Randa Kassis
Dimanche prochain, nous
allons parler, à nouveau, de l'actualité du monde arabe et des vagues
révolutionnaires qui le secouent, et nous retournerons en Syrie, pays ravagé
par une véritable guerre puisque les victimes seraient, d'après l'Observatoire
Syrien des Droits de l'Homme, au nombre
de 30.000 maintenant, dont une majorité de civils. Pour en parler, j'aurai le
plaisir de recevoir Madame Randa Kassis. C'est une figure connue de
l'opposition en exil à Paris, puisqu'elle est la présidente du "Mouvement de la Société Pluraliste en Syrie". On a pu l'écouter sur France 24, France 5, Radio
France International et j'oublie beaucoup de médias, j'ajoute qu'elle a un site
où on peut réécouter ses interviews et j'invite les auditeurs à le visiter. Elle
est née dans une des communauté chrétienne du pays, mais elle se définit avant
tout comme une laïque, position courageuse dans le monde arabe et nous venons
d'en avoir un rappel violent avec la vague d'émeutes meurtrières qui a suivi la
diffusion du fameux et débile film anti-islam produit par un Copte vivant aux
USA. Courageuse, elle l'est aussi car vous elle ne craint pas de s'afficher en
compagnie de militants qui soutiennent la révolution syrienne, mais qui ont le
"tort inexcusable" d'être juifs comme Bernard-Henri Levy, une chose
que ne pardonnent ni les pro-Assad, ni hélas une partie des révolutionnaires.
Parmi les questions que je
poserai à Randa Kassis :
- Le Conseil National Syrien a une image
négative pour certains, car diplomatiquement il est appuyé par les pays du
Golfe, à commencer par deux monarchies rivales mais unies pour le soutenir,
l'Arabie Saoudite et le Qatar. La Turquie, dirigée par les islamistes de l'AKP,
sert un peu de "base arrière" à la révolte, et elle laisse transiter
les armes à l'Armée Syrienne Libre : or les reportages télévisés montrent
toujours de jeunes combattants barbus criant "Allah Akhbar" dans les
rues de Homs, Alep ou Damas, et on sait que des Djihadistes de plusieurs pays sont
venus se battre en Syrie. Quel est leur poids numérique réel dans cette
révolution ? On sait que Al-Qaïda a fait plusieurs attentats à la voiture piégé
dans les grandes villes, et la propagande du régime présente la révolution
comme une déstabilisation terroriste du pays, soutenue par un complot des
Américains et d'Israël : que répondre à cela ?
- On s'est hélas habitué aux nouvelles
dramatiques en provenance de votre pays, tous les jours ce sont des dizaines,
parfois de centaines de tués que l'on relève dans cette guerre ; l'armée
bombarde à l'aveuglette des immeubles ; et, le 15 août dernier, une commission
d'enquêteurs des droits de l'homme des Nations unies a conclu que les forces
gouvernementales syriennes et les milices "Chabibas" ont commis des
crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Or la majorité de la
population ne s'est pas encore révoltée : comment l'expliquez-vous ? Est-ce la
peur de la répression ? Ou est-ce la peur de toutes les communautés
minoritaires, qui craignent les représailles de la majorité sunnite ?
- D'un point de vue
stratégique, comment voyez-vous, franchement, l'issue de cette guerre ? Il est
clair que le régime n'arrive pas à écraser les révoltés, qui n'ont que des
armes légères ; mais il est clair, aussi, que sans armes lourdes ils
n'arriveront pas à s'imposer sur le terrain, on l'a vu d'ailleurs en juillet
dernier lorsque les rebelles ont été écrasés des quartiers qu'ils avaient
conquis à Damas : or les pays qui soutiennent l'Armée Syrienne Libre refusent
de leur en donner. Alors quelle issue ? Peut-on espérer que des supports du
régime le laissent tomber et négocient un "deal" avec la révolution,
un peu comme l'avaient fait des anciens piliers de la dynastie des Kadhafi avant
la chute de cette autre dictature ?
- Si on pousse plus loin le
parallèle avec la révolution libyenne, on se souvient que l'intervention
occidentale a été décisive pour renverser le rapport de forces sur le terrain.
Il y avait eu le vote à l'ONU d'une résolution imposant une "non fly
zone", qui a cloué au sol l'aviation libyenne, et cette résolution était
passée grâce à l'abstention de la Russie et de la Chine. Dans un article du
journal "Le Monde" du 14 août dernier, intitulé "Des avions pour
Alep", Bernard-Henri Levy a demandé que l'on fasse la même chose dans
votre pays. Vous soutenez cette proposition. Or il y a deux objections
majeures, l'une diplomatique, à savoir que cette fois-ci la Chine mais surtout
la Russie, soutiennent à fond le régime en
opposant leur véto au Conseil de Sécurité. L'autre stratégique, soulevée
par Jean Fleury, ancien chef d'état major de l'armée de l'air : notre aviation
représente à peine la moitié de l'aviation syrienne, on ne pourrait rien faire
sans les Etats-Unis, or les USA sont dans une logique de retrait armé du
Moyen-Orient : que répondez-vous à cela ?
Des questions très précises,
comme vous le voyez, pour une actualité brûlante ... j'espère donc que vous
serez nombreux à l'écoute dimanche prochain !
J.C