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07 novembre 2019

L’Irak en grève « jusqu’à la chute du régime »

La place Tahrir à Bagdad, 2 novembre 2019

Quatre manifestants ont été tués par balles près du consulat iranien à Kerbala, dans le sud du pays, où les manifestants renforcent lundi la désobéissance civile.

Routes coupées, écoles et administrations à Bagdad et dans le sud de l’Irak fermées : la pression augmentait en Irak, dimanche 3 novembre, après un mois de manifestations. Depuis quelques jours, la colère des protestataires qui réclament « la chute du régime » se concentre sur l’Iran, l’une des deux puissances agissantes en Irak avec les Etats-Unis.
Dans la nuit, des manifestants ont tenté d’incendier la représentation diplomatique de l’Iran, pays voisin et grand parrain de la politique irakienne, à Kerbala, ville sainte chiite visitée chaque année par des millions de pèlerins iraniens. Ils ont déployé des drapeaux irakiens sur le mur d’enceinte du consulat, où ils ont écrit « Kerbala libre, Iran dehors ». Les forces de l’ordre ont répliqué avec des rafales de balles réelles, qui ont fait quatre morts, selon des cadres de la médecine légale de la ville à 100 kilomètres au sud de Bagdad.
Quatre manifestants ont été tués par balles près du consulat iranien à Kerbala, dans le sud de l’Irak, où les manifestants renforcent lundi la désobéissance civile en réponse à l’appel du premier ministre Adel Abdel Mahdi à « retourner à la vie normale ».
La contestation, née le 1er octobre, a été marquée par des violences meurtrières qui ont fait, officiellement, au moins 257 morts. Depuis sa reprise le 24 octobre, elle est désormais organisée par les étudiants et les syndicats. Ensemble, ils ont multiplié dimanche les appels à la désobéissance civile, tandis que les syndicats des enseignants, des ingénieurs, des médecins et des avocats déclaraient la grève générale, paralysant la plupart des écoles publiques et des administrations de la capitale et du sud.

« On en a marre des mensonges »

Depuis plusieurs jours, des manifestants bloquent également la route menant au port d’Oum Qasr, dans le sud du pays, suscitant l’inquiétude des autorités pour les importations, notamment alimentaires. Des dizaines de bateaux ont repris la route sans avoir pu décharger leurs cargaisons, a rapporté une source portuaire.
Signe que les autorités s’inquiètent d’un impact économique important, le premier ministre, Adel Abdel Mahdi, est sorti de son silence dimanche soir, assurant que « de nombreuses revendications ont déjà été satisfaites » et qu’il faut maintenant « retourner à la vie normale ». Mais les promesses d’élections anticipées, de réformes du système des embauches et des retraites n’y font rien.
« On commence une campagne de désobéissance civile parce qu’on en a marre des mensonges du gouvernement et de ses soi-disant réformes », déclare Mohammed Al-Assadi, qui manifeste à Nassiriya, où les principaux axes et ponts sont coupés.
A Bagdad, de jeunes manifestants ont garé des voitures en travers des routes, tandis que des cortèges d’étudiants et d’écoliers se dirigent vers la place Tahrir, épicentre de la contestation. A Kout, au sud de Bagdad, Tahssine Nasser, 25 ans, explique que « couper les routes » permet d’envoyer « un message au gouvernement » : « On restera dans la rue jusqu’à la chute du régime et le départ des corrompus et des voleurs. » Dans les villes saintes chiites de Kerbala et Najaf, de plus en plus d’étudiants en religion participent aux manifestations.

Snipers, grenades tueuses et enlèvements

Cette mobilisation inédite est cependant menacée par une campagne d’intimidation et des violences, régulièrement dénoncées par la communauté internationale et les défenseurs des droits humains.
Lors du premier épisode de manifestations, du 1er au 6 octobre, 70 % des quelque 250 morts avaient été touchés à la tête ou au torse par des tirs de snipers – des snipers que l’Etat affirme toujours ne pas pouvoir identifier. Depuis la reprise du mouvement, le 24 octobre, aucun tir à balles réelles des forces de l’ordre n’a été recensé dans la capitale, mais une quarantaine de manifestants ont été tués. Les forces déployées tirent désormais des grenades lacrymogènes « brise-crânes », particulièrement lourdes. Celles-ci ont été responsables d’au moins cinq morts à la fin d’octobre.
Outre ces morts, des blogueurs et des militants ont été enlevés et des médias ont été attaqués. Dimanche, la Commission gouvernementale des droits humains a annoncé l’enlèvement de Saba Mahdaoui, une médecin et militante, dénonçant « des opérations d’enlèvement organisées » alors qu’une autre militante vient tout juste d’être libérée. La mère de Mme Mahdaoui et des militants ont affirmé qu’elle avait été kidnappée par des hommes « armés et masqués à bord de pick-up » alors qu’elle revenait de Tahrir dans la nuit de samedi à dimanche. « C’est une honte pour toute la société irakienne ! », a dénoncé le chef de la Commission parlementaire pour les droits humains.
L’ancien premier ministre Iyad Allaoui a, lui, ironisé sur le fait que « ceux qui ont pu localiser le chef du groupe Etat islamique (EI) Abou Bakr Al-Baghdadi ne parviennent pas à localiser Saba Mahdaoui et à savoir qui l’a enlevée ».

Hussein Faleh
Le Monde avec AFP Publié le 03 novembre 2019

05 novembre 2019

Hélé Béji: «Le voile est le symptôme, et non la cause, de l’affaiblissement de la République»


TRIBUNE - Figure majeure de la vie intellectuelle tunisienne, l’écrivain juge que le voile n’est pas «souhaitable», mais que l’interdire ne ferait que le renforcer.


Helé Béji vient de publier «Dommage, Tunisie - La dépression démocratique» (Gallimard, coll. «Tracts», 48 p., 3,90 €). Elle est l’auteur, notamment, de «Islam Pride -Derrière le voile» (Gallimard, 2011).


Tous, nous «souhaitons» comme le ministre Jean-Michel Blanquer, que les femmes ne se revoilent pas, nous le souhaitons du plus profond de notre liberté. Et celles qui le souhaitent le plus, c’est celles qui ont vécu le moment historique du dévoilement, ce moment d’intrépidité des femmes traditionnelles à sortir dans la lumière, à la fois fidèles à leur croyance mais libres. Elles n’avaient plus besoin de faire valoir leur religion par des signes vestimentaires frappants. Elles avaient compris que ce n’était pas elles qui étaient cachées au monde sous le voile, mais le monde qui leur était caché derrière leur voile. Leur foi était devenue la force invisible de leur libre arbitre, car elles ne se sentaient plus menacées par le monde moderne. Seule la liberté intérieure peut affronter toutes les autres libertés. La foi qui a besoin d’un accoutrement extérieur s’affaiblit dans le tumulte du spectacle qu’elle provoque et cache une servitude intime. Elle croit se prémunir d’un monde dangereux, comme si le voile n’était pas la barrière illusoire d’un morceau d’étoffe qui ne protège de rien. Oui, j’aurais souhaité que ce revoilement n’eût jamais lieu et que l’histoire marchât dans un seul sens, celui de l’émancipation des années soixante que j’ai connue, l’étape dernière de la «décolonisation» des femmes. Les droits de l’homme avaient vaincu les interdits de la religion. Ils étaient devenus les droits de la femme. Et surtout, les sacrifices et les luttes que le peuple féminin y a consentis étaient ce qu’on devait garder à l’esprit pour ne jamais retomber dans les filets de la dépendance. Ils illustraient le prix d’une indépendance sacrée, intouchable.
La liberté moderne est devenue une forme de déchéance de la dignité
Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. La libération de la femme était un geste d’émancipation du corps, sa liberté est un acte d’émancipation de l’esprit. C’est cette liberté-là qui aujourd’hui est touchée, qui n’atteint pas à sa plénitude. L’intelligence féminine reste en deçà de sa véritable étendue. La femme n’a pas encore pris toute la mesure de son être pensant. Ainsi, elle n’a pas su penser, ni prévoir que l’idée de progrès allait s’épuiser, que la modernité ne serait pas synonyme de bonheur, mais de malheur social, d’inégalité, de violence, de solitude, de misère morale et matérielle, que le féminisme en partie échouerait. La liberté moderne est devenue une forme de déchéance de la dignité. Que la modernité soit vécue comme une nouvelle oppression, qu’elle n’ait plus sa valeur protectrice, sa vertu créatrice, qu’elle plonge l’homme et la femme dans l’égarement d’un monde sans demeure, cela moi-même je ne l’aurais jamais imaginé. Ma culture, fondée sur les humanités, ne m’y a pas préparé. Personne ne pouvait concevoir que la confiance en l’avenir allait disparaître, que la peur de l’avenir nous projetterait dans la grotte du passé.
Et pourtant, le devenir se décline aujourd’hui sous la forme d’un revenir. Le revoilement des femmes traduit le mal-être de la condition humaine, hommes et femmes pris ensemble dans les mailles d’une société de plus en plus inhumaine, que la République ne réussit plus comme jadis à humaniser. Car le voile dit quelque chose sur l’homme en général, et pas seulement sur le musulman. Autant pour les voilées que pour les militantes du mouvement #MeToo, le voile rend visible le rempart puritain qui s’est désormais instauré entre l’homme et la femme, autrefois si joyeusement complices en liberté et en amitié. Le sexe masculin menace l’humanité, disent celles qui se croient ennemies. Mais les tristesses ascétiques du voile font pendant aux nouvelles sentences grondeuses des féministes. Aussi sont-elles plus proches l’une de l’autre qu’elles ne le croient.
Si on se contente d’interpréter le voile comme la cause de tout le mal, c’est que l’idéal républicain n’agit plus
En fait, nous voyons émerger des formes d’obscurantisme modernes contre lesquelles la laïcité ne nous protège plus, car elle ne peut se prévaloir comme jadis d’un progrès vertueux où l’avenir serait meilleur que le passé. La modernité enfante des dérèglements inhérents à l’autonomie, qui pousse si loin ses limites que chacun se choisit de nouvelles chaînes de dépendance. On a tellement voulu abolir les attachements qu’on les a ravivés. La permissivité absolue génère les tabous absolus, la liberté absolue l’esclavage absolu, la déliaison absolue la frénésie de liens absolus, etc. Comment légiférer contre le voile sans pénaliser du même coup toutes les exhibitions de soi, les extravagances horrifiques du moi, les déchéances de notre corps dans la société, les représentations dégradantes de la femme, les superstitions abusant la crédulité humaine (la voyance par exemple).
La République doit penser le voile comme un symptôme de son propre affaiblissement, la perte de sa culture humaniste, l’extinction de son inspiration morale et philosophique. Si on se contente d’interpréter le voile comme la cause de tout le mal, c’est que l’idéal républicain n’agit plus. Les raisons profondes de son atonie ne sont pas à chercher dans l’obscurantisme religieux, mais dans la valeur républicaine devenue obscure à soi, inintelligible, privée de sa lumière pédagogique. La République ne doit pas devenir une pratique attentatoire à la dignité humaine, ni se voiler la face devant le paysage dévoyé des libertés en général. Elle n’est pas une arme de conquête, mais un outil de pédagogie. C’est à elle de trouver un nouvel humanisme qui vienne à bout des superstitions d’une religion étrangère.
Les réveils archaïques sont des agents consubstantiels à la modernité
Un des principes fondateurs de la laïcité fut de séparer la sphère privée de la sphère publique, afin de mettre notre liberté de conscience (irréligieuse ou religieuse) à l’abri de la puissance étatique. La paix civile fut à ce prix. Mais désormais, cette frontière du public et du privé s’effondre sous le poids des revendications sexuelles, culturelles, religieuses, ethniques qui s’approprient l’espace commun et nous imposent la tyrannie de leurs voyantes gesticulations. Le fétichisme religieux musulman est un des avatars de la liberté qui donnent des pouvoirs exorbitants à nos existentialismes culturels, sous le principe inviolable et sacré de la liberté d’expression.
Le voile ne fait que suivre les nouvelles mœurs où triomphent les prédilections érotiques ou mystiques de chacun exacerbées par les médias. Il se prévaut non d’une tradition sacrée, mais d’une modernité sacrée, celle des droits particuliers dont l’engouement est d’exposer nos rites intimes au voyeurisme de tous. Les réveils archaïques sont des agents consubstantiels à la modernité. Ils sortent de sa fabrique obscure, qui a transformé nos désirs privés en idolâtries, nos libertés en potentats arrogants, et nos déraisons personnelles en raison publique. C’est la tâche de la pensée laïque d’élucider ces nouvelles libertés dépravées, comme dirait Rousseau, mais sans les persécuter.
Hélé Béji

Le Figaro, 20 octobre 2019

03 novembre 2019

L’oncle pilleur de Bachar al-Assad rattrapé par la justice française

Rifaat al-Assad

Détournements de fonds publics, fraude fiscale, travail clandestin et blanchiment du tout… C’est la liste des délits reprochés à Rifaat al-Assad, qui a accumulé un patrimoine immobilier astronomique dans le monde.

Affaires de biens mal acquis, variante proche-orientale. Il est ici question de Rifaat al-Assad, frère de l’ancien taulier du régime syrien, Hafez, et oncle de l’actuel potentat local, Bachar. Depuis un quart de siècle, il prospère à l’étranger dans l’espoir chimérique d’un retour au pays en grande pompe. Le réquisitoire signifié en mars par le Parquet national financier (PNF), prélude à un procès grand spectacle devant la justice française, lui reproche toute une série de délits plus prosaïquement financiers : détournements de fonds publics, fraude fiscale, travail clandestin et blanchiment du tout.
Le patrimoine immobilier accumulé à l’étranger par Rifaat al-Assad a de quoi affoler les compteurs : 100 millions d’euros en France, 600 millions en Espagne, et 40 petits millions au Royaume-Uni, où il réside officiellement. Sans préjudice de divers comptes bancaires logés à Gibraltar, Nicosie ou autres paradis financiers. Le milliard n’est pas loin, avec « un évident souci de dissimulation », souligne l’accusation : un holding faîtier au Luxembourg, dispatchant diverses propriétés immatriculées au Liechtenstein, au Panamá ou encore à Curaçao.

« Trésor »

Officiellement, il ne s’agirait que d’assurer le train de vie de sa famille très nombreuse en exil (quatre épouses, seize enfants), mais aussi quelques centaines de petites mains chargées de tout et de rien : « Il y avait des militaires, des conseillers, des médecins, des gardes, des jardiniers », a témoigné l’une d’entre elles. Rifaat al-Assad avait quitté la Syrie une première fois en 1984, après avoir tenté de prendre le trône de son frère, Hafez, alors malade. Avant de revenir au pays, puis de le quitter pour de bon en 1998, quand son neveu, Bachar, prendra définitivement la relève à sa place.
Deux anciens dignitaires du régime syrien ont donné aux enquêteurs français leur explication sur l’origine possible des fonds. Moustapha Tlass, ex-ministre de la Défense : « Ses gens à lui sortaient de la Syrie des biens culturels vers le Liban, puis l’Europe et les Etats-Unis. » Pour la fine bouche, il aurait aussi « fait du trafic de drogue, cocaïne et héroïne ». Il y a aussi le témoignage d’Abdel Halim Khaddam, ex-ministre des Affaires étrangères : « Il était connu pour le commerce des produits interdits en Syrie. Tout ce qu’il a accumulé provient de ses activités illégales et de la corruption. » Partie civile en sus de l’ONG Sherpa à la procédure hexagonale, le citoyen syrien Mohammed Hamido lui reproche de surcroît d’avoir emporté en son sous-sol particulier un « trésor remontant à l’époque romaine ». Et pour parfaire un peu plus le sombre tableau, l’accusation s’en remet également à un ancien espion en chef du dictateur roumain Nicolae Ceausescu, selon lequel Rifaat aurait été un « agent de renseignement agissant en contrepartie de fortes sommes d’argent ». N’en jetez plus.
En défense, Rifaat al-Assad dénonce des « accusations calomnieuses proférées par des opposants historiques » et se justifie de largesses « régulières, massives et continues » du prince puis roi d’Arabie Saoudite Abdallah ben Abdelaziz al-Saoud. Pour preuve, quelques donations financières ou immobilières, mais qui peinent à culminer jusqu’à 75 millions d’euros. « Très insuffisant pour convaincre du financement régulier du patrimoine accumulé », pointe benoîtement le réquisitoire du PNF. « Inversion arithmétique de la charge de la preuve », dénoncent en retour les nombreux avocats de la défense, Mes Grundler, Haïk et Cornut-Gentille.
Mais le PNF tique aussi sur ce qu’il pressent être un détournement de fonds publics : une subite inflation du budget de la présidence syrienne, de 30 à 60 millions habituellement, passant à 124 millions en 1984. Année de la première exfiltration de Rifaat à l’étranger, Hafez, quoique malade, restant au pouvoir. Et d’une tout aussi suspecte inflation d’importations libyennes, plus ou moins frelatées, sous prétexte pétrolier, la même année. Soupçons « corroborés », estime le parquet : bref, cette fois, c’est le régime syrien qui aurait engrossé Rifaat al-Assad en direct ! Indignation de la défense : la tenue d’une élection présidentielle à venir, la nécessité de changer l’approvisionnement énergétique (de l’Iran à la Libye) justifieraient ces flux suspects. « Et la livre syrienne n’était pas à l’époque convertible », que ce soit en euros ou en dollars, insiste, à raison sur ce point, Me Grundler.
Pont aérien
Un tribunal correctionnel français en fera prochainement son miel, nonobstant les bisbilles syrio-syriennes, en se raccrochant à de plus prosaïques considérations bancaires. Au départ, un factotum se rendait dans un coffre-fort dans les locaux parisiens de la Société générale, pour y retirer 200 000 euros par mois - en liquide, comme si de rien n’était - afin de payer les faux frais de la famille Al-Assad en exil. La banque aura longtemps laissé faire (jusqu’en 2006), avant de mettre enfin le holà. D’où un autre convoyage des fonds, de petites mains se dévouant pour le « transport manuel de numéraires depuis Gibraltar », euphémise le PNF. Un véritable pont aérien se met alors en place (pas plus de 9 500 euros par tête, pour éviter les saisies).
Laissons le dernier mot à Rajaa, première épouse de Rifaat al-Assad : « Chez nous, les femmes ne s’occupent pas des hommes. » Elle était pourtant présidente en titre du holding possédant les principaux biens immobiliers de la famille Al-Assad en exil parisien : « Si je devais signer des papiers, je le faisais. » Simple comme un coup de plume.


« Tout l’argent que je gagnais, je le donnais aux pauvres »
 
Du temps de sa splendeur, Rifaat al-Assad exposait ceci, à l’occasion d’un congrès du parti Baas, au tournant des années 80 : « Le chef désigne, le parti approuve et le peuple applaudit. Ainsi fonctionne le socialisme en Union soviétique. Celui qui n’applaudit pas va en Sibérie. Pour construire la paix et l’amour, nous sommes prêts à engager cent batailles, à détruire mille citadelles et à sacrifier des millions de martyrs. » Tout un programme qui aboutira finalement en 1982, alors qu’Al-Assad était chargé de la formation des militaires, au massacre de plusieurs milliers de Frères musulmans, insurgés à l’époque contre le régime en place. Le temps passant, l’oncle de Bachar al-Assad aura affiné son discours devant les enquêteurs français, au risque de frôler l’imposture : « Je veux un peuple plutôt que d’avoir une fortune. » Ou encore : « Tout l’argent que je gagnais, je le donnais aux pauvres »
En toute fin de procédure hexagonale, lors de son ultime audition en 2017, Rifaat al-Assad proclamait également : « Si je pouvais donner tous mes biens à l’Etat français, je le ferais. Cela commence à me poser un problème politique. […] Prenez tout, qu’on en finisse. » Cette noble déclaration est contredite par des écoutes téléphoniques, où l’un de ses gestionnaires de fortune lui faisait dire : « On vend tout et on achète à Londres, [en] France faut plus rien avoir. » Dans la dernière ligne droite de l’enquête pénale, sa défense fera état d’un certificat médical pointant des « troubles de fonctions cognitives et de mémoire » de Rifaat al-Assad, aujourd’hui âgé de 81 ans.

Renaud Lecadre,

Libération, le 2 avril 2019

01 novembre 2019

Al-Baghdadi, mort suspecte


Le sourire du mois
- novembre 2019

Élimination d'Al-Baghdadi : et s'il avait été victime du passage à l'heure d'hiver ?

J.C