Nous allons parler à nouveau
de l'antisémitisme dimanche prochain, mais pas seulement, également du racisme,
et pas seulement en France puisque "l'espace" dans lequel va
s'inscrire notre émission c'est carrément celui de notre Planète : en effet,
notre sujet est "l'Internet de la haine", et c'est le titre d'un
ouvrage, édité aux Editions Berg International. Je recevrai son auteur, Marc
Knobel. Je le connais en fait depuis plus de vingt ans. Nos chemins
s'étaient croisés dans ce qui s'appelait encore
"Le Centre de Documentation Juive Contemporaine", le C.D.J.C. Et on
peut dire que toute sa carrière a eu comme fil directeur la lutte contre
l'antisémitisme. Historien, il a participé à divers ouvrages collectifs sur les
heures sombres du nazisme, mais très tôt il a eu conscience que les mots, aussi,
peuvent tuer, et je pense à sa participation au livre "L'antisémitisme de
plume,1940-1944", sous la direction de Pierre André Taguieff. Alors des
mots meurtriers par la violence qu'ils portent, on les retrouve sur Internet
qui s'est développé de façon exponentielle depuis une quinzaine d'années, et
c'est au CRIF qu'il a rejoint ensuite que nous-nous sommes retrouvés, et qu'il joue
avec un dévouement extraordinaire le rôle de "sentinelle" par rapport
aux horreurs véhiculées dans le cyber espace : comme écrit page 89 de son
livre, "l'Internet (est devenu) un tout-à-l'égout, dans lequel on trouve
toutes les images, tous les textes qui bafouent la dignité humaine et foulent
au pied les droits de l'homme, de la femme ou de l'enfant". Il y a deux
catégories d'acteurs dans notre communauté, ceux qui sont toujours sur les
photos, et qui donnent l'illusion de pouvoir agir sur tout ; et ceux qui
restent dans l'ombre, mais qui font un travail de fourmi et sans qui rien ne
serait possible : Marc Knobel appartient à la deuxième catégorie, et il va nous
parler vraiment d'un sujet qu'il maitrise parfaitement.
Parmi les questions que je
poserai à Marc Knobel
- Comment faire pour voir, lire, analyser
tellement d'horreurs, néo-nazies, djihadistes, antisémites, à longueur de
journée, sans en être malade ?
- Le premier rapport remis à la Commission
Nationale Consultative pour les Droits de l'Homme, en 2000, posait d'emblée un
problème de fond qui était celui de la domiciliation aux Etats-Unis de la
majorité des sites racistes, antisémites et négationnistes, où ils sont
protégés par le Premier Amendement de la Constitution, lequel garantit une
liberté d'expression absolue. D'un point de vue idéologique, les mêmes Américains,
qui ont quand même écrasé le nazisme, qui ont quand même subi le 11 septembre,
ne sont-ils pas prêts à évoluer sur leur fameux "premier amendement"
?
- Les acteurs ce sont, respectivement, ceux qui
mettent en ligne des contenus racistes ou antisémites ; ceux qui hébergent ces
contenus, comme Youtube, FaceBook ou les hébergeurs de blogs ; et ceux qui
fournissent l'accès Internet, comme Free, Numericable ou d'autres. Et les batailles
gagnées, l'action aux côtés de l'U.E.J.F contre Yahoo pour la vente d'objets
nazis en ligne, l'affaire toute récente sur Twitter avec la fameuse application
"un bon juif" qui a entrainé la publication de milliers de messages
antisémites. Au final, qui est pénalement responsable ? Et quelle est la bonne
procédure, quand on découvre une publication en infraction à la législation
antiraciste ?
- Sur la paysage de la Toile d'extrême-droite
en France, le livre donne des chiffres et une classification : étaient recensés
en 2011, 377 sites et blogs extrémistes ; ils se ventilaient entre trois
familles : le courant "identitaire", qui s'oppose violemment à
l'islam ; le courant "nationaliste révolutionnaire" qui est anti-américain, antisioniste et antisémite ; et les catholiques traditionnalistes,
homophobes et antisémites. On a l'impression que d'une part ils ont contribué à
banaliser les préjugés anti musulmans ; mais en même temps, et même s'ils sont
aussi antisémites, que leur lecture n'a pas directement inspiré d'actes
violents contre les Juifs, comme cela a été le cas pour les agressions
physiques, commises au nom de la cause palestinienne, en majorité par des
jeunes d'origine maghrébine ?
- La plupart des groupes qui se créent sur
FaceBook pour défendre Israël sont très vite envahis par des publications de
l'extrême-droite israélienne ; j'ai noté aussi dans les forums de sites très
fréquentés, la banalisation d'expressions racistes comme les "muzzs"
pour dire "les musulmans", et la violence verbale insupportable de la
majorité des intervenants : est-ce que ce n'est pas une illustration de ce qui
est écrit page 157 : "avec le Net, on peut mesurer combien nos société
sont malades" ?
J.C