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31 mars 2014

Après la haine, la fraternité



Introduction :

Silencieux ces dernières semaines sur mon blog, j'ai bien entendu continué de suivre l'actualité et en particulier celle de l'antisémitisme dans notre pays. Disons-le, la période me semble sinistre ... Certes, le CRIF a eu raison d'organiser une grande manifestation le 19 mars, date anniversaire du massacre de l'école juive de Toulouse ; et certes, la présence de personnalités politiques, de représentants des autres religions et de plusieurs intellectuels engagés faisait chaud au cœur. Mais cela ne suffit pas : la parole raciste et antisémite s'est libérée totalement en France, et il est temps, d'abord, de faire connaitre à tous cette haine lourde de menaces (deux agressions physiques violentes ont visé des Juifs à Paris pendant cette même période). Aussi cet appel, signé par plusieurs personnalités dans "Libération", mérite d'être largement partagé !

J.C

TRIBUNE

Une sourde dislocation menace la société française. Le constat nous coûte mais il s’impose : aujourd’hui, en France, on ne débat plus, on crache ; on ne s’oppose pas, on lynche ; on ne conteste pas, on conspue ; et ce qui était, hier, impensable est devenu, aujourd’hui, banal.

Dans la France de 2014, quand on manifeste en famille son désaccord avec la politique de la garde des Sceaux, on la traite de «guenon». Dans la France de 2014, un rassemblement prétendument organisé pour s’opposer au président de la République devient un raout antisémite, raciste et homophobe dans les rues de Paris où l’on scande «Juif, la France n’est pas à toi». Dans la France de 2014, la haine antijuive est à ce point populaire qu’elle est devenue une forme d’humour particulièrement rentable pour un prédicateur vénal qui se moque de la loi comme de ceux qu’il offre à la vindicte des rires gras.

Dans notre pays, il se trouve un certain nombre de personnes pour affirmer avec morgue que les juifs dirigeraient le monde, que les homosexuels mettraient la société en danger, que les Arabes ne seront jamais français et que les Noirs devraient préférer les arbres aux bancs de l’Assemblée nationale. Et il se trouve - hélas ! - un nombre plus grand encore de personnes suffisamment crédules, fragiles ou stupides pour le croire et le faire savoir, dans les rues et sur la Toile.

Que l’on ne s’y trompe pas : ce qui, à terme, est menacé, par le racisme, l’antisémitisme ou l’homophobie ce ne sont pas seulement les personnes d’origine immigrée, les juifs et les homosexuels, mais c’est la possibilité de vivre en république, c’est-à-dire la république elle-même.

A ceux qui ont proféré, diffusé, dit, laissé dire, mis en scène, organisé ou profité d’une telle immondice, nous voulons exprimer fermement et calmement que cela suffit ; qu’ils répondront de leurs actes et que pour notre part, nous répondrons par des mots. Le ressentiment ne peut pas être le seul sentiment qui relie entre eux des Français qui ne se sont jamais rencontrés. A trop céder aux oppositions artificielles, la défiance s’est installée et on en a oublié l’essentiel : la fierté et le bonheur de vivre ensemble. Si chacun considère son voisin ou son collègue comme une menace ou un ennemi, alors la France disparaîtra non pas tant dans ce qu’elle est mais dans ce qu’elle a pu incarner de plus beau ici et à travers le monde. Nous avons tous et toutes, à titre individuel, la responsabilité de construire la société dans laquelle nous voulons vivre.

Ceux qui ont hurlé doivent se taire ; ceux qui se sont tus doivent parler. En ces temps de haines rances, de clameurs incendiaires et de ressentiment généralisé, nous devons nous rassembler sous un seul mot, une seule bannière, un unique mot d’ordre, quels que soient notre origine, notre âge, notre orientation ou notre condition. Dans la France de 2014, il appartient à chacun d’entre nous de décider que le temps de la haine est révolu et que celui de la fraternité est venu.

Signataires : 
Yvan Attal, Josiane Balasko, Bérénice Bejo, Tahar Ben Jelloun, Pierre Bergé, Pascal Blanchard, Michel Boujenah, Patrick Bruel, Elie Chouraqui, Caroline Fourest, Michel Hazanavicius, Patrick Klugman, Pierre Lescure, Bernard-Henri Lévy, Jacques Martial, Yann Moix, Scholastique Mukasonga, Yannick Noah, Dominique Sopo, Eric Toledano.

Libération, le 18 mars 2014