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16 mai 2019

Erdogan compte ouvrir des lycées turcs en France


Une délégation turque se rendra en France les 20 et 21 mai prochains. Les programmes scolaires turcs, enseignant entre autres le «bon djihad», ont déjà suscité de nombreuses réactions.

Le président Erdogan ne s’en cache pas, il a des vues sur l’école française. Dans un article paru vendredi 3 mai, Le Point révélait que le chef d’État envisage d’ouvrir des établissements scolaires turcs en France. Dans le courant du mois d’avril, les responsables des lycées français en Turquie ont reçu plusieurs visites « modérément courtoises » des fonctionnaires d’Ankara, informe l’hebdomadaire.
Ces représentants du pouvoir seraient venus pour « contester les fondements légaux de la scolarisation d’enfants turcs dans ces établissements », précise encore Le Point. Les lycées français de Turquie n’accueillent pas seulement les enfants d’expatriés de l’Hexagone, mais aussi ceux des dirigeants de l’AKP, le parti d’Erdogan défini comme «islamo-nationaliste» et conservateur.

Recep Tayyip Erdogan a chargé une délégation turque de se rendre en France les 20 et 21 mai prochains, afin d’y observer les lycées internationaux. L’objectif serait ensuite d’exiger la création de lycées turcs sur le territoire français. « Des Français sont mis sous pression à Istanbul et à Ankara par le pouvoir d’Erdogan, qui cherche à implanter des écoles turques en France, et le Quai d’Orsay ne bouge pas », s’inquiète un proche du dossier cité par Le Point.
La décision d’ouvrir de tels établissements ne relèvera sans doute pas uniquement de la volonté du président turc, mais aussi du ministère de l’Éducation nationale et de celui des Affaires étrangères. Contactés par Le Figaro, ceux-ci n’ont pas encore apporté les précisions attendues sur le sujet.

Quoi qu’il en soit, Jean-Michel Blanquer n’hésite pas à porter en étendard son combat pour la laïcité de l’enseignement, quitte à s’attirer les foudres d’établissements religieux comme l’école musulmane d’Échirolles qu’il entend fermer pour son «inspiration salafiste». L’ouverture de ces établissements turcs en France pourrait bien dénoter avec cette politique, du moins si le contenu des enseignements est calqué sur celui en vigueur en Turquie. L’islamisation des programmes menée par Erdogan dans son pays a déjà suscité des inquiétudes dans les médias français ces dernières années.

Dès février 2012, le président de la Turquie déclarait vouloir «former une génération pieuse». Une déclaration suivie par la création de trois cours optionnels de religion au collège (la vie de Mahomet, la lecture du Coran, les connaissances religieuses de base) à l’été 2012. Celles-ci, axées sur la vision d’un islam sunnite, sont devenues obligatoires dans plusieurs établissements faute d’autres options. Par la suite, le pouvoir turc a peu à peu remplacé la prédominance des lycées publics «classiques» par les lycées «imam hâtif», destinés à la formation des imams et prédicateurs. Les élèves ayant échoué aux concours d’entrée en lycée public sont désormais inscrits d’office dans ces établissements religieux (bien qu’ils ne deviennent pas tous imams à la sortie). La Turquie comptait 1408 lycées de ce type en 2017, accueillant 517.000 élèves.
Ce programme marquait aussi la disparition de la théorie de l’évolution de Charles Darwin
Avec un nouveau programme diffusé en juillet 2017, le gouvernement a instauré l’enseignement du concept de «djihad» dans la plupart des établissements. « Le djihad existe dans notre religion et il est du devoir du ministère de l’Éducation de veiller à ce que ce concept soit enseigné de façon juste et appropriée », avait alors déclaré le ministre de l’Éducation nationale turc, Ismet Yilmaz.
Il avait précisé qu’il ne s’agissait pas de la guerre sainte mais du « bon djihad », exaltant « l’amour de la patrie ». Ce programme marquait aussi la disparition de la théorie de l’évolution de Charles Darwin, dépassant le « niveau de compréhension des élèves ». Une grande partie du programme consacrée à Atatürk, fondateur de la République de Turquie, est quant à elle remplacée par la tentative de putsch raté du 15 juillet 2016.

Camille Lecuit
Le Figaro Etudiant, 7 mai 2019