Est-ce qu'il reste une révolution syrienne ? Eddy
Caekelberghs a posé la question à Yahia Hakoum. Ce militant syrien, arrivé en
Belgique en 2012, était l'invité de l'émission Au bout du Jour ce jeudi. Selon lui, en 2011,
"Il y a une défaite militaire de la révolution armée, mais une société
civile a émergé et beaucoup de gens qui ont changé leur attitude." Et
ce changement d'attitude concerne également la vision du peuple syrien
vis-à-vis d'Israël.
Depuis l'intervention russe en 2015, la révolution
syrienne s’essouffle. Aujourd'hui, les grands voisins sont occupés à
prendre leur place d'influence sur le territoire. La Turquie, l'Iran, mais
aussi Israël qui intervient notamment pour diminuer l'influence
iranienne. Sans devenir les amis d'Israël, les opposants au régime ciblent
leurs priorités, selon Yahia Hakoum. "Aujourd’hui, les premiers
ennemis des Syriens sont l'Iran et la Russie. Israël détruit des missiles
balistiques et bombarde des bases iraniennes. Ils le font dans l'intérêt
israélien, mais ça sert aussi les intérêts syriens."
L'armée dès 6 ans
Yahia Hakoum explique que, dès l'âge de 6 ans, les
écoles sont organisées comme des unités militaires baasistes. Le parti Baas
étant le parti qui est au pouvoir depuis 1963, et dont l'objectif est d'unifier
les différents états arabes en une seule et grande nation. L'école est alors
une unité, les classes sont des sous-unités et elles sont chacune divisées en
groupes militaires de 9 personnes. "Chaque matin, quand on arrive à
l’école, on doit faire le salut de l’entrée devant le drapeau, comme les
militaires, et on chante l’hymne national. Et puis on fait un serment. Le
serment lors duquel on demande aux enfants de s’engager à se préparer à
construire la société arabe unie et de la défendre." Tout cela dès
l'âge de 6 ans.
Formatés à être antisémites
Le salut militaire qui est appris aux élèves n'est
autre que le salut nazi. "C’est une des premières choses qu’on apprend
à l’école. Avant d’apprendre à lire et à écrire. À la fin du serment, on
fait le salut nazi. Le bras tendu comme les nazis. On a appris à le faire sans
savoir d’où ça venait." Les jeunes syriens seraient donc formés de
manière nazie ? "Oui. Il y a une idéalisation de la personnalité du président,
une idéalisation de la langue et de la nation arabe qu’on présente toujours
comme une nation supérieure aux autres (...). Finalement, on avait toute une
instrumentalisation du judaïsme et des juifs, parce que chez nous on mélange le
judaïsme comme religion, et le judaïsme comme culture et nation. A l’école, à
la mosquée, on considère que les Juifs sont la source du mal. C’est dans la
culture."
Un autre regard sur Israël
Un jour il faudra rebâtir la Syrie, notamment du
côté des idées. Selon Yahia Hakoum, l'état des esprit des Syriens aura
changé. "Aujourd’hui, du côté de l’opposition au régime, le regard
sur le conflit israélo-palestinien a un peu changé. On va être contre les
massacres israéliens, contre ce qu’il s’est passé par exemple à gaza le 14 mai.
Mais, en même temps on comprend que les Palestiniens ne peuvent plus nous
considérer comme des traîtres si on parle avec Israël, alors qu’eux sont
entrés en dialogue il y a longtemps. Aujourd’hui, ce n’est plus un combat
identitaire, c’est un combat de droit. Si Israël revient aux frontières de ’67,
le monde arabe fera la paix."
Lucie Hermant
Site de la RTBF (Belgique), le 17 mai 2018