaient fait plus de
mal que de bien. Si le nombre exact de membres que compte l’initiative n’est
pas connu, il y avait 32 participants initiaux en novembre.
Dans un article d’opinion publié en novembre dans
le Wall Street Journal, Eglal Gheita et le journaliste arabe
Mostafa El-Dessouki avaient déjà expliqué que « boycotter Israël et sa
population n’a fait que renforcer les deux tout en nuisant grandement aux pays
arabes – et surtout aux Palestiniens » et que « pour le bien de la région, il
n’est que temps d’avancer vers une ère post-boycott ».
Les Arabes, ont-ils écrit, « ont perdu les bénéfices
économiques induits par la formation de partenariats avec Israël », comme pour
l’obtention des technologies de dessalement et le boycott « a empêché les
Arabes de résoudre les tensions entre les Israéliens et les Palestiniens », ne
faisant que renforcer des partisans de la ligne dure, comme le Hamas, tout en
marginalisant « les Palestiniens qui œuvrent à juste titre et pacifiquement à
construire les institutions nécessaires à un futur Etat ».
« Pire encore », ajoutaient-ils, « le
boycott régional d’Israël est devenu un modèle d’exclusion et de
marginalisation de l’opposition dans le monde arabe. Les divisions ethniques et
sectaires se sont durcies ».
À l’étranger, l’initiative du Conseil arabe pour
l’intégration régionale a déjà reçu le soutien de Tony Blair, ancien Premier
ministre britannique, devenu émissaire du Quartet pour le Moyen-Orient, et du
diplomate américain Dennis Ross.
Ce dernier a signé une tribune mardi dans l’Obs dans laquelle
il explique lui aussi que « l’absence de liens interpersonnels et de
dialogue entre la société civile israélienne et les sociétés civiles du monde arabe
ont fortement porté préjudice à la construction de la paix dans la
région ».
« La politique arabe de boycott a isolé les
citoyens israéliens de la région et inversement les citoyens arabes des
Israéliens. Les discussions occidentales sur le sujet ont traditionnellement
exprimé un point de vue israélien sur le boycott, ce qui est compréhensible.
Mais les membres du Conseil arabe portent une vision plus globale et de ce
point de vue novatrice, ajoute-t-il.
Malgré une attitude d’ouverture de plus en plus grande
en faveur d’engagements avec Israël dans certaines parties du monde arabe, dans
d’autres, l’opposition à de telles éventualités s’est renforcée.
En mars 2019, le ministre d’Etat aux Affaires
étrangères des Emirats arabes unis, Anwar Gargash, avait appelé à un
« glissement stratégique » dans les liens israélo-arabes, estimant
que la décision prise depuis des décennies par le monde arabe de boycotter
l’Etat juif avait été une erreur et que ce même boycott avait compliqué les
efforts de résolution du conflit israélo-palestinien.
Au mois de juin, le ministre bahreïni aux Affaires
étrangères Khalid bin Ahmed al Khalifa avait lui expliqué que son pays
reconnaissait le droit à l’existence d’Israël, qu’il savait que le pays était
dorénavant définitivement implanté dans la région et qu’il souhaitait faire la
paix.
Mais, début 2019, le président tunisien, Kais Saied,
élu en octobre dernier, avait pour sa part qualifié les initiatives visant
l’établissement de relations avec l’Etat juif de « haute trahison ».
Et les liens avec la Jordanie, qui a signé un traité
de paix avec Jérusalem en 1994, se sont également tendus ces dernières années,
le premier envoyé du royaume en Israël clamant récemment que l’accord entre les
deux Etats devait être réexaminé.
Par Times of Israël staff, 12
février 2020