Dresde après le bombardement du 13 février 1945
Si
les mesures militaires prises par Israël sont considérées comme des « crimes de
guerre » tels que définis par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits
de l'Homme, Navi Pillay, alors cela signifie que les États-Unis, la
Grande-Bretagne, la France et l'Union soviétique ont commis des crimes de
guerre à une bien plus grande échelle, afin de vaincre l'Allemagne nazie.
Plusieurs
facteurs ont sauvé les Alliés de l'accusation de « crimes de guerre » et
empêché leur poursuite en justice, ou tout au moins la création de commissions
d'enquête, après la mort de centaines de milliers de civils, dont des femmes et
des enfants, lors du bombardement de cibles militaires et de villes
d'Allemagne. Basés sur les estimations des historiens spécialistes de la
Seconde Guerre mondiale, les bombardements sur les villes allemandes menés par
les forces aériennes américaines et britanniques ont tué deux millions de
civils, y compris, bien sûr, des femmes et des enfants.
Un
de ces facteurs importants est que la Seconde Guerre mondiale ait été racontée
par la presse écrite qui a vérifié les faits grâce à des rapports et des
descriptions. Il n'y a pas eu de chaînes de télévision ou de journaux aux
Etats-Unis ou au Royaume-Uni qui ont publié des informations détaillées au
cours des combats. Les photographies qui accompagnaient les informations
montraient la destruction totale des villes et des villages causée par
l'avancée des forces alliées de libération de l'Europe. Les blogs, Facebook et
les réseaux sociaux auraient été à l'époque aussi délirants que les vaisseaux
spatiaux ou les transplantations cardiaques. Les informations en direct des
zones de combats ne pouvaient être vues que lors de journaux audiovisuels
diffusés dans les salles de cinéma avant le début des films.
Les
stations de radio, les médias écrits et audiovisuels aux Etats-Unis et en
Grande-Bretagne qui étaient actifs pendant la Seconde Guerre mondiale ne
bénéficiaient pas de la puissance et de l'influence qu'ils ont aujourd'hui.
Mais un facteur important qui, de nos jours, détermine et dicte les
informations depuis les zones de tension et de conflit armé, et qui
n'existaient pas dans la presse écrite pendant la Seconde Guerre mondiale est
le principe d'équilibre, qui, ces dernières années, est devenu le droit sacré
et inattaquable des médias aux États-Unis et en Europe occidentale.
Dans
n'importe quel rapport, important ou marginal, sur les scandales politiques,
les campagnes électorales, les manifestations ou les procès d'intérêt public,
les points de vue et les explications de toutes les parties concernées sont
diffusées. La préservation attentive et extrémiste du principe d'équilibre qui
caractérise les médias américains se moque souvent de l'information et porte
atteinte à la signification des événements en dépeignant les parties d'une
manière totalement biaisée.
Quelle
chance, quel miracle que la loi sacrée de l'équilibre n'existait pas lors de la
Seconde Guerre mondiale. Imaginons qu'en 1943 une organisation juive en
Amérique ait reçu un rapport qui affirme que les nazis dirigeaient un camp de
concentration à un endroit appelé Oswiecim en Pologne pour y assassiner des
milliers de Juifs. Car en réponse aux allégations de l'organisation juive et au
nom de l'équilibre, à une réunion du New York Times ou pendant la conférence du
matin pour les infos du soir de CBS, on aurait décidé d'envoyer un journaliste
à Berlin pour vérifier la véracité de cette affirmation grave.
Dan
Rader serait allé à Berlin interviewer Heinrich Himmler ou Goering et les
aurait entendus nier vigoureusement que des Juifs étaient assassinés à
Auschwitz. Les nazis auraient même organisé pour Dan Rader la visite d'un camp
de concentration pour lui montrer le baraquement qu'ils avaient préparé avec
des Juifs âgés assis en train de manger un copieux dîner. Bien sûr, l'entrevue
avec Goering ou Himmler aurait été publiée avec une photo du baraquement pour
équilibrer l'accusation de l'organisation juive sur l'extermination des Juifs.
Selon les réponses actuellement acceptées, on peut supposer que la version Nazi
aurait même été plus agréable à digérer.
Le
très respecté journaliste retraité Charlie Rose se vantait de son scoop avec
son interview exclusive de Khaled Mechaal qu'il avait obtenu la semaine
dernière. Lorsque les soldats alliés ont combattu contre les nazis, il était
inconcevable pour un journaliste occidental d’interviewer l'ennemi et de donner
une tribune dans un journal américain ou britannique à un général nazi. C’est
l'absence de cette loi sacrée de l'équilibre qui a permis la victoire sur les
nazis. Harold Macmillan, qui a servi comme Premier ministre du Royaume-Uni de
1957 à 1963 a dit que si dans les années 1940, la BBC avait le pouvoir qu'elle
a aujourd’hui, le monde parlerait allemand.
Shlomo Shamir,
I-24 news, le 7 août 2014
Shlomo
Shamir fut pendant 40 ans correspondant de Haaretz à New York. Il est un expert
de la communauté et des organisations juives américaines.