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11 octobre 2012

Une comparaison nécessaire : l'Iran pourrait se lancer dans un "Pearl Harbor" pour tenter de contrôler le Moyen-Orient, par Riccardo Dugulin

La traduction originale
- octobre 2012

S'exercer dans la comparaison d'acteurs internationaux ayant évolué au cours de différentes périodes de temps, représente certainement une tâche risquée. Le nombre de variables les différenciant les unes des autres est tellement important, que les deux éléments de la comparaison elle-même peuvent apparaître comme trop hétérogènes, ce qui rend la prise en compte complètement futile. Mais d'autre part, les décideurs et les analystes ont besoin d'un certain cadre intellectuel pour élaborer une manière de pensée cohérente, et applicable dans les cas urgents.
 

 Pour cette dernière raison, le débat actuel concernant la probabilité de l'Iran d'acquérir des armes nucléaires a de plus en plus mis l'accent sur les comparaisons. La menace que Téhéran ferait peser sur Israël et sur la région, et les mesures qui devraient être prises pour empêcher la République islamique de ne jamais atteindre ce point de non-retour, sont certainement influencées par la manière dont les commentateurs perçoivent la menace iranienne. Lorsque vous essayez de considérer l'Iran comme étant un acteur rationnel ou un irrationnel, les exemples les plus courants pris en considération sont l'URSS, la Chine maoïste et la Corée du Nord. A ces arguments, la réponse habituelle se divise entre deux discours :  «aucun de ces pays n'ayant agi de manière irrationnelle, donc l'Iran suivra le même chemin» ou «l'Iran est exceptionnel, car il maintient une idéologie particulière qu'aucun autre pays n'a".


Sur un plan purement matériel et stratégique, une quatrième comparaison doit être faite: celle qui existe entre le Japon impérial des années 1930 et 1940 et le présent régime révolutionnaire islamique de Téhéran. Cette question ne concerne pas uniquement le fait que le Japon partage avec l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste une doctrine d'État qui, dans une certaine mesure, est similaire à celle présente aujourd'hui dans le discours public iranien.

Les similitudes entre ces deux acteurs sont basées sur un ensemble de quatre critères interconnectés.

Le premier critère peut être défini comme le culte de la nation. Au-delà d'une idéologie chiite extrêmement radicale et réactionnaire , le président Ahmadinejad et l'armée maintiennent leur emprise sur leurs supporters à travers un discours très nationaliste. La supériorité de la culture iranienne sur le reste de la région est mise en avant à chaque affichage de force en public. L'indépendance iranienne n'est pas seulement liée à un sentiment de souveraineté, mais aussi à un sentiment de supériorité qui va de pair avec la compréhension particulière  qu'a la classe dirigeante de ses devoirs religieux. Une similitude peut être faite pour le Japon impérial, où la culture du Bushido et de dévouement complet à la nation ont conduit le peuple japonais à accepter des sacrifices inimaginables. Il n'est pas étonnant que les Japonais furent le premier pays industrialisé à introduire les attentats-suicides de masse dans le but de modifier l'équilibre de la bataille, et que les Iraniens aient été les premiers à utiliser ces techniques dans les combats modernes.

Le fait que le Japon n'était pas un Etat ayant l'arme nucléaire dans les années 1940 n'est pas excessivement important de cette analyse, car, à cette époque, aucun des acteurs internationaux ne l'était. Ce qui est pertinent est d'examiner comment le Japon a réagi face à des puissances militaires supérieures de l'époque, à savoir l'Empire britannique et les États-Unis. L'Iran est aujourd'hui face à Israël et aux États-Unis, des Etats qui ont le potentiel de détruire efficacement les infrastructures vitales de la République Islamique, comme le Japon fut confronté à ses deux ennemis dans les années 1940 et a finalement été détruit. Le fait est que ce n'est pas la nature rationnelle de l'adversaire qui s'intéressait le Japon ou aujourd'hui l'Iran, mais sa volonté effective d'engager le combat. Aujourd'hui, il est clair que les Etats-Unis ne prendront aucune mesure contre l'expansion régionale de Téhéran, et que Israël seul ne peut avoir que des ressources limitées pour le faire. Pour se faire, peu à peu, l'Iran prépare une force militaire, conventionnelle et non conventionnelle, qui lui fournira un avantage relatif dans une confrontation ultérieure.

Le troisième point de comparaison peut être vu au niveau du régime de sanctions. Comme le Japon dans les années 1930, l'Iran d'aujourd'hui joue la partition d'un pays marginalisé et isolé. Le régime des sanctions a mis à mal son économie et ses capacités commerciales, mais il n'a pas sapé la vraie nature de la menace, qui est la volonté du régime. Dans les années 1940 une des raisons pour lesquelles le Japon entra en guerre contre les Etats-Unis, fut le désir de développer et de garantir une économie affligée par les sanctions, soit exactement le résultat contraire au but pour lesquelles les sanctions avaient été appliquées. Aujourd'hui, les sanctions contre l'Iran ont également stimulé ses ultra-radicaux, sans sécuriser la région. Sans une menace militaire crédible, des sanctions peuvent bien avoir l'effet inverse.

 Le dernier point est la nature des voisins directs des deux pays. Pour le Japon, la Chine était considérée comme une zone d'expansion de son territoire, en quelque sorte comme les régions chiites d'Irak le sont pour l'Iran. Le reste de l'océan Pacifique était à ce moment peu remplie de véritables zones de résistance militaire, comme à l'heure actuelle c'est le cas dans le Golfe Persique pour l'Iran. Face à une course pour une expansion régionale, qu'elle soit ouverte ou camouflée, seule la force militaire américaine serait en mesure de l'arrêter.
 
Etant convenu que toutes les comparaisons engendrent un certain nombre de généralisations et maintiennent une certaine superficialité, celle entre le Japon impérial et l'Iran islamique a le pouvoir de fournir une conclusion importante : même les acteurs les plus rationnels, tels que le Japon semblait l'être dans les années 1930, peuvent s'embarquer dans des politiques tout à fait irrationnelles à un moment où l'équilibre des forces, telles qu'il le perçoive, penche en leur faveur. Charles Krauthammer cite Anthony Cordesman, qui a déclaré que la crise iranienne actuelle présentait "les mêmes conditions qui ont permis de déclenchement de la Seconde Guerre mondiale." Dans cette optique, la discorde entre les Etats-Unis et Israël, avec un débat prolongé sur une frappe possible et les conséquences futures du régime de sanctions, renforcent le discours national-islamiste ; la menace réelle à moyen terme est que l'Iran se lance dans un Pearl Harbor du 21ème siècle, dans une tentative de contrôler le Moyen-Orient.

Riccardo Dugulin,
Site Ynet, 24 septembre 2012

Traduction Jean Corcos