Retour à l'Histoire, dimanche
prochain, autour d'un livre passionnant : "Le Miroir de Damas", Editions
La Découverte, et j'aurai le plaisir de recevoir son auteur, Jean-Pierre Filiu.
Les auditeurs fidèles de ma série connaissent bien maintenant cet invité. Pour
rappel, c'est un orientaliste réputé, professeur en histoire du Moyen-Orient
contemporain à Sciences Po Paris et auteur d'un grand nombre d'ouvrages sur le
monde arabo-musulman. On avait déjà parlé ensemble de la Syrie, c'était en 2014
à propos d'un autre livre, poignant, son récit de témoin à Alep encore traversée
par une ligne de front. Son dernier ouvrage entraine le lecteur dans un voyage
vertigineux à travers les siècles, où sont mis en concordance des temps et au
fil des pages les dirigeants successifs,
des Califes à la Dynastie Assad ; les minorités religieuses, instrumentalisées successivement
par les uns ou les autres ; les pays voisins, tantôt dominés depuis la Syrie, tantôt dominants. Ce
livre d'Histoire de 270 pages évoque en arrière plan les horreurs des six
dernières années. Mais surtout il m'a appris énormément de choses car, je
l'avoue, je ne réalisais par à quel point la Syrie, le "pays de Cham"
était plus encore que l'Egypte le cœur vivant du monde arabe.
Parmi les questions que je
poserai à Jean-Pierre Filiu :
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Vous évoquez le personnage de Saint Paul, né
Saül de Tarse, né dans une famille juive hellénisée de la Diaspora ; tout le
monde a entendu parler du récit des Apôtres et de sa fameuse révélation du
"Chemin de Damas"; que sait-on précisément de lui ? Est-ce qu'on peut
dire que Paul a été le vrai fondateur du Christianisme bien après Jésus et ses disciples
?
-
Vous retracez les destinées sanglantes des premiers
Califes, la sécession des partisans d'Ali, lointains précurseurs du Chiisme. Mais
ce qui frappe c'est la disparition en quelques décennies de l'Empire Ommeyade,
basé à Damas, au profit d'une autre dynastie également sunnite, les Abbassides
basés à Bagdad. Et pourtant, dites-vous, et même si ce n'était plus la
métropole d'un Empire, et même si le pays a été dominé de l'extérieur ou divisé,
l'identité syrienne existe bien : pourquoi ?
-
Vous établissez une concordance des temps
saisissante entre les premiers siècles de l'islam, avec ses légendes, ses
personnages guerriers, ses discours prophétiques aussi, et l'exploitation politique
faite par les forces en guerre dans la Syrie d'aujourd'hui. Par exemple, il y a
des récits apocalyptiques écrits au 9è siècle, qui situent la bataille de la
fin des temps en un lieu bien précis, les localités d'Amak et de Dabik : or l'Etat
islamique y est implanté, et il s'y réfère aussi. Est-ce que les milices
chiites soutenues par l'Iran ont recours à la même eschatologie guerrière,
autour de lieux saints par exemple ?
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La capitale syrienne va connaitre en 1840,
une sombre rumeur de crime rituel accusant les Juifs, qui passent à côté d'un
désastre. Vous rappelez aussi dans plusieurs passages du livre l'antisémitisme
des Assad père et fils. Pourriez-vous résumer ce que fut cette affaire de Damas
?
-
A propos des Arméniens, généreusement
accueillis après le génocide de 1915 ; pourtant on ne les a pas entendus
protester lorsque le régime opprimait ou torturait, pourquoi ? Ensuite les
Alaouites ; j'ai regretté que votre livre n'en parle pas plus ; pourquoi cet
engagement apparemment massif pour les Assad : solidarité religieuse ?
Rattachement même partiel au monde chiite ? Crainte de revivre des massacres
passés ?
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Un chapitre est intitulé "Trois Présidents
français en Syrie". Vous êtes sévère successivement envers Charles de
Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac : pourriez-vous résumer pourquoi
à nos auditeurs ? Et est-ce qu'il ne manque pas, à tout le moins un hommage au
Président sortant François Hollande, qui lui était prêt à agir au moment des
massacres à l'arme chimique de l'été 2013 ?
Il m'a rarement été aussi difficile de
choisir mes questions pour le temps limité de mon émission, tant le livre est
riche ! Merci d'être nombreux à l'écoute.
J.C