C’est la conclusion d’un rapport d’expertise accablant
commandé par les trois juges d’instruction chargés de l’enquête en France et
consulté par « Le Parisien ».
Près de trois ans après le crash du vol MS804 d’Egypt
Air qui devait relier Paris-Charles-de-Gaulle au Caire et qui s’est abîmé en mer au large d’Alexandrie dans la nuit du 18
au 19 mai 2016 tuant 70 personnes, les conclusions d’un rapport
d’expertise sont accablantes.
Selon le document commandé par les trois juges
d’instruction chargés de l’enquête en France et que Le Parisien a pu consulter,
l’Airbus A320 de la compagnie égyptienne n’aurait jamais dû décoller, car
l’appareil n’était pas en état de voler. Dans ce document de 70 pages, on
apprend que « l’expertise a mis en évidence que cet appareil aurait dû
faire l’objet de vérifications lors des quatre précédents vols (…) après
l’enchaînement des défauts récurrents mais non signalés par les équipages
successifs. »
Les experts ont analysé le carnet de bord de l’avion
et les données du système automatisé de transmission de données de maintenance.
L’inspecteur et le technicien aéronautique qui ont rédigé le rapport ont
notamment relevé que la veille du crash près d’une vingtaine d’alertes avaient
été envoyées via le système Acars, sans que la compagnie aérienne
n’intervienne. Certaines de ces alertes signalaient à plusieurs reprises un
problème électrique pouvant conduire à un incendie. Les pilotes les ont
ignorées. « Les défauts majeurs, signalés par alarme visuelle et
sonore, ne font l’objet d’aucun signalement technique », relèvent les
experts.
Plus de 50 alertes
D’autres alertes ont signalé un problème sur une valve
d’un moteur ou encore un dégagement de fumée dans les toilettes. « Cette
alarme peut indiquer un début d’incendie dans un compartiment WC. Elle ne doit
pas être passée sous silence, ce qui a été le cas », estiment encore
les experts.
Mais ces alertes ne concernent pas seulement la
journée du 18 mai 2016. Les experts ont analysé les données Acars à partir
du 1er mai et ce problème électrique pouvant conduire à un
incendie a déclenché des alertes sur 29 vols opérés par l’appareil, tandis
que l’alerte concernant la valve du moteur a occasionné des alertes sur
51 vols. La compagnie Egypt Air a tout simplement ignoré ces dizaines
d’alertes, qui auraient dû conduire à l’immobilisation de l’appareil.
Les deux spécialistes remettent également en question
le technicien chargé de la maintenance des avions EgyptAir à l’aéroport de
Roissy, qui n’avait a priori pas les qualifications requises pour occuper ce
poste.
« Froid dans le dos »
« Cette expertise fait froid dans le dos, estime Sébastien Busy, avocat de
l’association des familles des victimes du crash Egypt Air MS 804 interrogé par
Le Parisien. C’est d’autant plus inquiétant que, malgré ce rapport,
les avions d’EgyptAir continuent d’atterrir et de survoler l’Europe. »
Ce rapport devrait venir étayer celui du celle du
Bureau d’enquêtes et d’analyses qui a conclu à un incendie violent dans le
cockpit, dont l’origine reste à déterminer, et qui aurait causé le crash.
Le Monde, 2 avril 2019