Manifestation à Berlin le 10 décembre 2017
C’est un sujet bien inquiétant
dont nous allons parler dimanche prochain, puisqu’il s’agit de l’antisémitisme,
et plus précisément d’un antisémitisme concernant certaines populations
musulmanes. Alors il faut d’abord rappeler que dans un délai très court,
environ un million de migrants fuyant les guerres civiles en Syrie et en Irak
ont été accueillis en Allemagne, à partir de 2015. Nous allons en évoquer une
étude très récente, publiée au mois de décembre, suite à une enquête réalisée à
Berlin auprès d’un échantillon de ces réfugiés. Et nous aurons la chance
d’avoir comme invité l’universitaire qui a réalisé cette enquête, Günther Jikeli. J’ai eu le plaisir de faire sa
connaissance il y a deux ans et demi, c’était dans le cadre de la commission
que j’anime au CRIF, et il nous avait présenté ses premiers travaux sur un
antisémitisme nouveau en Europe, celui constaté au sein de l’immigration
musulmane. Il est né à Cologne en 1973, et il est Docteur en Philosophie de la « Technische
Universität » de Berlin. C’est un historien, et je dois rendre hommage à
la ligne droite qui a été la sienne puisque le combat contre l’antisémitisme a
été le fil directeur de ses recherches. Cela l’a amené à travailler
successivement l’Université de Tel Aviv, puis comme conseiller de l’OSCE. Sa
compétence lui a permis d’être rattaché actuellement comme chercheur associé dans
deux Universités, le Centre Moses Mendelssohn à Potsdam, et l’Université de
l’Indiana aux Etats-Unis.
Parmi les questions que je poserai
à Günther Jikeli :
-
Pour votre étude, vous avez interrogé en
décembre 2016, 68 réfugiés de Syrie et d’Irak, vous avez préféré avoir des
échanges spontanés plutôt qu’un vrai sondage, avec un échantillon représentatif
plus grand : pourquoi avoir choisi cette méthode ?
-
Votre premier constat à l’issue de presque
toutes ces conversations, c’est que les réfugiés avec qui vous avez parlé ont
presque tous une vision complotiste, à la fois de l’Histoire et du monde dans
lequel ils ont vécu, c’est-à-dire le Moyen-Orient. Concernant les réfugiés de
Syrie, comment expliquaient-ils la guerre civile dans leur pays ?
-
Un sujet qui vous tient particulièrement à
cœur, en tant qu’universitaire et chercheur allemand, c’est bien la Shoah. Que
savaient les réfugiés Syriens de ce qui s’est passé en Europe pendant la
Seconde Guerre Mondiale ? L’ont-ils découvert seulement en
Allemagne ? Et avez-vous entendu soit des propos négationnistes, soit une
expression de sympathie pour le nazisme, vos interlocuteurs disant que les
Juifs avaient mérité ce qui leur été arrivé ?
-
Le public allemand a été choqué par des
manifestations à Berlin suite à la déclaration de Donald Trump sur
Jérusalem : des manifestants, comprenant des réfugiés, ont crié
« mort aux Juifs ». Mais cela ne devait pas surprendre, car un
article du journal français « L’Obs » en date du 9 février, indique
que rien que pour la première moitié de 2017, on a recensé en Allemagne 681
actes antisémites, soit plus que pour la France l’année dernière : les
Juifs allemands ont-ils peur aujourd’hui ?
-
Votre étude ne concernait pas l’importante
communauté originaire de Turquie, et qui vit en Allemagne depuis longtemps. Mais
ils sont toujours la majorité des quelques 4,5 millions de musulmans du pays. Il
y a eu l’évolution de la Turquie d’Erdogan, et l’antisémitisme diffusé par le
parti au pouvoir AKP sous couvert « d’antisionisme » : est-ce
que cela a eu une influence sur eux ?
-
Un autre élément très inquiétant en
Allemagne, c’est le succès du parti d’extrême-droite Alternative
für Deutschland, qui a connu un succès spectaculaire en faisant entrer
80 députés au Bundestag : pensez-vous qu’ils représentent un vrai danger pour
la communauté juive d’Allemagne ?
Un sujet
vraiment préoccupant, et qui prouve bien que l’antisémitisme est maintenant de retour
partout en Europe. Soyez nombreux
à l’écoute !
J.C