Illustration complotiste sur le 11 septembre, du dessinateur antisémite Zeon
J’aurai le plaisir de recevoir
dimanche prochain Rudy Reichstadt, responsable du site Conspiracy Watch, l’Observatoire
du conspirationnisme et des théories du complot. Je l’avais déjà reçu en 2014 pour
parler de ces sujets, mais il faut dire qu’en l’espace de quatre ans le paysage
a beaucoup évolué. On a vécu, avec les attentats en France depuis janvier 2015,
un peu à notre échelle ce que les Etats-Unis ont connu pour le 11 septembre
2001. Et comme pour le 11 septembre, on a vu tout de suite se répandre des
théories du complot, remettant en question ce qui était appelé « la vérité
officielle », et attribuant aux services secrets les tueries pourtant
revendiquées par l’Etat Islamique. L’ex-ministre de l’Education Nationale avait
dit, après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher, qu’un jeune sur
quatre croyait en ces théories. Depuis, il y a eu une prise de conscience, au
niveau de l’Education Nationale, dans les grands médias, et de nombreux
universitaires, sociologues, journalistes et historiens se sont mobilisés contre
ce fléau. On peut entendre beaucoup d’entre eux dans un documentaire, intitulé
« Complotisme, les alibis de la terreur », diffusé sur France 3 le 23
janvier dernier. Ce film réalisé par Georges Benayoun et dont mon invité est le
co-auteur, démonte en l’espace d’une heure la logique perverse des discours
complotistes.
Parmi les questions que je
poserai à Rudy Reichstadt :
-
La première chose soulignée dans le film, c’est
qu’en fait on a deux discours complotistes. Il y a celui ne niant pas les
crimes terroristes, mais disant qu’en fait il ne s’agit que d’une juste
réaction des Musulmans, victimes d’un complot judéo-chrétien. Et puis, il y a
le discours disant que tous les attentats ne sont que des mensonges, fabriqués
par les services secrets, pour justifier des guerres et stigmatiser les
musulmans : comment peut-on croire aux deux discours en même temps ?
-
On voit dans le film plusieurs personnalités
comme Tarik Ramadan, Edwy Plenel ou Hassan Iquioussen, développer l’argument
complotiste des faux attentats. Que cette
posture victimaire ait du succès chez une partie du public musulman, cela se
comprend ; mais quand on fait de la veille Internet, par exemple sur des
pages Facebook, on voit que des profils très divers et de tous âges soutiennent
aussi ces délires : comment l’expliquez-vous ?
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Les pseudo médias qui soutiennent de tels
discours n’émettent jamais la moindre critique de pays divers comme la Russie, l’Iran,
la Corée du Nord et le Venezuela, présentés toujours comme sympathiques parce
qu’ils s’opposent aux Etats-Unis. Est-ce que cela ne révèle pas dans le fond
une idéologie plus « rouge-brune », ou même néo-nazie,
qu’islamiste ?
-
Le pire, pour les parents des victimes, c’est la
négation pure et simple des crimes terroristes On voit dans le film Monsieur
Sandler, père et grand-père de trois victimes de Mohamed Merah, dire qu’il a lu
qu’il n’y avait aucune preuve qu’il y avait leurs corps dans les cercueils ;
on voit aussi Michel Catalano, otage quelques heures des frères Kouachi, à qui
on a demandé si ça s’était vraiment passé. Pourquoi ne déposent-ils pas plainte
contre ceux qui diffusent de telles horreurs ?
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Dans votre film, Serge Hefez qui est
psychiatre, dit : « le monde réel est très complexe, les jeunes ont
besoin de se raccrocher à une vérité simple avec le bien et le mal, le juste et
l’injuste ». Mais le démultiplicateur principal des théories du complot, n’est-ce
pas d’abord les réseaux sociaux, où tout se vaut, où la modération est quasi
inexistante, et où n’importe qui peut publier n’importe quoi ?
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Le gouvernement aurait l’intention de légiférer
contre ceux qui diffusent des « fake news » au moment des élections,
et on pense bien sûr à la campagne de Donald Trump, ou au dénigrement
d’Emmanuel Macron par les médias russes RT et Sputnik News. Mais n’est-ce pas réducteur
de se limiter aux périodes électorales ?
Dans le fond, le complotisme peut détruire tous
les repères, petit à petit, et il agit comme un poison lent dans nos sociétés.
C’est donc un sujet capital : soyez nombreux à l’écoute !
J.C