Combattantes kurdes
Introduction :
Pour débuter ce "mois
de la Syrie", je commencerai par mettre le "zoom" sur les Kurdes
du pays. Une minorité importante, longtemps oubliée mais dont on a beaucoup
parlé ces derniers mois à l'occasion de leur résistance héroïque contre les
combattants du Daesh, dans la ville de Kobané d'où ils ont finalement repoussé
les Djihadistes.
Extrait ci-dessous de mon
article "L'enjeu kurde au Moyen-Orient", publié le 27 novembre 2014
sur le site "Temps et Contretemps".
A noter aussi mon émission spéciale sur le sujet : "Turquie, Kurdes, Syrie, la partie à trois" le 11 janvier dernier, où j'avais eu comme invitée Dorothée Schmid
J.C
L'Institut Français des
Relations Internationales (IFRI) m'avait invité à un séminaire passionnant le
13 novembre dernier : sur le thème "L'enjeu kurde au Moyen-Orient",
quatre experts nous ont dévoilé "le dessous des cartes" à propos d'une
actualité que j'imaginais moins complexe. (...).
Introduisant le débat,
Christophe Ayad, rédacteur en chef de l'International au journal "Le
Monde", devait resituer le réveil kurde dans une région où au moins deux
états nationaux sont en voie d'implosion : la Syrie et l'Irak. Dans ce dernier
pays, l'intervention américaine de 2003 a consolidé les zones kurdes, passées
d'une autonomie précaire à une autonomie de fait mais non encore tout à fait
consolidée car les contentieux avec les autres communautés du pays demeurent
(pétrole, territoires). En Syrie, et profitant de la guerre locale, le
mouvement autonomiste local a installé un "proto-état". Et en
Turquie, les autonomistes kurdes se sont engagés depuis 2012 dans un processus
de négociations avec le gouvernement Erdogan suite au cessez-le-feu. Or tout
ceci est remis en question par la fulgurante offensive de "l'Etat
Islamique" qui a débuté au printemps 2014, les Kurdes se retrouvant en
première ligne, bousculés par endroits, résistant ailleurs. (...)
Premier intervenant, Arthur
Quesnay, doctorant de l'Université Paris I, a fait plusieurs missions en Syrie,
à Alep et dans les zones kurdes. Il nous a révélé toute la complexité des
relations entre cette minorité, le pouvoir syrien et les différentes branches
de l'opposition armée.
Pendant des décennies, les Kurdes du pays - minorité
importante de 2 millions d'âmes - ont été à la fois réprimés par le régime (qui
privait de nationalité des centaines de milliers d'entre eux) et manipulés : le
"Parti des Travailleurs du Kurdistan" (PKK, organisation toujours
considérée comme terroriste) avait sa base arrière en Syrie, jusqu'à ce que la
Turquie à la fin des années 1990 menace son voisin d'une guerre, ce qui força à
leur abandon par le régime de Damas. S'en suivit une période de forte
répression, provoquant même des émeutes dans la ville de Kamishli en 2004.
Au
moment du début de la révolution, au printemps 2011, les Kurdes syriens furent
donc logiquement les premiers mobilisés, s'engageant dans l'opposition
démocratique mais pas sur une base communautaire : le régime réagit alors avec
une grande finesse pour diviser la rébellion, n'envoyant pas l'armée dans les
zones Nord à majorité kurde, proposant même - mais sans succès - des réformes.
Le régime abat alors sa carte maitresse, le PKK, ou plus précisément le parti
autonomiste "frère", le PYD. Et il lui sous-traite même carrément la
répression de la rébellion, ce que les groupes armés kurdes feront avec
d'autant moins de scrupules que, peu à peu, les éléments djihadistes -
meurtriers vis à vis des minorités -, prennent le dessus sur les autres
opposants. S'en est suivie une période trouble : les Kurdes syriens furent au
début divisés, mais au final l'avancée foudroyante du Daesh dans le désert du Nord-est
les força à se mettre d'accord ; aujourd'hui, la résistance de Kobané est
devenue un symbole pour tous les Kurdes, avec même l'envoi fin octobre d'un
petit contingent de "Peshmergas" venus d'Irak pour défendre la ville.
Jean Corcos