Avec ce qui passe en Syrie au Bahreïn, mais aussi en en Egypte et en Tunisie, où la transition démocratique réserve encore des surprises, le monde arabe va continuer à faire parler de lui durant l'année qui s'annonce.
Personne ne contestera le
fait que le Printemps arabe a été l'événement majeur de 2011. Mais qu'en a-t-il
été de 2012? Les avis sont partagés. Dans de nombreuses capitales arabes on
parle d'un hiver islamiste et d'une régression sociétale. A l'inverse, il existe
un autre point de vue, moins influencé par les péripéties électorales, pour qui
l'histoire est loin d'être écrite et qui affirme que nous n'en sommes qu'au
début d'un long processus. Une longue séquence dont personne n'est capable de
prédire la fin. En tout état de cause, une chose est certaine: le monde arabe
va continuer à faire parler de lui durant l'année qui s'annonce.
Les souffrances du
peuple syrien vont-elles continuer?
D'abord en Syrie où l'on se
demande si 2013 verra la chute du régime d'Assad avec d'incalculables
conséquences tant sur le plan local que régional. De plus en plus contrôlée par
des groupes islamistes radicaux, la rébellion contre le pouvoir de Damas
inquiète la communauté internationale y compris ses principaux soutiens. Dans l'hypothèse
de sa victoire – ce qui reste encore à prouver tant le régime semble conserver
de la ressource pour se défendre – faut-il craindre des représailles massives
contre les communautés ayant soutenu, de gré comme de force, Bachar El-Assad?
Au cours des dernières semaines, plusieurs textes ont circulé sur internet
mettant en garde contre un génocide – c'est le terme employé – dont les
Alaouites mais aussi les chrétiens seraient les premières victimes.
Mais la guerre civile
syrienne, car c'en est une désormais, peut aussi s'enliser. C'est, même si
personne n'en conviendra, une option qui arrangerait nombre d'acteurs
internationaux qui activent dans la région. Une Syrie à feu et à sang
constituerait de fait un abcès de fixation susceptible de peser sur le régime
iranien et son allié libanais du Hezbollah. Ce serait aussi un conflit
susceptible d'attirer des djihadistes du monde entier au grand soulagement des
pays dont ils sont originaires. Et puis, plus le temps passera et plus les
tensions s'exacerberont au sein des factions islamistes qui combattent le
régime d'Assad, ce qui ne manquera pas de les affaiblir. Cela signifie une
chose, on peut craindre que les terribles souffrances du peuple syrien vont
continuer.
Les Bahreïnis face à
l'indifférence généralisée
Le peuple de Bahreïn risque
lui aussi de continuer à souffrir et cela dans une indifférence
quasi-généralisée. Disparu des radars des médias internationaux dès mars 2011,
cette monarchie sunnite, qui se dit constitutionnelle, reste confrontée à un fort
mouvement de contestation essentiellement mené, mais pas uniquement, par des
forces politiques chiites représentatives d'une part majoritaire de la
population. L'une des hypothèses concernant la suite des événements est que
cette crise – qui a fait plusieurs morts, des blessés, des arrestations et même
des déchéances de nationalité – va nécessairement s'internationaliser. Si
l'Arabie saoudite veille et protège la monarchie en place, on sent tout de même
que l'opposition chiite marque des points auprès des grandes puissances
occidentales et cela même si la propagande officielle l'accuse d'être inféodée
à l'Iran.
Le camp islamiste
regarde vers Morsi et l'Egypte
Mais le pays arabe qui sera
le plus observé est bien sûr l'Egypte. Car ce qui s'y passe depuis plusieurs
mois est tout sauf anecdotique. La victoire du Frère musulman Mohamed Morsi à
l'élection présidentielle et l'adoption au forceps d'une Constitution rédigée
par le camp islamiste figurent parmi les événements majeurs de 2012.
N'en déplaise au Maghrébins,
et notamment aux Algériens, qui pensent le contraire, l'Egypte demeure le
centre de gravité du monde arabe et ce qui s'y passe influe tôt ou tard sur ses
voisins et cousins. Ainsi, la presse arabe transnationale a-t-elle déjà mis en
exergue un fait de première importance. La récente radicalisation du Premier
ministre turc Recep Tayyip Erdogan – il a notamment appelé à des poursuites
contre les producteurs d'une série télévisée sur Soliman le Magnifique – serait
due à l'influence de Mohamed Morsi. Des Frères musulmans égyptiens au pouvoir
qui incitent leurs homologues turcs de l'AKP à plus de rigorisme et
d'orthodoxie, voilà une conséquence possible des événements de 2012 que
personne ne semble avoir prévue. Ne disait-on pas, au contraire, que c'est le phénomène
inverse qui aurait lieu, le «modèle
turc» étant appelé à faire des émules dans le monde arabe?
Reste que la société
égyptienne est divisée et que rien n'assure aux «Frères» que leur exercice du
pouvoir sera un long fleuve tranquille. Mais l'expérience méritera d'être
suivie de près.
La Tunisie et la
menace de radicalisation d'Ennahdha
Tout comme sera suivie
l'évolution de la Tunisie où la polarisation de la vie politique entre
partisans et adversaires d'Ennahdha – c'est d'ailleurs ce que recherche ce
parti depuis février 2011 – peut mener au pire.
Des élections devraient se
tenir en 2013, dans l'hypothèse où les travaux de la Constituante seront
achevés. Dans quel climat le scrutin se déroulera-t-il? Faut-il donner du
crédit aux sondages qui affirment que le parti religieux perd, jour après jour,
de son audience? Et si tel est le cas, ne faut-il pas craindre de lui une
radicalisation plus marquée et un recours plus fréquent à l'intimidation et à
la violence?
L'Algérie face à
l'«aventurisme démocratique»
Et l'Algérie dans tout cela?
On peut prendre le pari que ses dirigeants continueront de se gargariser d'une
«exception» qui tend à faire croire que le pays est resté hermétique à l'onde
de choc provoquée par le Printemps arabe. Est-ce que cela restera le cas en
2013? Qui sait? Les Algériens sont devenus les champions du monde de l'attente
du changement et vivent actuellement dans un environnement à part, presque
factice, en raison de la bonne tenue des cours du pétrole. Ils peuvent regarder
la situation en Egypte ou en Tunisie comme des repoussoirs et des obstacles à
tout «aventurisme
démocratique». Mais, ils peuvent aussi se dire qu'il est des pays
arabes où, malgré la pagaille politique, les choses bougent et où tout reste
permis
La partie est-elle perdue
pour les Palestiniens?
On terminera ce tour
d'horizon par le sort des Palestiniens. Ces derniers ont désormais un «Etat»
admis dans l'antichambre de l'Onu. Il leur reste à avoir enfin leur terre, leur
«vrai» pays et leurs droits. On le sait, les Israéliens ont l'intention de ne
rien lâcher et continuent même d'annexer Jérusalem-est et ses environs.
Vu à l'instant T, on pourrait
penser que la partie est perdue pour les Palestiniens. Mais, ce serait oublier
que cette partie du globe, comme le reste du monde arabe, est souvent
confrontée à l'inattendu. Cet imprévu salvateur qui rebat les cartes et détruit
les certitudes de la veille. Et pourquoi 2013 ne serait-elle pas, elle aussi,
l'année de l'imprévu?
Akram Belkaïd (*)
Kapitalis, 31 décembre 2012*Journaliste algérien basé à Paris.
Source : ''Le Quotidien d'Oran''.