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03 avril 2013

“Mon grand-père m’a dit que nous étions juifs et que nous devions quitter l’Egypte.” Pessah des temps modernes

Dinah Ovadia

Ce n’est pas la première fête de Pessah que le caporal Dinah Ovadia, autrefois appelée Roulin Abdallah, passe en Israël. Depuis plusieurs années, elle se réjouit de pouvoir passer les fêtes en terre promise. Mais pour en arriver là, elle a dû abandonner derrière elle des souvenirs douloureux de son enfance en Alexandrie afin de laisser place au présent.

Dinah n’a que 22 ans. La dernière fois qu’elle a vu sa confortable demeure en  Alexandrie elle n’était qu’une adolescente de 15 ans. De son ancien nom, Roulin Abdallah, elle passe désormais le plus clair de son temps à servir son pays, Israël, dans l’unité du Porte-parole de Tsahal.
“En classe, on m’a toujours regardé comme le petit vilain canard. Quelqu’un de différent. Les questions du type pourquoi je m’habille de cette façon ou encore pourquoi je parle avec tant de liberté à mes parents étaient monnaie courante,” dit-elle en hébreu riche avec une légère touche d’accent arabe sur sa langue.
“Je n’avais aucune appartenance religieuse. Ni au christianisme ni à l’islam. Je n’ai jamais su ce que j’étais vraiment. Mes parents n’étaient pas pratiquants alors j’ai supposé que j’étais chrétienne.”

Ni musulmane, ni chrétienne, ni juive

Dinah commence d’abord par chercher à comprendre son identité religieuse.
“Quand j’étais encore qu’une fillette, je fréquentais une école musulmane. En grandissant j’ai étudié le Coran. Il y avait une mosquée près de l’école où les élèves avaient l’habitude de prier. Etant curieuse, je suis allée à la mosquée avec eux. Cette initiative a déplu à mes parents et ils m’ont interdit de continuer… J’étais fâchée, je me disais qu’à cause d’eux je n’aurai jamais d’amis.”
Avec le temps, Dinah commence à réellement apprendre le Coran et à mémoriser des versets. Puis on exige d’elle qu’elle commence à mettre le voile mais elle refuse…car la petite fille qu’elle est ne trouve pas ce vêtement esthétique. Tous ces changements obligent ses parents à la placer dans une école chrétienne où elle se sent plus libre.

“Des salafistes armés sont entrés dans la maison et ont tiré sur les hommes”

Le tournant a lieu lors d’une journée comme les autres. Dinah étudie dans sa chambre pour son interrogation d’histoire. Son frère et son cousin jouent à l’étage. Sa mère, sa tante et sa sœur sont dans le salon. Soudain, des cris et le son d’éclats de verres viennent briser le calme.
“J’ai eu très peur. J’ai pensé que l’on nous en voulait parce que nous sommes différents.”
“Je suis allée dehors et là, j’ai vu cinq hommes masqués, des salafistes. Cinq hommes barbus en robe, munis de matraques et de fusils en bandoulière sur le dos. Ils ont brisé la porte d’entrée de la maison et ont exigé de voir les hommes de la famille. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Ils disaient que nous étions juifs.”
“D’habitude tout étranger est juif. Je pensais qu’ils se trompaient. Ils sont entrés dans la maison et ils ont jeté ma mère au sol lorsqu’elle a dit que les hommes n’étaient pas présents.”
“J’ai commencé à crier pensant qu’ils avaient tué ma mère. Deux des cinq hommes sont ensuite montés à l’étage et ont commencé à tirer des coups de feu en direction de mon frère et de mon cousin. Par miracle, personne n’a été blessé. Ils nous ont donné quelques jours pour partir.”
“Régulièrement ils faisaient des tours de voiture autour de la maison en tirant des coups de feu. Je pense que si cela devait se reproduire aujourd’hui, nous serions tous morts.” 

“Mon grand-père m’a dit que nous étions juifs et que nous devions vite quitter l’Egypte”

Quelques jours plus tard son grand-père rassemble sa famille et révèle la vérité.
“Il a expliqué pourquoi il nous a empêchés de pratiquer d’autres religions, nous a dit que nous étions Juifs et que nous devions vite quitter l’Egypte. Les enfants étaient excités, mais pas moi.”
“Je me suis mise à pleurer et j’ai été déçue par mon grand-père. Je lui ai dit que je ne voulais pas aller habiter dans un Etat de mauvaises personnes.”
“A l’école, j’ai toujours appris la haine des Juifs et des Israéliens. Durant la deuxième intifada  je me rappelle que je regardais la télé et je me disais que les Israéliens sont mauvais. Je suis même allée à des manifestations pro-palestiniennes. Je pleurais lorsque j’entendais des histoires comme celle d’Al-Dura.”
“Mon grand-père m’a répondu qu’ils ne sont pas mauvais et que nous devons comprendre que c’est ce qui arrive en temps de guerre. Mais pour moi les juifs étaient mauvais.”
Durant son dernier mois en Egypte, Dinah tente de comprendre où sont passé tous ses amis. “Une bonne amie, qui était également ma voisine m’a tourné le dos lorsqu’elle et sa famille ont appris que nous étions juifs. C’est à ce moment que les paroles de  mon grand-père ont pris leur sens. Malgré le fait que nous ayons grandi ensemble, la rumeur concernant mon appartenance religieuse m’a transformée en paria. Dans ma tête je savais que les Juifs étaient mauvais, mais moi, je savais que je n’avais rien fait, je ne pouvais donc pas être mauvaise.
“J’ai compris que l’Egypte n’était plus le bon endroit pour moi.”

La sortie d’Egypte

Loin d’être un jour de joie, sa sortie d’Egypte est teinté de tristesse à cause du refus de ses anciennes amis de lui adresser la parole.
Il y avait en moi, beaucoup de haine, et j’ai réalisé que je n’avait plus rien à faire ici. Mon oncle, que je croyais parti en France était en fait dans l’armée israélienne et nous attendait. Nous avons quitté notre domicile avec seulement quelques vêtements. J’ai vu mon amie, ma voisine, qui me regardait par sa fenêtre. Je pensais qu’elle viendrait me dire au-revoir. Au lieu de cela elle a claqué ses store d’un geste brusque.
“J’ai réalisé finalement que je n’étais plus à ma place, comme si c’était l’Egypte toute entière qui a fermé ses stores devant moi.”
Apres un long vol pour Istanbul, puis vers Tel Aviv, Dinah se retrouve subitement dans un pays qu’elle ne connait pas et qu’elle craint.
“J’ai eu peur, quel genre de personnes allaient nous accueillir ?”
Lorsque je suis descendue de l’avion, j’ai vu des gens sourire, mes oncles et le reste de ma famille m’attendaient. Je ne comprenais pas la langue, mais je me sentais heureuse, et quelque part le rejet de mes amis m’a donné la force, la force de changer. “
Jérusalem est devenue leur nouvelle maison et Dinah a commencé à étudier dans une école religieuse. Son intégration ne s’est pas faite sans obstacle.
“Un jour, j’étais dans le couloir de l’école et l’une des filles a dit : voilà l’arabe. Un accueille désagréable, mais j’ai connu pire”, admet-elle.

“Je voudrais retourner en Egypte avec l’uniforme de Tsahal”

Après avoir achevé sa scolarité et un premier travail au ministère des Affaires étrangères, Dinah commence son service militaire en tant que journaliste radio avant d’être ensuite mutée à la police militaire et d’intégrer finalement les rangs de l’unité du porte-parole de Tsahal.
Quand je suis arrivée et j’ai vu ce qu’allait être mon travail, j’ai été très heureuse. Montrer le vrai visage de l’armée israélienne, et dire la vérité au monde, c’est ce que je voulais. L’Opération Pilier de Défense a eu un énorme impact sur le public. Nous nous sommes battus pour dire la vérité. Depuis, nous recevons des commentaires et des messages du monde musulman, de l’Arabie saoudite et de l’Egypte.”
Aujourd’hui, Dinah s’occupe des nouveaux-médias en arabe de l’armée israélienne. Sima, sa sœur la rejoindra dans les mois qui suivent. Quant à son frère, il sert dans une unité d’élite de l’armée de l’air.
“Je voudrais retourner en Egypte en uniforme, pour leur montrer que nous ne sommes pas des tueurs, que nous ne sommes pas mauvais et que mon rôle et celui de mes camarades est de protéger notre maison, notre pays.”

Source : Tsahal.fr, le 27 mars 2013