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25 avril 2013

Expulsions algériennes


Introduction :

J'ai déjà eu le plaisir de publier, à plusieurs reprises, des articles de mon amie Chaimae Bouazzaoui, jeune journaliste marocaine vivant à Tunis. Elle a assisté à un grand forum international, à la fin du mois de mars, et à plusieurs conférences intéressantes. Je publie aujourd'hui cet article sur un sujet totalement oublié des grands médias : le contentieux entre le Maroc et l'Algérie sur le Sahara Occidental.

J.C

Le dossier des Marocains victimes d’expulsion d’Algérie est de retour. Le Forum social mondial (FSM), tenu à Tunis, du 26 au 30 mars 2013 a mis le point sur cette question, vendredi 29 du même mois. Témoignages

«Je suis une victime marocaine de cette expulsion arbitraire qui a eu lieu juste après l’annonce de la marche verte par Feu Hassan II. J’avais à cette époque là l’âge de 12 ans. J’étais séparée de ma mère parce qu’elle est Algérienne alors que mon père est un Marocain. J’ai passé 5 ans privée de ma mère. On a vécu dans des conditions déplorables sous des tentes pendant plusieurs années. Je ne sais même pas ce que j’ai fait pour arriver à ce stade et devenir enseignante parce que je vivais dans des conditions vraiment lamentables. Je vivais dans des associations de bienfaisance etc.», nous a raconté Houaria Akbir, victime marocaine de mère algérienne, d’expulsion de l'Algérie qui a eu lieu en 1975.
La diaspora marocaine installée en Algérie, composée de 45.000 familles, a été forcée, par les autorités algériennes, d’effectuer un déplacement collectif vers le Maroc, et ce, suite à l'annexion du Sahara par le Maroc. Il s’agit, en effet, d’un total de 500.000 personnes, vivant à l'époque en Algérie. Cette expulsion, connue également sous le nom de « La marche noire » pour renvoyer à la Marche verte, a été lancée le 18 décembre 1975 par l’ex-président algérien Houari Boumediene, afin d'expulser en 48 heures ces 500 000 personnes dont plusieurs ont contribué à l’indépendance de l’Algérie.
«Nous avons contribué pourtant à l’indépendance des Algériens parce que mon père était militaire et travaillait avec les militaires algériens, et par la suite, après ce problème de Sahara marocain, on a été expulsés d’Algérie sous prétexte que nous avons été des immigrés clandestins alors que nous avions normalement des cartes séjour. Nous avons nos parents qui sont nés là-bas. 45 000 familles ont vécu la même situation», a ajouté Houaria Akbir, victime de l’expulsion d’Algérie.

La société civile réagit

Plusieurs associations ont été présentes, à cette occasion, et dont "l'Association des Marocains victimes d'expulsion arbitraire d'Algérie" (ADMEA) et "l’Association des artistes Sahraouis au Maroc", pour décrire, dans l’atelier organisé par l’occasion, la situation dérisoire dans laquelle les Marocains d’Algérie vivaient. La question du Polisario était au menu.
«Je participe à ce forum en tant que membre de la délégation marocaine. Mon frère l’artiste Najm Allal vit actuellement dans les camps de Tindouf. Ce fut un artiste révolutionnaire servant le Polisario. Quand il a découvert les dépassements et les erreurs commises par le Polisario, il a modifié son approche. Il a diffusé plusieurs vidéos sur les actes non humanitaires menés à l’encontre du citoyen sahraoui. Il l’a payé très cher. Il a été accusé de traitrise et il a été agressé. Ils ont cassé ses dents. On l’a kidnappé quand il a essayé de rencontrer M Christopher Ross. Il continue à se révolter dans les camps de Tindouf en dépit des coups qu’il a reçus», nous a affirmé Bachir Rguibi, président de "l’Association des artistes Sahraouis au Maroc" et président de "l’organisation internationale de la protection des artistes".
D’autres acteurs de la société civile ont décidé d’adhérer à cette action pour soutenir la cause de ces victimes. Il s’agit de la Ligue marocaine pour la Défense des droits de l'Homme (LMDDH) qui a rejoint officiellement la cause des Marocains expulsés d'Algérie. La participation audit atelier leur a été un micro inéluctable.

Des «conflits oubliés»

 «Les femmes sahraouis qui sont d’origine marocaine vivant dans les camps de Tindouf pendant plus de 40 ans ne bénéficient d’aucune protection de leurs droits. C’est un dossier qui est tout à fait scandaleux parce que pendant ces 40 ans, ces personnes ont été placées par les Nations Unis sous le statut des réfugiés. En tant que réfugiées elles bénéficient d’un certain nombre de droits dans le pays d’accueil, en application de la convention de Genève de 1951. Or pour cette population, malgré la ratification, il n y a aucune mise en application», nous a fait savoir Naima Korchi, juriste internationale maroco-française à l’Agence des Etats Unis pour les réfugiés, spécialiste de droit international humanitaire
A titre d’exemple, l’un des droits fondamentaux des réfugiés est le droit de retourner à son pays s’il le souhaite mais aussi la liberté de circulation et la liberté et d’opinion, comme c’est le cas pour les immigrants dans les pays d’accueil. «Or, ces immigrants là ne sont pas autorisés de retourner au Maroc même s’il le souhaitent. Les enfants sont séparés des parents. C’est une violation grave de la convention des droits de l’enfant et du principe même de l’unité familiale qui est un droit fondamental déclaré dans la charte des Nations Unis», ajoute  Naima Korchi, qui a également collaboré avec le Haut commissariat pour les réfugiés au Sahara (HCR).

Des solutions ?

Le conflit du Sahara s’avère l’obstacle de toute tentative d’évolution au Maghreb arabe. Changer la situation est désormais une urgence. Des solutions s’offrent à la vue pour résoudre les problèmes rencontrés en interne, entre le Maroc et le Polisario et en externe entre le Maroc et l’Algérie. D’abord, en interne la régionalisation avancée, appelée également une "régionalisation élargie", s’avère une solution judicieuse qui permettrait de faire face aux problèmes identitaires et sociaux. Ce projet était à la base proposé avec le plan d’autonomie au Sahara.
«Comme le référendum n’a pas fonctionné. Les Nations Unis ont demandé aux parties : Maroc et Front Polisario de proposer une solution politique. De ce fait, le Maroc a proposé en 2007, un plan d’autonomie. Il va permettre, aux tribus sahraouis, avec le projet de la régionalisation avancée d’avoir une meilleure implication dans le domaine de l’éducation, la culture… tout en gardant les domaines spécifiques attachés à Rabat. Pour moi, c’est une décentralisation qui va mettre fin à ce conflit. Elle va permettre d’assurer une meilleure stabilité du Royaume», a précisé Naima Korchi.
Quant au lien Maroc/Algérie, ce serait dommage que l'annexion d’une partie du Sahara par le Maroc, soit un point de départ de la rupture des relations diplomatiques entre l'Algérie et le Maroc voire la diabolisation des relations entre les deux pays à travers les discours politiques de la propagande. Expulsion des Marocains de l’Algérie, incitations aux conflits sur le territoire marocain uni et fermeture des frontières entre les deux pays, telles sont les principales conséquences de cette rupture sur l’avenir de ces pays ainsi que sur ses peuples.

 «Il faut chercher des nouvelles formes de gouvernance dans le monde arabe pour mettre fin à ces conflits oubliés dans les pays du Maghreb qui ont connu ce qu’on appelle «la révolution et le printemps arabe». Il faut chercher des solutions pour avancer et pour qu’il y ait une démocratie et une gouvernance. En tant que Marocaine, je pense que la régionalisation qui est entrain de se mettre en place au Maroc se présente comme une solution possible pour résoudre à la fois le conflit du Sahara et le conflit existant entre les deux pays. Cette forme de gouvernance va permettre de respecter les droits des populations locales et en même temps de garantir l’unité du pays. C’est un principe qui va permettre de garantir les droits socioculturels comme par exemple la garantie d’une meilleure pratique de l’Amazigh tout en assurant l’unité et l’intégrité du pays», a conclu la juriste.

Chaimae Bouazzaoui,

Tunis, 13 avril 2013