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23 avril 2013

La "mourante" communauté juive d'Egypte pleure le décès de sa présidente, Carmen Weinstein


Carmen Weinstein,  présidente de la minuscule communauté juive d'Égypte, a été enterrée jeudi 18 avril. Un enterrement dans l'émotion, dans un cimetière en déshérence, symbole d'une communauté "mourante" qui ne compte plus que quelques dizaines de membres.
Ils étaient plus d'une centaine de personnes, des juifs d’Égypte mais aussi de l'étranger, ainsi que des amis chrétiens et musulmans de Carmen Weinstein, à s’être d’abord rassemblées sous haute sécurité pour l'office religieux dans l'enceinte de la synagogue Chaar Hachamayim, en plein centre-ville du Caire.
L'Égyptien Amir Ramses, qui a réalisé un documentaire sur les juifs d'Égypte récemment sorti en salles après avoir été bloqué par la Sécurité d'État, était également présent.
« L'Égypte a perdu une grande dame », a dit le rabbin Marc El-Fassi, qui vit en France mais assure les offices en Égypte depuis neuf ans. « Avant chaque prière, elle me disait « s'il te plaît, prie pour mon pays, l'Égypte, pour qu'il soit heureux comme du temps de ma jeunesse"», a-t-il ajouté avec émotion.
Durant sa vie, Carmen Weinstein avait inlassablement œuvré à la préservation du patrimoine juif égyptien, présidant notamment à la restauration de la grande synagogue du centre-ville de la capitale.

"La religion est pour Dieu et la patrie pour tous"

Au Caire et à Alexandrie, il ne reste que quelques dizaines de juifs, en grande majorité des dames très âgées. Un chiffre qui contraste avec les quelque 80 000 juifs présents sur le territoire au début des années 1950, avant le grand exil forcé de l'ère Nasser.
Magda Haroun, qui a été élue pour succéder à l’octogénaire défunte, a promis aux membres de sa communauté de « s'occuper d'eux ». « Je promets autant que possible de préserver le patrimoine des juifs d'Égypte pour que nous le remettions au peuple égyptien, car il lui appartient », a-t-elle dit à la synagogue.
« J'aimerais donner une vision de ce que sera l'avenir d'une communauté malheureusement mourante : je veux briser les barrières qui ont été érigées entre les gens de cette religion et les gens d'autres confessions », a-t-elle ajouté.
« Je veux que tout le monde se souvienne que des Égyptiens juifs vivaient en Égypte, qu'ils ont participé à tous les aspects de la vie. La religion est pour Dieu et la patrie pour tous », a-t-elle lancé.
Yaakov Amitai, ambassadeur d'Israël au Caire, a salué en arabe la « loyauté » de Carmen Weinstein envers la communauté juive « dans des conditions très difficiles ».

Cimetière délabré

Carmen Weinstein a ensuite été mise en terre dans le cimetière juif de Bassatine, situé dans une banlieue pauvre du Caire. Elle n'a pas pu être enterrée aux côtés de ses parents comme elle le souhaitait selon ses proches, le carré familial se trouvant dans une partie du cimetière envahie par l'eau des égouts et les déchets.
La grande majorité des pierres tombales en marbre ont été volées. Des chiens errent entre les tombes et des bouteilles en plastique et de vieilles chaussures jonchent le sol.
« Voyez dans quelle humiliation, dans quelle saleté nous allons être enterrés », a dit Mme Haroun à la presse. Mais « que faire ? Il faut d'abord développer la région autour, accorder une vie décente à ceux qui vivent dans des bidonvilles pour qu'ils préservent ce qui les entoure », a-t-elle ajouté.
« Il y avait une porte en métal (à l'une des entrées), elle a été volée », dit Roger Bilboul, de l'association juive Nébi Daniel, qui a quitté l'Égypte il y a plus de 50 ans et est revenu de France pour les obsèques. « C'est triste », ajoute-t-il en balayant du regard ce spectacle de désolation.
Mais « notre héritage va au-delà des bâtiments, des cimetières, des objets. Il capture l'histoire et l'identité de gens parsemés aux quatre coins du monde », avait-il plus tôt affirmé à la synagogue.

Jeune Afrique ,19 avril 2013
 (Avec AFP)