Dorothée Schmid
Dimanche prochain, nous allons
retourner au Moyen-Orient, mais cette fois nous allons parler d'un pays qui est
revenu ces tous derniers jours au premier plan de l'actualité, je veux parler
de la Turquie. Il était en fait indispensable de le traiter à nouveau car cela
faisait des années que ma série, à force de suivre l'actualité des révolutions
arabes, n'avait pas parlé de ce grand pays musulman, et nous n'étions même pas
revenus sur la rupture de l'alliance avec Israël, décidée à Ankara suite à
l'abordage du "Mavi Marmara" le 31 mai 2010. En partant de l'idée
que, quelques soient les aléas des relations entre Ankara et Jérusalem, la
Turquie est une puissance incontournable de 75 millions d'habitants, jouant un
rôle stratégique entre l'Europe et le Proche Orient, et qu'il était donc bien
stupide de ne plus s'y intéresser, j'avais pris depuis un moment contact pour
une interview avec une des meilleures spécialistes du sujet, Madame Dorothée Schmid.
Dorothée Schmid est spécialiste des politiques européennes en Méditerranée et
au Moyen-Orient, et elle est chercheuse à l'Institut Français des Relations
Internationales. Elle y dirige le programme « Turquie contemporaine »
depuis 2008, et ses travaux portent sur les développements de la politique interne
en Turquie et sur les nouvelles ambitions diplomatiques turques. Elle est
l'auteur de plusieurs rapports, et elle a dirigé l'ouvrage collectif La Turquie au Moyen-Orient : une
puissance régionale ?, publié chez CNRS éditions en décembre
2011. Alors, depuis que nous avions pris ce rendez-vous, et bien il y a eu la
semaine dernière deux développements inattendus : d'abord le cessez-le-feu avec
les rebelles kurdes du P.K.K, puis l'annonce surprise des excuses israéliennes
réclamées par le Premier Ministre Erdogan et le début de la normalisation entre
les deux pays. Vu l'importance de notre sujet, nous allons enregistrer deux
émissions à la suite, la première que j'ai intitulée "La société turque,
entre fractures et modernité" traitera des enjeux internes à ce pays ; et
nous aborderons la diplomatie et la place de la Turquie au Moyen-Orient dans
une seconde émission.
Parmi les questions que je
poserai à Dorothée Schmid :
-
Cela fait maintenant un peu plus de 10 ans
que le parti A.K.P, initiales turques de "Parti pour la Justice et le
Développement", a accédé au pouvoir avec à l'époque 36 % des voix ;
premier test électoral 5 ans après en 2007, et là il obtient une majorité écrasante
avec 46 % des voix, laissant loin derrière les néo-kémalistes qui n'en ont
obtenu que 20 %. Rebelote en 2011, et là ils ont frôlé les 50 %. Comment
l'expliquez-vous ? Et à votre avis, sont-ils là pour rester très longtemps ?
-
Il y a eu une forme de décapitation de
l'armée par l'AKP au pouvoir, il y a eu la ténébreuse affaire dite de
l'Ergenekon, nom d'un présumé réseau criminel qui aurait été composé de
militants de l'extrême-droite mais ainsi de la gauche républicaine, d'officiers
de l'armée et de la gendarmerie, de magistrats, d'universitaires et de
journalistes, qui aurait programmé des attentats pour au final renverser les
islamistes au pouvoir : il y a eu des centaines d'arrestations depuis 2007, et
l'opposition du parti républicain accuse les islamistes d'avoir tout inventé
pour décapiter ceux qui résistent : les médias turcs conservent-ils
suffisamment d'indépendance pour enquêter de leur côté ? Et la société turque
est elle vraiment divisée par rapport à cette sombre affaire, ou bien passive
alors que des dizaines de journalistes sont en prison ?
-
Le succès électoral de l'AKP s'explique bien
sûr largement par les excellents résultats économiques du pays : vous l'expliquez comment ? Une bonne gestion ?
L'ouverture de nouveaux marchés avec le grand retour diplomatique dans le monde
arabe ? Et, question subsidiaire, les couches de la population qui se sont
enrichies, ne vont-elles pas se rapprocher du modèle occidental ? Ou alors au
contraire, ce sera le modèle du Golfe : consommation débridée et archaïsme des
mœurs en même temps ?
- Sur le traitement des minorités, et à propos d'une
enquête publiée justement par la "fondation Hrant Dink" au début du
mois de mars : les Juifs et les Arméniens sont exposés à des expressions de
haine d'avantage que tout autre groupe - ce compte-rendu a été établi par
un examen de 16 journaux et la recherche de mots-clefs dans 1000 journaux
locaux et nationaux supplémentaires qui ont été publiés entre septembre et
décembre 2012. Est-ce que, après la presque rupture avec Israël en 2010,
qui
semble avoir pris fin mais qui a beaucoup remonté une partie de l'opinion là-bas
-
il y a, à votre avis, un danger pour la petite communauté juive de Turquie ?
Comme vous le voyez, il s'agira d'une émission très riche
tant il y a de sujets à aborder ... et j'espère que vous serez nombreux au
rendez-vous !
J.C