Guy Konopnicki
Ce n’est pas la moindre
des singularités d’Israël que de devoir à tout moment justifier sa légitimité
et celle de son peuple. Cette négation répétitive pourrait, à elle seule,
constituer une caractéristique nationale, puisque l’on s’obstine, depuis la
nuit des temps, à dénier aux juifs tout ce qui les caractérise. L’antisémitisme
des églises romaine et byzantine se fondait déjà sur ce principe : les juifs
n’étaient plus Israël, peuple de l’alliance, puisqu’il n’avaient pas reconnu
Jésus-Christ. Les églises chrétiennes étaient donc, chacune, le nouvel Israël
et il ne pouvait en exister d’autre. L’Islam, à son tour, revendiqua
l’exclusivité de l’alliance, affirmant sa vocation à établir sa domination
exclusive au nom du Tout-Puissant. Or, au long des siècles, dans le monde du
christianisme orthodoxe, dans celui du catholicisme romain, comme en terre
d’Islam les juifs ont persisté, alors que la plupart des peuples du Moyen- Age
ont disparu en tant que tels, se fondant en permanence dans de nouveaux
ensembles. S’il est un mystère pour les historiens, c’est bien celui de la
permanence du judaïsme, de la détermination de ce peuple, qui demeure, en dépit
des persécutions, des massacres et de toutes les tentatives de conversions
massives. Ce mystère a tant d’implications qu’il en devient insupportable pour
les juifs. Petit-fils de rabbin, Karl Marx tenta de démontrer que le juif
n’était qu’une création économique. Il réduisait son existence aux besoins de
la société marchande et associait son universalité à celle de l’argent.
L’origine et l’histoire du peuple juif ne l’intéressaient guère plus que les
résurgences païennes du romantisme allemand. Pour Marx, tout cela n’était que
fadaises et croyances, il cherchait, lui, à établir une histoire économique,
sociale et politique de l’humanité.
La Question juive n’est, dans
l’œuvre de Marx, qu’un petit texte polémique, destiné à nier l’existence d’une
problématique particulière, au moment où l’antisémitisme moderne prenait corps
en Europe. C’était aussi le moyen de ne jamais s’interroger sur ce qu’il était
lui-même, en dépit de la conversion de son père et de son propre athéisme. Lui,
le prophète du socialisme, dont la doctrine émancipatrice trouva une
résonance singulière parmi les juifs d’Europe, comme en témoigne la composition
des partis qui s’en réclamèrent au début du siècle passé, les
sociaux-démocrates allemands, autrichiens, et russes.
La négation marxiste de la
nation juive s’inscrivait dans un projet d’émancipation du prolétariat mondial,
qui impliquait le dépassement de toutes les nations. La négation d’aujourd’hui
ne vise qu’un seul peuple, qu’une seule nation. Elle est de nouveau, portée par
un juif, un historien israélien : Shlomo Sand.
Shlomo Sand ne
s’interroge pas sur l’adéquation des autres nations avec le territoire qu’elles
occupent. Tout État, est, par nature légitime, à l’exception d’Israël. Autour
d’Israël, les frontières ont été tracées à la fin de la Première guerre
mondiale, lorsque les Britanniques et les Français se partagèrent les
dépouilles de l’empire Ottoman. Les Turcs ne considéraient pas la Palestine
comme une entité spécifique, ils avaient découpé administrativement le
territoire, en se gardant bien d’installer une autorité centrale à Jérusalem. La
Palestine avait disparu depuis la fin des Croisades. Cette terre avait un
peuplement composite, le Sultan avait, par exemple, installé dans la vallée du
Jourdain, des Algériens qui, pour l’avoir servi loyalement, avaient été
contraints de quitter leurs terres lorsque l’Algérie devint française. Cela ne
signifie nullement qu’il n’y a pas, aujourd’hui, de peuple palestinien, ce
n’est pas parce qu’une identité nationale s’est constituée récemment que l’on
peut nier l’existence d’une nation.
Or toute la démonstration de
Shlomo Sand repose sur ce postulat : le récit biblique n’a pas été écrit à
l’époque des rois d’Israël, l’année que nous nous souhaitons, 5773, ne
correspond à rien, toute cette histoire n’est qu’une légende inventée
ultérieurement. Le judaïsme daterait, en fait, de l’époque de Babylone et ne
serait arrivé à Jérusalem qu’au retour de l’exil, avec le second Temple. Quand
bien même cette théorie ne serait pas dénuée de fondement, où trouvera-t-on une
nation aussi ancienne que le peuple juif ? Sans nul doute dans les
civilisations asiatiques, et cependant, d’invasions en bouleversements, aucune
frontière contemporaine ne correspond à celles des anciens royaumes et empires
qui marquèrent l’Inde, la Chine et l’Indochine. Nul ne s’interroge sur la légitimité
de la présence des Chinois contemporains au pied de la Grande Muraille. On
s’attachera cependant à démontrer que les juifs n’ont rien à faire à Jérusalem.
Ce peuple, nous répète Shlomo Sand a été inventé. Il aurait même fini par
s’inventer lui-même, au point de revendiquer une terre dont il n’était pas
issu. Il faut croire que des rabbins de Babylone ont posé, au hasard, un doigt
sur une carte. Les cartes de géographie n’étaient pas très courantes à
l’époque, mais nos rabbins, ayant entendu parler d’un Dieu unique, découvert
par un autre peuple, auraient jeté leur dévolu sur une bourgade, pour y
enraciner le peuple qu’ils venaient d’inventer et qui n’avait pas
d’origine.
En fait, rien ne vient des
juifs, ni la Thora, ni le monothéisme, ni Jérusalem. Les premiers sionistes, les
Hébreux qui partirent de Babylone pour la Judée étaient déjà de grands pervers,
qui avaient inventé toute une histoire pour s’accaparer une terre. On comprend,
dans ces conditions, que tout le monde est légitime sur cette terre, les
descendants des soldats grecs et romains, les bâtards laissés par les croisés
et les armées de Saladin, les populations issues des brassages de l’empire
Ottoman, les serviteurs algériens du Sultan installés dans la vallée du
Jourdain lorsque l’Algérie devint française, les Levantins, les Bédouins, les
communautés chrétiennes fuyant l’Égypte à l’époque des Mameluks, bref, tout ce
qui est issu du brassage de peuples nomades et d’envahisseurs au long de deux
millénaire est légitime, seuls les juifs ne le sont pas. Shlomo Sand nous
démontre que les juifs ne viennent de nulle part ! Belle découverte : c’est le
leitmotiv de l’antisémitisme depuis deux siècles.
Les juifs conspirent,
ils ont tout inventé. Ils ne viennent pas de cette terre. Jérusalem n’est qu’un
mythe. En ce cas, on ne comprend pas comment Jésus-Christ a pris une telle
importance, si l’histoire dont il se réclamait venait tout juste de sortir du
cerveau obscur de quelque importance. Et pourquoi Mohamed tenait-il tant à
poser le sabot de son cheval sur le Mont du Temple ?
Ce n’était rien encore. Non
seulement la terre promise n’existe pas, mais la diaspora elle-même n’est
qu’une fiction. Selon Shlomo Sand, les ashkénazes descendent en fait des
Khazars convertis au judaïsme, tout comme les sépharades seraient des Berbères,
datant de l’époque de la Kahina. D’un côté comme de l’autre, nous serions issus
de conversions massives, entre le VIè et VIIè siècle de l’ère chrétienne.
Comment ce peuple inventé a-t-il pu faire tant de conversions massives, sans
quitter sa terre d’origine, ou toujours selon Shlomo Sand, les Hébreux se
seraient massivement convertis au christianisme puis à l’Islam, afin de devenir
les ancêtres des Palestiniens !
Arthur Koestler avait, en son
temps, réfuté la théorie de l’origine Khazar. S’il n’est pas contestable que
des Khazars et des Berbères convertis se soient intégrés au peuple juif, tout
comme les Falashas, la volonté de réduire les origines du peuple juif à ces
conversions nous ramène, une fois de plus, à l’obsession de Shlomo Sand, qui
est de délégitimer Israël. Comment comprendre que des populations du Caucase et
des Aurès n’aient eu de cesse de prier, pendant des siècles, pour que Sion
retrouve sa splendeur ?
Le complot n’a cessé de
se renouveler : la minorité obscure, qui a inventé le peuple juif a réussi à
convaincre des millions de Khazars et de Berbères, elle a éradiqué de leurs
mémoires leurs origines réelles. Ces descendants de Khazars et de Berbères se
sont installés en Palestine, ils ont asséché des marais et irrigué des déserts,
ils ont affronté des voisins hostiles et subi le terrorisme, alors même qu’ils
venaient de régions plus attrayantes ! Les Khazars avaient vécu en Crimée,
région épatante pour y installer un Etat juif ! Et pourquoi pas la Tunisie ou
le Maroc, terre d’origine de notre judaïsme berbère ?
Fort curieusement, la langue
de ces ashkénazes qui seraient essentiellement des Khazars, n’a conservé aucune
trace des idiomes transcaucasiens. Ce peuple parlait une langue voisine du
turc, ce qui est, pour le moins, éloigné du yiddish. Il faut donc croire qu’une
minorité audacieuse est parvenue à prendre l’hégémonie sur une population que
la poussée mongole venait de disperser. Et ces mystérieux inventeurs du peuple
juif auraient imposé un allemand rhénan du XIème siècle, à une population venue
d’Asie centrale pour descendre jusqu’à la mer Noire, avant de se disperser des
Carpates à la Baltique. Autant dire que les carpes remontent toutes farcies du
Danube à la Volga.
Sur cette terre, peu de
peuples se trouvent sur leur territoire d’origine. La Seconde guerre mondiale
et la décolonisation sur les frontières coloniale ont dessiné, en Europe et en
Afrique, des frontières arbitraires et souvent absurdes. On a déplacé, on
déplace encore, des dizaines de millions d’individus. La Prusse a été partagée
entre la Pologne et la Russie, la capitale de la Lituanie était jadis une ville
polonaise à majorité juive, l’Ukraine occupe d’immense territoires polonais,
slovaques et roumains, sans même parler de la Crimée, conquise et reconquise
par la Russie.
L’OTAN a bombardé
Belgrade, pour contraindre la Serbie à abandonner sa province historique du
Kossovo, parce que les Albanais y sont devenus majoritaires dans les années 70
du vingtième siècle. Le Soudan écrase les peuples du Sud, les islamistes
ravagent les tombeaux musulmans de Tombouctou…
Mais il n’y a qu’un
pays artificiel et maléfique, l’État d’Israël. Il n’y a qu’un seul peuple
inventé de toutes pièces, le peuple juif, qui n’est même pas juif, mais
berbéro-khazar.
Le juif ment, il a
toujours menti.
Il suffit de regarder
autour d’Israël… On comprend qu’il y a un peuple syrien comme il y a un peuple
libanais, ces nations homogènes, unies, offrent un contraste saisissant quand
on songe qu’elles vivent aux frontières d’une terre occupée, à force de
mensonges, par un prétendu peuple juif, illégitime depuis deux millénaires.
Heureusement, il y aura toujours des Shlomo Sand pour débusquer le mensonge du
juif.
Guy Konopnicki,
Information Juive, septembre
2012