Le voyagiste français Odeia organise en octobre
prochain un voyage en Syrie en relation avec le régime criminel de Bachar
al-Assad. Un voyage auquel s'associe l'hebdomadaire "Valeurs
actuelles".
Lorsque le voyagiste français Clio a annoncé en avril
dernier qu'il se lançait dans des voyages à destination de la Syrie, s'ensuivit
une importante polémique obligeant le Quai d'Orsay à prendre position et à
déconseiller de se rendre sur place tant le risque était important.
Dans une indifférence quasi-générale, l'hebdomadaire Valeurs
actuelles retente l'expérience en association avec le voyagiste Odeia
et propose à son tour un voyage dans la Syrie de Bachar al-Assad. Pour une
somme plus modique que celle demandée par Clio (2.245 euros contre près de
3.000 euros), le touriste pourra visiter Damas et sa mosquée des Ommeyyades, la
citadelle d'Alep, l'imposant Krak des Chevaliers près d'Homs et déambuler dans
ce qu'il reste des ruines de la cité millénaire de Palmyre, un temps occupée
par l'Etat islamique puis par le régime et son allié russe.
Le tout en compagnie de la journaliste de VA
Charlotte d'Ornellas, la nouvelle égérie de la droite ultra-conservatrice. Il
faut dire que cette dernière a ses entrées en Syrie notamment grâce à son
engagement au sein de l'association proche de l'extrême droite SOS Chrétiens
d'Orient. Ce qui lui a d'ailleurs permis d'interviewer Bachar al-Assad en
personne pour le site, d'extrême droite toujours, Boulevard Voltaire début
2017.
"Vous partirez dans des conditions de sécurité
maximales, Charlotte d'Ornellas et Odeia connaissent bien la Syrie et les
instances locales", précise d'ailleurs la réclame pour le voyage que
l'on peut trouver dans les pages de Valeurs actuelles.
Charlotte d’Ornellas organise avec @Valeurs
un voyage ludique en Syrie à la découverte des geôles syriennes, des villes
ravagées par des bombardements du régime. Clou du spectacle : Palmyre ravagée
par daech mais aussi par l’armée de Bachar (normalement la nécropole sud est). pic.twitter.com/xirmYULTIJ
— stephane kenech (@stephanekenech) August 6, 2019
Et pour cause, Odeia a déjà organisé des voyages en
Syrie, notamment avec l'association SOS Chrétiens d'Orient à laquelle ont
appartenu des militants de l'extrême droite française, à l'image de Damien Rieu
(ex-Génération identitaire et attaché parlementaire du député RN Gilbert
Collard), de François-Xavier Gicquel (Jeunesses nationalistes), ou encore de
Tristan Mordrelle (nationaliste historique, ancien du GRECE). La complaisance
de l'association à l'encontre du régime meurtrier de Damas est régulièrement
dénoncée jusque dans les rangs de l'Eglise.
C'est d'ailleurs le directeur de SOS Chrétiens d'Orient, Benjamin Blanchard,
qui accompagnera le prochain voyage d'Odeia en Syrie qui précédera celui avec
Charlotte d'Ornellas.
"Nous attirons votre attention sur le fait que
la Syrie reste un pays encore fragile. Les zones visitées sont désormais
pacifiées et sont ouvertes à la visite, mais certaines règles sont à respecter",
prévient tout de même le voyagiste. Un discours qui tranche avec la vision que
le ministère des Affaires étrangères à du pays. Voici ce que l'on peut lire sur
la fiche Syrie du site du Quai d'Orsay: "Dans un contexte de conflit
armé touchant l’ensemble de son territoire, la Syrie est un pays dans lequel
rien ne garantit la sécurité ni le respect des droits fondamentaux des
personnes. Les ressortissants français doivent être conscients qu’ils
s’exposent, dans ce climat de très forte insécurité, à des risques
particulièrement élevés d’attentats terroristes et d’enlèvement à des fins
politiques ou crapuleuses. Ils peuvent également faire
l’objet d’arrestation et de détention sans que les autorités
syriennes ne le signalent à la France. Tout déplacement en Syrie, y compris à
Damas et Alep, est donc formellement déconseillé". L'ensemble de la
Syrie, à l'exception du plateau du Golan, est placé en "zone rouge".
Le Pentagone vient également de publier une note
confirmant que l'Etat islamique reste bien implanté sur le territoire syrien.
L’accès au pays est en outre soumis à des conditions
strictes et les ressortissants français ne peuvent pas obtenir de visa aux
points d’entrée à la frontière. C'est le voyagiste qui s'occupe de les fournir,
comme l'expliquent les conditions du voyage. Comment? tout simplement grâce à
ses liens avec les autorités syriennes, indique Odeia.
Plutôt confidentiel bien que prospère le voyagiste est
dirigé par un certain William Edel, issu d'une vieille famille de la droite
dure. Son oncle est ainsi notamment passé la FEN (Fédération des étudiants
nationalistes, proche des frères Sidos, collaborationnistes) et a fricoté avec
des membres de l'OAS, organisation terroriste d'extrême droite très active au
début des années 1960. Son opposition à l'indépendance de l'Algérie lui a même
valu un passage en prison. Le père de William Edel a suivi la même trajectoire,
s'engageant par exemple avec les néofascistes d'Occident (ancêtre du GUD).
Des erreurs de jeunesse ? Pas tout à fait : bien des
années plus tard Edel père fréquente encore Serge de Beketch notamment,
fondateur de Radio Courtoisie et ancien dirigeant de Minute. Tandis
que l'oncle a également persisté, fondant une ONG réputée "de droite"
où se sont retrouvés des nationalistes radicaux et d'anciens défenseurs des
phalangistes chrétiens au Liban (l'association est restée toutefois ouverte à
d'autres sensibilités). Une histoire familiale en droite ligne avec les
activités de l'agence de voyage Odeia.
Des liens avec l'extrême droite également illustrés
par la participation de personnalités telles que l'écrivain identitaire
Alexandre Del Valle, qui a récemment été du voyage en Sicile pour Odeia. S'y
sont tenues des conférence aux thèmes évocateurs: "le complexe
occidental" et "les vrais ennemis de l’Occident".
Ces voyages à destination de la Syrie de Bachar
al-Assad participent également à la légitimation d'un régime mis au ban des
nations pour la violence dont il a fait preuve dans l'écrasement de la
révolution syrienne. A l'heure où ces lignes sont écrites, les bombes de
l'aviation loyaliste continuent de tomber à Idlib sur des objectifs civils
comme des hôpitaux, des marchés ou des quartiers d'habitations.
Cette même armée loyaliste qui a utilisé à plusieurs
reprises des armes chimiques prohibées contre sa population, provoquant ainsi
la mort de plusieurs milliers de civils alors que des dizaines de milliers
d'autres personnes étaient massacrés par l'utilisation d'armes
conventionnelles ou étaient torturées à mort dans les
geôles du régime. A Palmyre, que visiteront les participants au voyage d'Odeia,
se trouvait notamment l'une des pires prisons syriennes.
Cette proximité avec le régime de Bachar al-Assad ne
gêne pas Odeia comme l'expliquait par ailleurs Sophie Magerand responsable de
service pour le voyagiste qui soulignait en avril dernier: "Certains
diront que c'est scandaleux d'aller dans le régime de Bachar el-Assad. Mais il
y en a qui vont à Cuba, aux Etats-Unis, ce n'est pas mieux".
Le retour des touristes en Syrie représente également
l'espoir d'une manne financière dans un pays à l'économie exsangue, ravagé par
huit ans d'une guerre marquée par l'utilisation régulière de la politique de la
terre brûlée, répétée comme un mantra par les partisans du régime: "Assad
ou nous brûlons le pays". Ainsi, en 2010, avant le début de la guerre
qui a fait plus de 500.000 morts, la Syrie avait accueilli près de deux
millions de visiteurs européens. Le secteur touristique avait engrangé plus de
trois milliards d'euros de bénéfice.
Maxime Macé, avec Pierre Plottu
Source : France-Soir.fr,
7 août 2019