Le 25
janvier, un nouvel attentat a fait 9 morts après les 4 militaires tués lors
d'un assaut contre leur caserne le 20 janvier. Pourtant les autorités ne
cessent dire que la situation s'améliore. Faux, rétorque The Nation. Le
quotidien estime que tous les gouvernements successifs ont brillé par leur
impuissance à stopper cette hécatombe.
Juste au
moment où la situation était sensée s'arranger, les insurgés du Sud ont rappelé
au gouvernement de Bangkok, de la plus brutale des manières, qu'il ne serait
pas si facile de parvenir à la paix. Jeudi dernier, un groupe de combattants a
pris d'assaut un camp militaire du district de Rangae, dans la province de
Narathiwat, faisant quatre morts et sept blessés. Cette audacieuse opération
commando a pris par surprise le dispositif de sécurité du camp et semble avoir
été minutieusement préparée, les insurgés ayant disposé des troncs d'arbres et
des herses sur la route pour empêcher toute poursuite. Les assaillants se
seraient emparés d'une multitude d'armes et de près de 5 000 balles. Si
cela se confirme, la préparation de cette opération serait digne de celle du
4 janvier 2004, lorsque des insurgés avaient mis la main sur plus de
350 fusils après avoir attaqué un camp de l'armée à Joh I Rong [un
district voisin].
Il s'agit
d'un grave revers pour le pouvoir et les responsables de la sécurité qui se
vantaient quelques jours auparavant des progrès accomplis en termes de justice
et de sécurité dans la région. Il avait également été question de lever l'état
d'urgence dans plusieurs districts de cette province agitée. Comment les
militaires ont pu aboutir à la conclusion que la sécurité s'était améliorée
reste un mystère. Ce qui est certain, c'est que cette attaque a permis de
questionner la logique et les outils dont les militaires se servent pour
mesurer leur succès. Le code de couleurs [par lequel les autorités
déterminaient les zones en proie à l'insécurité] fonctionnait peut-être à
l'époque de la rébellion communiste et du mouvement séparatiste Malay Muslim,
il y a vingt ans, quand les rebelles se concentraient dans des régions
montagneuses ou dans les collines de l'extrême Sud. Aujourd'hui, leur réseau
est tellement étendu et mobile qu'il est presque impossible d'affaiblir le
mouvement dans son ensemble.
L'idéologie
séparatiste, la radicalisation des esprits et le recrutement des insurgés sont
entretenus par l'incapacité des autorités à répondre aux doléances locales. A
cela s'ajoutent en outre la violence de leurs interventions, les violations des
droits de l'homme, les mauvais traitements infligés aux musulmans et l'impunité
de leurs auteurs. Ces facteurs sont particulièrement prononcés dans les
"zones rouges" où les insurgés poursuivent leurs attaques, continuent
de recruter et bénéficient toujours du soutien des populations locales malgré
les opérations militaires censées les "étouffer" depuis des années.
Cependant personne au sein du gouvernement ou de l'armée n'est prêt à admettre
cette vérité. La série d'attaques perpétrées depuis la fin de 2010 montre que
nous assistons à un nouveau cycle de violence, caractérisé par des attaques à
la bombe parfaitement préparées et coordonnées avec des raids contre des
casernes et des barrages militaires. Cette nouvelle vague est menée par des militants
endurcis et radicalisés qui ne semblent nullement intéressés par une offre de
dialogue avec les autorités.
Pendant ce
temps, les musulmans de la région ne voient aucune différence entre le
gouvernement d'Abhisit et ceux de ses prédécesseurs. La plupart semblent être
parvenus à la conclusion qu'ils ne seront jamais traités avec équité par les
autorités. Tous les discours sur les stratégies pour gagner les cœurs et les
esprits ne sont que des vœux pieux. La récente levée de l'état d'urgence dans
le district de Mae Lan, dans la province de Pattani, ne constituait pas une
concession majeure de la part d'Abhisit. Pour les musulmans, ce geste est
insignifiant et trop tardif. Cette mesure n'est que de la poudre aux yeux et
n'aide en rien à améliorer le bilan des droits de l'homme ou la situation de la
justice, qui restent au cœur des doléances des habitants. Il est temps de
penser différemment, même si cela implique de requérir à des médiateurs
extérieurs. Trop de vies ont été perdues pour que nos prétendus dirigeants se
permettent de continuer comme si de rien n'était. Leur ego ne devrait pas
entraver la mise en œuvre d'une politique appropriée.
Source :
article du journal thaïlandais "The Nation" du 26 janvier 2011,
repris du site de
"Courrier International"