Carmen
Weinstein, présidente de la minuscule communauté juive d'Égypte, a été
enterrée jeudi 18 avril. Un enterrement dans l'émotion, dans un cimetière en
déshérence, symbole d'une communauté "mourante" qui ne compte plus
que quelques dizaines de membres.
Ils
étaient plus d'une centaine de personnes, des juifs d’Égypte mais aussi de
l'étranger, ainsi que des amis chrétiens et musulmans de Carmen Weinstein, à
s’être d’abord rassemblées sous haute sécurité pour l'office religieux dans
l'enceinte de la synagogue Chaar Hachamayim, en plein centre-ville du Caire.
L'Égyptien
Amir Ramses, qui a réalisé un documentaire sur les juifs d'Égypte récemment
sorti en salles après avoir été bloqué par la Sécurité d'État, était également
présent.
«
L'Égypte a perdu une grande dame », a dit le rabbin Marc El-Fassi, qui vit en
France mais assure les offices en Égypte depuis neuf ans. « Avant chaque
prière, elle me disait « s'il te plaît, prie pour mon pays, l'Égypte, pour
qu'il soit heureux comme du temps de ma jeunesse"», a-t-il ajouté avec
émotion.
Durant
sa vie, Carmen Weinstein avait inlassablement œuvré à la préservation du
patrimoine juif égyptien, présidant notamment à la restauration de la grande
synagogue du centre-ville de la capitale.
"La
religion est pour Dieu et la patrie pour tous"
Au
Caire et à Alexandrie, il ne reste que quelques dizaines de juifs, en grande
majorité des dames très âgées. Un chiffre qui contraste avec les quelque 80 000
juifs présents sur le territoire au début des années 1950, avant le grand exil
forcé de l'ère Nasser.
Magda
Haroun, qui a été élue pour succéder à l’octogénaire défunte, a promis aux
membres de sa communauté de « s'occuper d'eux ». « Je promets autant que
possible de préserver le patrimoine des juifs d'Égypte pour que nous le
remettions au peuple égyptien, car il lui appartient », a-t-elle dit à la
synagogue.
«
J'aimerais donner une vision de ce que sera l'avenir d'une communauté
malheureusement mourante : je veux briser les barrières qui ont été érigées
entre les gens de cette religion et les gens d'autres confessions », a-t-elle
ajouté.
«
Je veux que tout le monde se souvienne que des Égyptiens juifs vivaient en
Égypte, qu'ils ont participé à tous les aspects de la vie. La religion est pour
Dieu et la patrie pour tous », a-t-elle lancé.
Yaakov
Amitai, ambassadeur d'Israël au Caire, a salué en arabe la « loyauté » de
Carmen Weinstein envers la communauté juive « dans des conditions très
difficiles ».
Cimetière
délabré
Carmen
Weinstein a ensuite été mise en terre dans le cimetière juif de Bassatine,
situé dans une banlieue pauvre du Caire. Elle n'a pas pu être enterrée aux
côtés de ses parents comme elle le souhaitait selon ses proches, le carré
familial se trouvant dans une partie du cimetière envahie par l'eau des égouts
et les déchets.
La
grande majorité des pierres tombales en marbre ont été volées. Des chiens
errent entre les tombes et des bouteilles en plastique et de vieilles
chaussures jonchent le sol.
«
Voyez dans quelle humiliation, dans quelle saleté nous allons être enterrés »,
a dit Mme Haroun à la presse. Mais « que faire ? Il faut d'abord développer la
région autour, accorder une vie décente à ceux qui vivent dans des bidonvilles
pour qu'ils préservent ce qui les entoure », a-t-elle ajouté.
«
Il y avait une porte en métal (à l'une des entrées), elle a été volée », dit
Roger Bilboul, de l'association juive Nébi Daniel, qui a quitté l'Égypte il y a
plus de 50 ans et est revenu de France pour les obsèques. « C'est triste »,
ajoute-t-il en balayant du regard ce spectacle de désolation.
Mais
« notre héritage va au-delà des bâtiments, des cimetières, des objets. Il
capture l'histoire et l'identité de gens parsemés aux quatre coins du monde »,
avait-il plus tôt affirmé à la synagogue.
Jeune
Afrique ,19 avril 2013
(Avec AFP)
(Avec AFP)