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04 mars 2015

La fiancée syrienne


J'ai découvert il y a seulement quelques semaines ce film bouleversant, programmé sur une des chaînes télé du réseau câblé. Sorti sur les écrans en 2004, "La Fiancée syrienne" est un film israélien par sa direction, israélo-arabe par sa thématique, et franco-germano-israélien au niveau de sa production. En plus - et c'est un exemple trop rare pour ne pas être salué - c'est aussi le fruit d'une coopération interconfessionnelle, car il a été écrit à quatre mains par Eran Riklis (né en 1954), et Suha Arraf, sa jeune compatriote arabe (née en 1969).


Mais laissons parler Eran Riklis qui présente son œuvre, couronnée dans de nombreux festivals en France, en Belgique, en Suisse et au Canada ...


"La fiancée syrienne est une tentative de construire, modestement, un film sur l'amour. L'amour de la liberté, l'amour de l'esprit de la liberté, l'amour pour les paysages qui nous entourent tous, qui que nous soyons. Un amour pour les femmes qui combattent pour leur place dans le monde, un amour pour les peuples qui rêvent et espèrent, ici, à travers les frontières, partout (...). C'est un film à la fois optimiste et pessimiste".


Tourné sur le plateau du Golan occupé par Israël depuis la Guerre des Six Jours, le film raconte ce qui aurait du être le plus beau jour de Mona, la "fiancée syrienne", une jeune fille druze habitant le village de Madjel Shams et que ses parents ont mariée à un artiste de variétés, vedette de la télévision de Damas et qu'elle n'avait jamais rencontré avant ... Ce sera en fait le pire jour de sa vie, car elle sait qu'une fois la frontière franchie, elle ne pourra plus jamais revenir ! Nous découvrons alors, au travers de son histoire, le poids des traditions (le fils renié car il a épousé une femme chrétienne), celui de la politique (le père de famille farouchement attaché à sa patrie d'origine), les dédales kafkaïens du passage d'une frontière entre deux pays en état de guerre (la gentille déléguée du C.I.C.R qui va et revient au travers de la zone gardée par les casques bleus, pour des malheureux tampons qui font problème) ; sans compter des personnages étrangers à ce lourd contexte politique et qui ont chacune ou chacun son agenda propre (l'autre fils, à la fois séducteur et magouilleur ; la sœur, malheureuse dans son couple, et qui ne rêve que d'aller étudier à Haïfa, chez "l'ennemi") ...


Bref, personne n'est tout blanc ou tout noir, et les personnages - joués avec une sincérité criante par des acteurs juifs et arabes - ne sont pas les figures d'un guignol imposé, comme celui que nous servent, hélas et trop souvent, les journaux télévisés, ou comme dans le cinéma dégoulinant de manichéisme à la Yves Boisset ...


Depuis quelques années, des films comme "Avanim" (les pierres), "Va, vis et deviens" ou "Et tu marcheras sur l'eau" sont venus imposer un cinéma israélien de qualité, surgissant miraculeusement après les dures années de l'Intifada. "La fiancée syrienne" lui apporte encore un supplément d'âme en choisissant - sans haine ni complaisance - "l'ennemi" comme héros d'une fiction.

J.C

Nota de Jean Corcos :
J'avais publié initialement cet article le 2 juillet 2007, mais j'ai jugé bien sûr qu'il était vraiment bienvenu pour ce "voyage imaginaire" en Syrie, même si le Golan est un territoire contesté avec Israël. 
A l'époque de la sortie du film (2004), la guerre civile n'avait pas commencé dans le pays, et donc le contexte politique a bien changé.
Le site du film, que j'avais mis en lien lors de l'édition de cet article a disparu. J'ai trouvé pour ce "Mois de la Syrie" la version intégrale du film, en français ... hélas, cette vidéo n'est plus accessible maintenant (8 avril 2015).
Je publie donc à la place l'air du film, qui est tout à fait envoûtant ...