Impossible de clôturer ce
"mois de la Syrie" tellement riche sans revenir à mon émission, dont
le blog est d'abord le support et le prolongement : ai-je suffisamment abordé
ce pays fascinant, et sur lequel je réalise, avec un peu de retard, qu'il y a
tellement de choses à apprendre ? Mes interviews ont-elles été à la mesure de
l'horrible guerre civile qui, en quatre ans, a causé la mort de plus de 210.000
personnes ?
J'ai donc examiné la liste
complète de mes émission que je tiens régulièrement à jour : 362 numéros de
"Rencontre" depuis mai 1997 et ... seulement neuf où la Syrie figure
dans le titre, c'est bien peu à première vue. Sur ces neuf émissions, cinq
depuis que la révolution a commencé en 2011, on peut donc dire que je me suis
sérieusement penché sur ce pays depuis que les choses ont enfin bougé là-bas,
où un régime totalitaire - associé à une diplomatie congelée - donnait une
impression d’Éternité, un peu comme les pays socialistes avant la chute du Mur
de Berlin !
Ceci explique donc cela, et si
j'ai peu évoqué la Syrie pendant longtemps, c'est que je pensais au fond que
rien ne bougerait, à l'image du Plateau du Golan qui fut la frontière la plus
calme d'Israël pendant 40 ans. Soyons un peu plus précis : il était très
difficile, avant la révolution, d'obtenir que des Syriens, ressortissants d'un
pays aussi hostile, viennent s'exprimer à mon micro, contrairement aux Égyptiens, Maghrébins ou même Libanais.
Qui donc en avait parlé
pendant les première années de ma série ?
- Joseph Bagdadi, juif
syrien réfugié en France, et par ailleurs ancien militant actif de la
libération de cette communauté alors qu'elle était prisonnière dans son propre
pays, était venu en octobre 1998, nous raconter, de façon bien émouvante, ses souvenirs
de jeunesse à Damas.
- Elisabeth Schemla, alors
rédactrice en chef du journal en ligne "Proche-Orient.info" - hélas
vite disparu -, avait été mon invitée en juillet 2003 pour parler de "La
Syrie à la croisée des chemins" : on essayait de réfléchir à l'évolution
possible du régime, après l'échec des négociations de 2000 avec Israël et alors
que le Liban commençait à remuer contre la tutelle de son puissant voisin.
- Connu grâce à cette
invitée, Chawki Freiha, lui-même libanais, maronite et qui fut le collaborateur
de ce journal, a évoqué régulièrement la Syrie lors de cinq émissions - 2006,
2007, 2008, 2009 et 2010 - où le sujet principal était son pays, le Liban (ces
numéros de "Rencontre" ne sont pas comptabilisés dans mon total
précédent). La politique intérieure libanaise et la nouvelle guerre avec Israël
étaient au centre de nos discussions. Mais comment oublier alors le pays
voisin, allié du Hezbollah et qui entreprit une campagne de terreur après avoir
du mettre fin à son occupation ? Je me souviens du leitmotiv de Chawki Freiha à
chaque fois que j'évoquais la possibilité "d'appâter" le régime de
Damas, en lui promettant contre avantages, de casser son alliance avec la
République Islamique d'Iran : "Bashar el Assad, il mange l'appât et il
pisse sur l'hameçon". Tout était dit. Et en voyant comment le même axe
chiite - Iran, Hezbollah - a été mis à contribution pour sauver le régime, on
comprend pourquoi c'était pure chimère que d'imaginer un renversement
d'alliances !
- Reçu une première fois sur
mon plateau alors qu'il portait le pseudo de "Farej Namer", opposant
en exil à Paris, j'ai fait entendre par cet invité et dès janvier 2004 la voix
des Kurdes de Syrie qu'il représentait : le sort de cette minorité, alors
durement opprimée, a ainsi été connue par mes auditeurs, alors qu'on n'en
parlait pas du tout dans les médias nationaux.
- En novembre 2009, Christian
Lochon est venu pour une émission dont le sujet était « Des Druzes aux
Alouites, minoritaires dans un Proche-Orient en conflit » (voir dans le
"mois de la Syrie" les articles des 12 et 13 mars).
La révolution syrienne a
débuté dans les premiers mois de 2011.
- "Libye, Syrie, les
limites de l'intervention occidentale", tel était le titre d'une émission
diffusée dès le mois de juin, dont l'invité était Jean-François Daguzan, actuel
directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique. Lorsque je me
souviens de ses propos, je me dis qu'il avait vu juste en prédisant une extrême
prudence occidentale, et la difficulté qu'il y aurait à renverser le régime.
- Revenant sur mon plateau
en mars 2012, mais cette fois avec le patronyme de Ferec Nemir, mon invité
kurde, actif dans les milieux soutenant la révolution, est venu parler au nom
d'un "Comité de Coordination nationale pour le changement
démocratique", composante marginale de l'opposition. Je me souviens dans
ses propos d'une certaine prudence, à la fois par rapport aux Islamistes qui
étaient en train de prendre le dessus dans l'opposition, et par rapport au
régime qu'il ne désespérait pas de le voir imploser de l'intérieur : hélas, il
n'en a rien été et Bashar el-Assad est toujours à la barre !
-
Autre figure de l'opposition, celle-là chrétienne de Syrie mais d'abord
militante laïque, Randa Kassis a été reçue quelques mois après, en octobre
2012. Deux choses me reviennent à l'esprit après cette entretien avec une
"passionaria" aussi belle qu'intelligente : d'abord, sa lucidité face
au régime soit disant "laïc" et qui avait su intelligemment utiliser
l'Islam pour canaliser les réfractaires ; et ensuite, une vraie crainte face au
chaos qui s'installait de plus en vite. Quelques deux ans plus tard, elle a
écrit un livre intitulé justement "Le chaos syrien", co-écrit avec
Alexandre Delvalle où elle s'inquiète, en priorité, des minorités chrétiennes
du Moyen-Orient qui subissent des massacres depuis l'apparition du Daesh (elle
a été reçue le 4 janvier pour parler de cet ouvrage dans le cadre de l'émission
"Trente minutes pour convaincre" de Gérard Akoun et Vladimir Spiro).
-
Historien, orientaliste et amoureux de la Syrie où il avait vécu, Jean-Pierre
Filiu a écrit un beau livre de témoignage, "Je vous écris d'Alep", où
il raconte ce qu'il a vu dans la ville martyre où il a passé quelques mois, entre
ruines et tirs de snipers : nous en avons parlé en janvier 2014.
-
Enfin, spécialiste de la Turquie, Dorothée Schmid que commencent à bien
connaitre mes auditeurs, est venue sur mon plateau en janvier 2015, avec comme
sujet : "Turquie, Syrie, Kurdes, la partie à trois" (voir aussi mon
article du 2 mars).
Merci à tous les lecteurs qui ont été à quelques uns de ces rendez-vous radiophoniques, et en espérant faire encore de belles émissions sur la Syrie !
Jean
Corcos.