Le désordre et le chaos sont installés en Tunisie. Les Tunisiens vivent depuis la Révolution du 14 janvier une série d’incidents tout aussi graves les uns que les autres. La liste de ces incidents n’est pas hélas exhaustive.
Une cinquantaine d'islamistes ont tenté ce dimanche, 26 juin 2011, d'empêcher par la force la projection à Tunis d'un film de la cinéaste franco-tunisienne Nadia El Fani, intitulé "Ni Allah, ni maître" qui parle de la place de la laïcité en Tunisie. Des manifestants, alliés au mouvement islamiste d’Ennahdha, ont scandé des slogans proclamant: "la Tunisie est un État islamique" ou "le peuple veut criminaliser la laïcité", avant de briser les portes en verre de la salle de cinéma AfricArt en plein centre de Tunis et de pénétrer à l'intérieur.
Le directeur de la salle, Habib Belhedi, a dit avoir été agressé "par deux barbus" qui l'ont saisi et lui ont aspergé le visage du contenu d'une bombe lacrymogène. Des témoins ont rapporté que des hommes armés avec de barres de fer et de bâtons ont fait irruption dans la salle. La police Tunisienne, qui leur a laissé la chance d’envahir le lieu, n’a fait aucune interpellation. Heureusement que la cinéaste n’était pas présente. Elle a dû rester en France, officiellement pour "des raisons médicales". "Nous ne voulons pas que la Tunisie soit un pays laïque " a crié un militant islamiste avec une longue barbe, au milieu de la salle du cinéma.
Depuis quelques semaines, les abus d’éléments se réclamant des mouvements islamistes, qu’il s’agisse d’Ennahdha ou du Hizb Ettahrir, à l’idéologie plus radicale, se multiplient et prennent des formes diverses, qui vont des agressions verbales en direction des femmes aux rituels de prière en pleine rue, jusqu’aux agressions physiques à l’encontre de leurs adversaires politiques et à l’occupation tapageuse des espaces publics. Les accusations d'implication du parti islamique Ennahdha dans les récentes agressions de citoyens - au nom de la religion et de l'application de la Charia islamique - se sont multipliées.
Le silence des dirigeants des partis islamistes, et notamment ceux d’Ennahdha, face à ces dépassements qui deviennent insupportables, et surtout leur peu d’empressement à les dénoncer de manière claire et sans ambiguïté, ont poussé la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) a monter au créneau pour dénoncer, dans un communiqué publié en avril dernier, les "agressions répétées" mettant en cause les croyances et les opinions des personnes et des groupes "en adoptant un discours religieux". Même si l’organisation de défense des droits de l’homme s’est gardée de nommer les partis dont des éléments incontrôlables sont les auteurs de ces "agressions", il ne fait aucun doute que ce sont les formations islamistes qui sont ciblées.
Pour avoir osé travailler sur la question laïque et titré son film «"Ni Allah ni maitre", l’artiste franco-tunisienne Nadia El Fani est devenue la cible de milliers d’obscurantistes qui en appellent sur le web à l’agression physique, voire au meurtre. Une quinzaine des réalisateurs ont rendu hommage aujourd’hui à son courage. Son film qui a été projeté à Cannes le 18 mai dernier lui vaut une campagne d’insultes et d’intimidations dans son pays. La cinéaste tunisienne Nadia El Fani découvre, comme le reste des tunisiens, la confiscation progressive de la libre parole et de l'opinion dans ce contexte post-révolutionnaire.
Les islamistes reprennent et diffusent impunément aujourd’hui sur Internet des caricatures et des insultes sur cette courageuse cinéaste franco-tunisienne. "Qu’il y ait des milliers de crachats sur elle ! " tapent frénétiquement les fanatiques qui déforment sa photo et la figurent en diable, en singe, en porc, en cadavre ou le crâne explosé.
La réalisatrice franco-tunisienne a déjà eu l’occasion de défrayer la chronique en Tunisie. En mai dernier, Nadia El Fani a déjà provoqué une polémique sans précédent en déclarant publiquement son athéisme sur la chaine privé "Hannibal TV", au cours de l’émission "Zoom ala thaqafa". Son interview sur cette chaine a mis le feu aux poudres. Cédant à la panique et à la pression des islamistes comme si l’intégrisme était roi, Hannibal TV, lâchement, diffuse dans ses programmes un bandeau où la chaine "se désolidarise des propos tenus contre l’Islam par Nadia El Fani". La journaliste qui a réalisé l’interview de la cinéaste est tout simplement licenciée !
Mais le plus douloureux, explique Nadia, "c’est le silence des partis politiques de gauche", alors même qu’ils se proclament les défenseurs de la jeune démocratie tunisienne. Un autre cinéaste, Nouri Bouzid, a déjà été victime d’agressions. Le chanteur de rap « Psyco.M », qui clame sa sympathie pour le mouvement islamiste Ennahda, hurle dans un de ses textes "Attaquons Nouri Bouzid à la kalachnikov !" » ...
Le cas de la cinéaste Nadia El Fani devient ainsi emblématique. Non seulement de la Tunisie est menacé par des obscurantistes, mais aussi il y a une banalisation de la violence islamique après la révolution du 14 janvier 2011. Des hommes et des femmes libres penseurs, sont aujourd’hui obligé de faire profil bas. La prolifération de l’intégrisme islamique inquiète surtout le monde de la culture.
Quelques heures à peine après l’attaque de salle de cinéma l’AfricArt, Zied Daoulatli, membre du bureau exécutif du parti islamiste d’Ennahdha, a déclaré, sur les colonnes du site Kapitalis, "Nous condamnons fermement cette violence et nous allons publier un communiqué en ce sens". Plus grave encore. Dans le même journal électronique, le dirigeant d’Ennahdha a précisé : «Nous avons des informations selon lesquelles des groupes d’extrémistes, dont beaucoup portent la barbe, préparent des actions comme celles d’aujourd’hui pendant l’été et durant Ramadan».
La tendance dessinée est sombre, très sombre en Tunisie post-révolutionnaire. Le pire reste donc encore à venir !
Ftouh Souhail ,
Tunis