Introduction :
J'ai
déjà eu le plaisir de publier, à plusieurs reprises, des articles de mon amie
Chaimae Bouazzaoui, jeune journaliste marocaine vivant à Tunis. Elle a assisté
à un grand forum international, à la fin du mois de mars, et à plusieurs
conférences intéressantes. Je publie aujourd'hui cet article sur un sujet
totalement oublié des grands médias : le contentieux entre le Maroc et
l'Algérie sur le Sahara Occidental.
J.C
Le dossier des Marocains
victimes d’expulsion d’Algérie est de retour. Le Forum social mondial (FSM),
tenu à Tunis, du 26 au 30 mars 2013 a mis le point sur cette question, vendredi
29 du même mois. Témoignages
«Je suis une victime
marocaine de cette expulsion arbitraire qui a eu lieu juste après l’annonce de
la marche verte par Feu Hassan II. J’avais à cette époque là l’âge de 12 ans.
J’étais séparée de ma mère parce qu’elle est Algérienne alors que mon père est
un Marocain. J’ai passé 5 ans privée de ma mère. On a vécu dans des conditions
déplorables sous des tentes pendant plusieurs années. Je ne sais même pas ce
que j’ai fait pour arriver à ce stade et devenir enseignante parce que je
vivais dans des conditions vraiment lamentables. Je vivais dans des associations
de bienfaisance etc.», nous a raconté Houaria Akbir, victime marocaine de mère
algérienne, d’expulsion de l'Algérie qui a eu lieu en 1975.
La diaspora marocaine
installée en Algérie, composée de 45.000 familles, a été forcée, par les
autorités algériennes, d’effectuer un déplacement collectif vers le Maroc, et
ce, suite à l'annexion du Sahara par le Maroc. Il s’agit, en effet, d’un total
de 500.000 personnes, vivant à l'époque en Algérie. Cette expulsion, connue
également sous le nom de « La marche noire » pour renvoyer à la
Marche verte, a été lancée le 18 décembre 1975 par
l’ex-président algérien Houari Boumediene, afin d'expulser en 48 heures
ces 500 000 personnes dont plusieurs ont contribué à l’indépendance de
l’Algérie.
«Nous avons contribué
pourtant à l’indépendance des Algériens parce que mon père était militaire et
travaillait avec les militaires algériens, et par la suite, après ce problème
de Sahara marocain, on a été expulsés d’Algérie sous prétexte que nous avons
été des immigrés clandestins alors que nous avions normalement des cartes
séjour. Nous avons nos parents qui sont nés là-bas. 45 000 familles ont vécu la
même situation», a ajouté Houaria Akbir, victime de l’expulsion d’Algérie.
La société civile réagit
Plusieurs associations ont
été présentes, à cette occasion, et dont "l'Association des Marocains
victimes d'expulsion arbitraire d'Algérie" (ADMEA) et "l’Association
des artistes Sahraouis au Maroc", pour décrire, dans l’atelier organisé
par l’occasion, la situation dérisoire dans laquelle les Marocains d’Algérie
vivaient. La question du Polisario était au menu.
«Je participe à ce forum en
tant que membre de la délégation marocaine. Mon frère l’artiste Najm Allal vit
actuellement dans les camps de Tindouf. Ce fut un artiste révolutionnaire
servant le Polisario. Quand il a découvert les dépassements et les erreurs
commises par le Polisario, il a modifié son approche. Il a diffusé plusieurs
vidéos sur les actes non humanitaires menés à l’encontre du citoyen sahraoui.
Il l’a payé très cher. Il a été accusé de traitrise et il a été agressé. Ils
ont cassé ses dents. On l’a kidnappé quand il a essayé de rencontrer M
Christopher Ross. Il continue à se révolter dans les camps de Tindouf en dépit
des coups qu’il a reçus», nous a affirmé Bachir Rguibi, président de "l’Association
des artistes Sahraouis au Maroc" et président de "l’organisation
internationale de la protection des artistes".
D’autres acteurs de la
société civile ont décidé d’adhérer à cette action pour soutenir la cause de
ces victimes. Il s’agit de la Ligue marocaine pour la Défense des droits de
l'Homme (LMDDH) qui a rejoint officiellement la cause des Marocains expulsés
d'Algérie. La participation audit atelier leur a été un micro inéluctable.
Des «conflits oubliés»
«Les femmes sahraouis qui sont d’origine marocaine
vivant dans les camps de Tindouf pendant plus de 40 ans ne bénéficient d’aucune
protection de leurs droits. C’est un dossier qui est tout à fait scandaleux
parce que pendant ces 40 ans, ces personnes ont été placées par les Nations
Unis sous le statut des réfugiés. En tant que réfugiées elles bénéficient d’un
certain nombre de droits dans le pays d’accueil, en application de la
convention de Genève de 1951. Or pour cette population, malgré la ratification,
il n y a aucune mise en application», nous a fait savoir Naima Korchi, juriste
internationale maroco-française à l’Agence des Etats Unis pour les réfugiés,
spécialiste de droit international humanitaire
A titre d’exemple, l’un des
droits fondamentaux des réfugiés est le droit de retourner à son pays s’il le
souhaite mais aussi la liberté de circulation et la liberté et d’opinion, comme
c’est le cas pour les immigrants dans les pays d’accueil. «Or, ces immigrants
là ne sont pas autorisés de retourner au Maroc même s’il le souhaitent. Les
enfants sont séparés des parents. C’est une violation grave de la convention
des droits de l’enfant et du principe même de l’unité familiale qui est un
droit fondamental déclaré dans la charte des Nations Unis», ajoute Naima Korchi, qui a également collaboré avec
le Haut commissariat pour les réfugiés au Sahara (HCR).
Des solutions ?
Le conflit du Sahara s’avère
l’obstacle de toute tentative d’évolution au Maghreb arabe. Changer la
situation est désormais une urgence. Des solutions s’offrent à la vue pour
résoudre les problèmes rencontrés en interne, entre le Maroc et le Polisario et
en externe entre le Maroc et l’Algérie. D’abord, en interne la régionalisation
avancée, appelée également une "régionalisation élargie", s’avère une
solution judicieuse qui permettrait de faire face aux problèmes identitaires et
sociaux. Ce projet était à la base proposé avec le plan d’autonomie au Sahara.
«Comme le référendum n’a pas
fonctionné. Les Nations Unis ont demandé aux parties : Maroc et Front
Polisario de proposer une solution politique. De ce fait, le Maroc a proposé en
2007, un plan d’autonomie. Il va permettre, aux tribus sahraouis, avec le
projet de la régionalisation avancée d’avoir une meilleure implication dans le
domaine de l’éducation, la culture… tout en gardant les domaines spécifiques
attachés à Rabat. Pour moi, c’est une décentralisation qui va mettre fin à ce
conflit. Elle va permettre d’assurer une meilleure stabilité du Royaume», a
précisé Naima Korchi.
Quant au lien Maroc/Algérie, ce serait
dommage que l'annexion d’une partie du Sahara par
le Maroc,
soit un point de départ de la rupture des relations diplomatiques entre
l'Algérie et le Maroc voire la diabolisation des relations entre les deux pays
à travers les discours politiques de la propagande. Expulsion des Marocains de
l’Algérie, incitations aux conflits sur le territoire marocain uni et fermeture
des frontières entre les deux pays, telles sont les principales conséquences de
cette rupture sur l’avenir de ces pays ainsi que sur ses peuples.
«Il faut chercher des nouvelles formes de
gouvernance dans le monde arabe pour mettre fin à ces conflits oubliés dans les
pays du Maghreb qui ont connu ce qu’on appelle «la révolution et le printemps
arabe». Il faut chercher des solutions pour avancer et pour qu’il y ait une
démocratie et une gouvernance. En tant que Marocaine, je pense que la
régionalisation qui est entrain de se mettre en place au Maroc se présente
comme une solution possible pour résoudre à la fois le conflit du Sahara et le
conflit existant entre les deux pays. Cette forme de gouvernance va permettre
de respecter les droits des populations locales et en même temps de garantir
l’unité du pays. C’est un principe qui va permettre de garantir les droits
socioculturels comme par exemple la garantie d’une meilleure pratique de
l’Amazigh tout en assurant l’unité et l’intégrité du pays», a conclu la juriste.
Chaimae Bouazzaoui,
Tunis, 13 avril 2013