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04 février 2013

Tunisie, la danse comme arme de résistance




Danser dans les rues de Tunis : c'est ainsi que le collectif de jeunes artistes, Art Solution, a choisi de défendre la liberté d'expression face aux salafistes qui prônent un islam rigoriste.
Le collectif tunisien "Art Solution" lance une nouvelle forme de résistance : la danse... 
La Tunisie est, historiquement, le pays le plus avancé dans le monde arabe en matière de laïcité. Mais depuis la chute de Ben Ali [14 janvier 2011] et la victoire des islamistes aux premières élections libres du pays [23 octobre 2011], l'influence des salafistes ne cesse de grandir. Ces tenants d'un islam rigoriste étaient impliqués ces derniers mois dans plusieurs incidents violents, affirmant vouloir "défendre" la religion et la morale.
En septembre dernier, par exemple, après la diffusion sur Internet d'un film antimusulman réalisé en Californie, ils ont attaqué l'ambassade des Etats-Unis à Tunis [14 septembre 2012]. Les violences avaient fait quatre morts. Sur le front culturel, les salafistes mènent une bataille sans répit, attaquant tout ce qu'ils jugent "offensant" pour la foi, dont salles de cinéma, bars, théâtre...
Face à cette situation, de plus en plus de Tunisiens se mobilisent pour exprimer leur exaspération à l'encontre de ces islamistes radicaux. Parmi eux, un collectif de jeunes artistes, baptisé "Art Solution", qui vient de lancer une nouvelle forme de résistance, à quelques jours du second anniversaire du début de la "révolution du jamsin". Une résistance... par la danse !

A la tête de ce collectif, Bahri Ben Yahmed, 35 ans, danseur, chorégraphe et cinéaste. Le 8 novembre, il diffuse sur YouTube une vidéo le montrant lui et un autre danseur, Chouaib Cheu, enchaînant des pas de hip-hop dans des espaces publics à Tunis. Le clip, intitulé "Je danserai malgré tout", remporte un grand succès sur la Toile, attirant plus de 15 000 internautes en quelques jours.
Un mois plus tard, il diffuse une seconde vidéo le montrant cette fois-ci avec quatre autres danseurs - Chouaib Cheu, Sandra, Adnen et Nahed Dou Di - investissant les rues de la capitale à la manière d'un flashmob, sous le regard amusé des passants. On y voit une femme exécuter un ballet au milieu d'un marché de légumes populaire, un homme effectuer des pas de breakdance sur le quai d'une station de métro à Tunis, ou encore un couple danser du classique au milieu d'une place publique de la capitale...
Très vite, cette seconde vidéo devient encore plus virale que la première, avec près de 48 000 clics en deux jours seulement.

"Une révolution sans danse, c'est une révolution inutile."

Dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, Bahri Ben Yahmed explique que l'idée de ces vidéos lui est venue après l'incident du 25 mars, lorsque des manifestants salafistes ont attaqué des artistes qui offraient un spectacle de rue sur l'avenue Habib Bourguiba à l'occasion de la Journée mondiale du théâtre. "C'est une date qui marque encore les esprits des artistes tunisiens, affirme Bahri Ben Yahmed. 'Entrez à l'intérieur de vos théâtres', nous criaient les salafistes. 'La rue ne vous appartient plus !'" Le 28 mars, suite à ce violent incident, le ministère de l'Intérieur décide d'interdire toutes les manifestations sur l'avenue Bourguiba.

"Nous avons eu peur qu'ils nous enferment entre quatre murs, qu'ils nous coupent du monde, qu'ils interdisent aux gens de fréquenter le théâtre, confie le jeune danseur tunisien. Notre initiative vient justement pour dire non à ces pratiques. La rue nous appartient encore ! Ces vidéos sont l'expression d'un acte de résistance contre l'obscurantisme, poursuit l'artiste. Nous sommes en confrontation directe avec les salafistes, et notre seule arme est l'art."
Sur Twitter, l'initiative du groupe fait sensation. "Je suis un Tunisien sans vie, qui danse malgré la déception qui m'envahit et malgré la douleur", écrit @arabicca1

Rania Massoud,

"L'Orient le Jour", 12 décembre 2012