Le ministre de l’intérieur et des cultes a partagé un
« iftar », repas de rupture du jeûne du Ramadan, mercredi
15 juin au soir, avec le Conseil français du culte musulman. Il a répondu
fermement à son président, et au-delà à l’ensemble des responsables musulmans,
qui rapprochent terrorisme et actes anti-musulmans.
« Je ne peux cautionner les discours qui font
du sentiment d’exclusion que l’on peut avoir une cause légitimant le
terrorisme. Rien, dans notre République, ne pourra jamais justifier que l’on
s’en prenne à ses enfants ». Invité par le Conseil français du culte
musulman à rompre le jeûne du Ramadan mercredi 15 juin au soir dans de
prestigieux salons parisiens, le ministre de l’intérieur et des cultes, Bernard
Cazeneuve a répondu très fermement à Anouar Kbibech, le président du CFCM qui
avait, juste avant lui, choisi de consacrer la deuxième moitié de son discours
à « la libération de la parole raciste et xénophobe, notamment contre
les musulmans et leurs pratiques religieuses ».
Au président du CFCM qui faisait valoir le souhait « des
enfants de la République de confession musulmane que la République les prenne
enfin dans ses bras », Bernard Cazeneuve a répondu : « Elle le
fait, elle s’emploie à le faire ! »
Ambiance grave
« Ceux qui restent à ses marges, quelle que
soit leur religion, ont vocation à être rattrapés par la République, par ses
principes, par ses institutions. La République ne peut être autre chose
qu’indivisible », a encore rappelé le ministre de l’intérieur. « La
République doit être ferme contre ceux qui oublient ses valeurs et ses
principes. Si je le dis aussi nettement, c’est parce que je sais que vous
partagez cette conviction ».
Alors que ces « iftars » sont généralement
synonymes de réjouissances et de convivialité, l’ambiance était grave, lourde
même. L’assassinat à l’arme blanche, dans la soirée du lundi 13 juin, à
son domicile de Magnanville, d’un couple de policiers par un homme se
revendiquant de l’État islamique, était dans tous les esprits.
Le président du CFCM a d’ailleurs choisi de faire
précéder son discours d’une minute de silence en mémoire de « toutes
les victimes du terrorisme », avant de réaffirmer que « les
musulmans de France condamnent avec la plus grande vigueur cet acte qui ne peut
se réclamer ni de l’islam ni de cette période du Ramadan ».
Appel solennel aux responsabilités
Très marqué, comme ministre de l’intérieur, par ce
meurtre contre des policiers « pourchassés jusque dans leur domicile et
assassinés devant leur enfant », Bernard Cazeneuve – comme ministre
des cultes – a saisi cette occasion pour en appeler plus solennellement que
d’habitude le CFCM à ses responsabilités.
Sortant pour partie de son texte initial, il a choisi
de répondre à tous ceux qui, dans leurs communiqués de presse, associent de
manière récurrente la condamnation très ferme des actes terroristes à la
demande d’une plus grande fermeté de l’État face aux actes anti-musulmans.
Tout en reconnaissant qu’il y a eu, ces dernières
années, « trop d’agressions contre des mosquées et des synagogues »,
le ministre de l’intérieur s’est félicité que les actes antimusulmans aient
diminué « de 40 % au cours des quatre premiers mois de l’année »
2016 par rapport à la même période de 2015. « Les actes antireligieux
les plus nombreux concernent les chrétiens en France, statistiquement, et cela,
aussi, doit être dit », a-t-il relevé au passage.
« Ceux qui trouvent des excuses
aux terroristes »
« Si j’entends que la République en fasse
toujours davantage, rien ne pourra jamais légitimer la violence terroriste.
Vous devez faire preuve de la même intransigeance à l’égard de ceux qui, sans
l’approuver, trouvent des excuses aux terroristes, et de tous ceux qui tirent
prétexte de la religion pour se soustraire aux règles de la République »,
a-t-il surtout asséné à l’ensemble des responsables des grandes fédérations
musulmanes de France.
Soulignant leur « responsabilité
historique », il les a appelés à lutter contre « l’obscurantisme,
le fanatisme, le rejet de l’autre », pour « l’égalité entre
hommes et femmes qui est au cœur de notre République », insistant sur
« les liens de la citoyenneté (qui sont) notre première
appartenance ».
Au titre des chantiers engagés avec « l’islam de
France », le ministre de l’intérieur a mentionné « le recrutement
d’imams dotés d’un haut niveau de connaissances théologiques et parlant notre
langue », sans préciser toutefois sa méthode… Et rappelé qu’à compter
de janvier 2017, l’ensemble des aumôniers en prison, à l’hôpital ou dans
l’armée devront suivre un diplôme universitaire sur la laïcité « pour
qu’il n’y ait plus ces prêcheurs de haine, au discours obscurantiste et que
l’on voit, sur les réseaux sociaux, tenir des propos choquants sur les femmes
ou la musique ».
Parole publique prudente
« Le contre-discours doit venir de ceux qui
sont, au cœur du pays, membres de cette communauté », a-t-il encore
lancé, tout en appelant la « parole publique » – politique
notamment – à se faire « prudente pour éviter de blesser et de
diviser davantage ».
« Les policiers qui protègent vos lieux de
culte sont dans un incommensurable chagrin », a-t-il conclu. « Ils
ont besoin de sentir la République autour d’eux. Plus ils sentiront les
Français de confession musulmane exprimer leur amour des institutions, plus ils
auront la force de surmonter cette épreuve ».
Anne-Bénédicte Hoffner,
"La Croix", 16 juin 2016
Nota de Jean Corcos :
Ayant personnellement assisté, à l'invitation du CFCM,
à cet "iftar", je peux attester du caractère tout à fait exhaustif de
ce compte-rendu.